Le 23 janvier 2012, la loi
française condamnant la négation d’un génocide (donc celui des Arméniens par l’empire ottoman) devrait être définitivement adoptée. Après l’Assemblée nationale,
le Sénat votera sans doute la proposition de loi, malgré le dépôt d’une motion
d’irrecevabilité de la commission des lois de la Haute Assemblée. Quelles en seront les conséquences pour les relations économiques entre la France et la Turquie ?
Au-delà de l’inquiétude légitime
de la communauté d’affaires française en Turquie, les conséquences négatives
pour l’économie de l’Hexagone pourraient ne pas être aussi importantes qu’on le
craint. D’abord, parce que dans la pratique la France est déjà écartée de la
plupart des grands marchés publics depuis que le président Sarkozy a exprimé
son opposition à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne (UE). Ensuite, les entreprises
françaises implantées sur place « se sont fondues dans le paysage de
longue date », se félicite Ilker Onur, fondateur et directeur général
d’Advantis, une société d’accompagnement d’entreprises françaises installée à
Istanbul.
Quelque 100 000 emplois sont liés à des implantations de
l’Hexagone. La quasi-totalité des produits distribués par Carrefour sont turcs.
Et la France est le troisième investisseur en Turquie, avec un stock de 15
milliards de dollars, derrière les Pays-Bas et l’Allemagne. Enfin, les hommes
d’affaires turcs sont pragmatiques. « Récemment, la fédération turque des
Arts de la table nous a expliqué de façon très courtoise qu’elle ne pourrait,
compte tenu des circonstances, piloter une délégation au salon Maison &
Objet, à Paris, relate Axel Baroux, directeur du bureau d’Ubifrance à Istanbul.
Mais, parallèlement, plusieurs de ses membres nous ont assuré qu’ils se
rendraient individuellement à ce grand rendez-vous mondial ».
Autre exemple : le
déplacement de la délégation turque au Salon mondial du tissu d’habillement
Première Vision a été confirmé. « Les exposants ont seulement indiqué dans
la presse leur volonté de déposer une gerbe et de porter des vêtements noirs en
signe de deuil », raconte encore Axel Baroux. Par conséquent, si des
« sanctions » devaient être prises, elles ne viendraient que de
l’Etat ou de la
population. Ankara pourrait, par exemple, décréter
l’ambassadeur de France personae non grata, suspendre toute participation
d’officiels à des séminaires, échanges et formations et interdire aux sociétés
françaises l’accès aux appels d’offres lancés dans le cadre des jumelages
européens de préparation à l’adhésion de la Turquie à l’UE.
« Depuis un
mois, note Ilker Onur, les sociétés françaises qui veulent investir rencontrent
aussi des difficultés, même pour obtenir des rendez-vous ». Enfin, selon
ce dirigeant franco-turc, « il y a un risque que le gouvernement revienne aussi
sur la liberté accordée depuis l’an dernier d’importer de la viande bovine et
des bovins vivants ». « Mais l’Etat n’appellera
pas à un boycott officiel des produits français », affirme Axel Baroux.
Les 74 millions de Turcs pourraient, en revanche, au grand dam des 7 000
exportateurs français, décider de bouder les yaourts ou les eaux minérales de
l’Hexagone ou les compagnies d’assurance tricolores. Or, la Turquie est le
troisième débouché mondial de la France, hors UE et Suisse, derrière la Chine
et les Etats-Unis. Elle a ainsi absorbé pour 6,1 milliards d’euros de biens
tricolores pendant les onze premiers mois de 2011.
D’après la base de données
GTA-GTIS,
la part de marché de l’Hexagone dans les importations turques est tombée de
plus de 5 % à environ 3,9 % entre 2009 et 2011, la France n’occupant plus ainsi
que le 7ème rang parmi les pays fournisseurs, derrière l’Iran. Une
évolution qui peut étonner et inquiéter, au regard de l’importance du marché
turc. Selon GTIS, sur les onze premiers mois de 2011, la Turquie est parmi les
grands pays celui présentant la plus forte progression de ses importations (+
27,7 %). Mieux que la Chine et que le Brésil.
François Pargny
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Mission Economique Ubifrance : Axel Baroux, tél : + 212 243 53 38/39/ 10 11/10
13, www.ubifrance.fr
Advantis Consulting : Ilker Onur, tél : + 90 216 622 62 28, [email protected]