Le G7 de Biarritz, qui s’est achevé le 26 août, aura permis plusieurs avancées mais aussi quelques frictions sur les questions commerciales qui fâchent. Entre la France et les États-Unis d’abord.
Fin de l’escalade à propos de la taxe Gafa
Renault Muselier, Président de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur (première région productrice de vin rosé au monde), pourra expédier le cœur plus léger deux caisses de rosé à la Maison Blanche, comme il l’avait annoncé le 24 août dans un communiqué appelant le président américain à ne pas surtaxer le vin français mais plutôt à le boire.
Donald Trump est Emmanuel Macron ont trouvé un accord, lors du G7 de Biarritz, sur la question de la « taxe GAFA » française adoptée en juillet, qui vise les grandes entreprises du numériques, dont beaucoup sont américaines (dont les GAFA Google, Amazon, Facebook, Apple). Ce qui devrait mettre fin à la menace brandie par le président américain d’une augmentation de la taxation des vins français importés aux États-Unis.
Lors de leur conférence de presse commune le 26 août, le président français a précisé les termes de cet accord : « ce que la France veut, ce n’est pas mettre en place cette taxe, c’est régler le problème international » a-t-il déclaré à la presse, en présence du président américain. « Nous avons acté le fait que nous allons travailler pour trouver un accord en 2020 pour moderniser les règles de la fiscalité internationale dans le cadre de l’OCDE. Le jour où on a cette fiscalité internationale, la France supprime tout projet de taxe ». Et tout ce qui aura été versé au titre de cette taxe française « sera déduit de cette taxe internationale ». Au passage, les deux chefs d’Etat ont ainsi donné un coup d’accélérateur aux travaux en cours dans le cadre de l’OCDE.
Rien ne va plus avec le Brésil sur le Mercosur
Toujours sur un plan bilatéral, le torchon brûle désormais, en revanche, entre la France et le Brésil. Et le feu couve depuis que le président brésilien Jair Bolsonaro a préféré aller chez le coiffeur que de recevoir Jean-Yves Le Drian, début juillet, en guise de protestation contre une rencontre entre le ministre des Affaires étrangers français et des ONG.
Les allusions grossières au physique de Brigitte Macron, que Jair Bolsonaro a relayées via Facebook le 25 août, et les insultes de son ministre de l’Education, traitant le président français de « crétin opportuniste » dans un Tweet, ont été les symptômes les plus médiatisés de cette crise. Emmanuel Macron a rétorqué en souhaitant que « le peuple brésilien ait très rapidement un président qui se comporte à la hauteur ».
En cause, les pressions mises par la France sur des autorités brésiliennes notoirement climatosceptiques, sur la question de la préservation de l’environnement et de la lutte contre le changement climatique, avant et pendant le G7, et notamment pour agir face aux incendies gigantesques qui ravagent la forêt amazonienne depuis des semaines. La France a notamment fait des engagements des pays du Mercosur dans ce domaine une condition de la signature du traité de libre-échange négocié entre l’Union européenne (UE) et ce bloc sud-américain.
Or, le président français accuse Jair Bolsorano d’avoir « menti » sur ses engagements dans ce domaine. « Je l’ai vu une première fois, il m’a dit la main sur le cœur ‘Je vais tout faire pour la reforestation et l’engagement des accords de Paris pour pouvoir signer le Mercosur’ » a relaté le 26 août Emmanuel Macron à la presse. « 15 jours après, il faisait le contraire en limogeant des scientifiques. On peut dire qu’il ne m’a pas dit la vérité », a-t-il ajouté.
Les pays membres du G7 ont décidé, pour leur part, de débloquer 20 millions de dollars d’aide aux pays de l’Amazonie pour les aider à lutter contre les incendies et annoncé des aides supplémentaires pour la reforestation. Aides que le président Jair Bolsonaro s’est d’ailleurs empressé de refuser en s’en prenant à nouveau au président français : « nous ne pouvons accepter qu’un président, Macron, lance des attaques déplacées et gratuites contre l’Amazonie, ni qu’il déguise ses intentions derrière l’idée d’une ‘ alliance ‘ de pays du G7 pour ‘ sauver ‘ l’Amazonie, comme si c’était une colonie », a-t-il écrit dans un tweet le 26 août.
Pour l’heure, une chose est certaine : le président Macron ne signera pas l’accord de libre-échange UE – Mercosur « en l’état », il l’a déclaré dès le 23 août et l’a redit en marge du G7. Il semble d’ailleurs que les sorties du président brésilien et sa gestion déplorable de la catastrophe amazonienne ne consterne pas que la France. Le président du Conseil européen, Donald Tusk, a ainsi reconnu le 24 août, en marge du G7, que les conditions n’étaient pas réunies aujourd’hui pour une « ratification harmonieuse » de ce traité. De quoi ravir organisations d’agriculteurs et d’éleveurs ainsi que les ONG environnementales qui s’y opposent depuis le début.
Désescalade des tensions commerciales
Sur la question de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine le résultat est moins concret mais il semble que le G7 ait permis de repréciser les points d’intérêt communs entre les sept grandes puissances participantes sur la question des pratiques commerciales déloyales – visant particulièrement la Chine- et de relancer ainsi une dynamique plus collective en faveur d’une réforme des règles du commerce international dans le cadre de l’OMC. Un sujet oublié des sorties de Trump via Twitter mais sur lequel planche depuis des mois, un groupe de travail trilatéral formé de l’Union européenne, des États-Unis et du Japon.
Lors de sa conférence de presse commune avec Donald Trump, Emmanuel Macron a indiqué que tout le monde souhaitait « qu’un accord puisse être trouvé sur le plan commercial » entre les États-Unis et la Chine pour mettre fin à l’escalade et à ses conséquences négatives sur l’économie mondiale.
Rappelons que le G7 de Biarritz avait été précédé d’un nouvel accès de fièvre entre Washington et Pékin. La Chine avait annoncé le 23 août l’instauration de droits de douanes supplémentaires de 5 à 10 % sur 5078 produits américains à compter du 1er septembre en représailles aux nouvelles taxes annoncées par Donald Trump début août.
D’où une nouvelle surenchère de ce dernier : via Twitter, il avait enjoint aux entreprises américaines de « commencer immédiatement à trouver des alternatives à la Chine, y compris de rapatrier vos sociétés et de fabriquer vos produits aux Etats-Unis ». Dans la foulée, il avait annoncé une nouvelle augmentation du niveau des taxes en vigueur et à venir sur les produits chinois importés : de 25 à 30 % à partir du 1er octobre, pour les 250 milliards de dollars de marchandises déjà taxées, et de 10 à 15 % sur les 300 milliards de dollars d’importations chinoises nouvellement taxées à compter du 1er septembre (dont une partie exemptée jusqu’au 15 décembre).
La tension n’a baissé d’un cran que le 26 août, alors que le G7 se terminait, lorsque le vice-premier ministre Liu He a déclaré dans un media chinois que « nous sommes prêts à résoudre calmement le problème par des consultations et la coopération». Des déclarations interprétées comme une volonté de revenir à la table des négociations alors que des conseillers chinois auraient repris contact en ce sens avec ceux de Donald Trump. Lors de la conférence de presse commune avec le président français, le président américain s’est déclaré convaincu que « la Chine souhaite vraiment qu’un accord soit conclu », arguant que face au délitement des chaînes d’approvisionnement et des « millions » de pertes d’emplois, les autorités de Pékin « n’ont pas le choix ».
Relance de la réforme de l’OMC
Mais concernant le G7, un deuxième point d’accord s’est dégagé entre les participants en faveur d’un « renouvellement des règles commerciales internationales ».
« Le problème qu’on a eu avec l’économie chinoise, ce sont les sujets de respect de la propriété intellectuelle, le traitement de surcapacités qui déséquilibrent les marchés, et la possibilité de régler les situations déloyales, a détaillé le président français. Hors les règles de l’OMC, ça ne marchait pas bien, et les règles de l’OMC qui sont appliquées sont insuffisantes. Il faut donc changer les règles du commerce international pour que chacun puisse échanger. Il faut changer le cadre international. C’est à nos ministres de faire ce travail. »
A suivre dans les prochaines semaines et prochains mois.
Iran : le retour du dialogue
En attendant, impossible de dresser un bilan du G7 sur les questions commerciales sans évoquer le dossier iranien alors que les sanctions américaines étouffent ce pays tout en paralysant ses échanges commerciaux avec le reste du monde et en attisant les tensions aux Moyen Orient.
L’amorce – certes encore fragile- d’une désescalade est le plus gros succès concret de ce G7, sans conteste à mettre à l’actif des initiatives de la diplomatie française. Le déblocage a été obtenu grâce à la visite éclair du ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, à Biarritz, organisée à la dernière minute à l’initiative d’Emmanuel Macron, qui a pris soin de mettre au courant Donald Trump et ses homologues dès le principe de cette visite acquis.
Les termes de ce nouveau round de négociation ne sont pas encore connus dans le détail. On sait que le G7 a réaffirmé son unité sur deux points : l’Iran doit respecter ses engagements et ne doit pas se doter d’une arme nucléaire. Mais avec la perspective de l’organisation d’une rencontre au Sommet entre le président américain et son homologue iranien Hassan Rohani, pour laquelle chacun de part et d’autre a donné un accord de principe dès que les conditions seront réunies, « nous avons créé les conditions d’un accord » a déclaré le président français à l’issue du G7.
Cela ouvre pour la première fois depuis des mois la possibilité d’une désescalade dans ce dossier, une baisse des tensions dans le détroit d’Ormuz et peut être d’un allègement à terme des sanctions américaines.
Christine Gilguy