En pleine crise du Qatar, sous embargo des autres membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG), et sur fonds de tensions croissantes entre Riyad et Téhéran, Emmanuel Macron, en voyage officiel aux Émirats arabes unis (EAU), les 8 et 9 novembre, pour inaugurer le Louvre d’Abu Dhabi, a fait une escale non prévue de deux heures, le 9 novembre, en Arabie Saoudite. Une visite surprise qui s’inscrit dans le prolongement de la position médiane qu’entend imprimer le président français, lequel a, notamment, reçu en septembre à Paris l’émir du Qatar, cheikh Tamin al-Thani, et annoncé son souhait de se rendre en Iran.
Trois accords signés aux EAU
Paris, qui entretient de longue date des relations étroites avec le Qatar, ne peut ignorer, pour autant, l’Arabie Saoudite, la puissance régionale avec l’Iran et son premier partenaire commercial dans le Golfe, avec 7,9 milliards d’euros (dont 4,1 milliards d’exportations tricolores). En comparaison, le commerce avec les Émirats arabes unis (EAU) atteignait 4,66 milliards d’euros (dont 3,6 milliards de ventes françaises) et avec le Qatar 2 milliards (dont 1,8 milliard d’exportations de l’Hexagone).
Aux EAU, trois grands accords ont ainsi été signés le 9 novembre :
1- un mémorandum d’entente, prévoyant qu’un milliard d’euros abondera deux nouveaux fonds d’investissement co-fondés par Mubadala Investment Company, un fonds souverain d’Abou Dhabi, CDC International Capital et Bpifrance. Sur cette somme, la moitié sera consacrée à l’extension du premier fonds franco-émirien d’investissement créé en 2014 à hauteur de 300 millions d’euros entre CDC International Capital et Mubadala, et l’autre moitié à des projets innovants dans les technologies vertes, la biotechnologie et les technologies de l’information et la communication
2- un contrat d’assistance à la maîtrise d’ouvrage pour la réalisation d’une centrale hydroélectrique de 250 mégawatts (MW) dans l’enclave montagneuse de Hatta, à la frontière avec Oman, conclu par EDF avec l’autorité de l’eau et l’électricité de Dubaï (Dewa).
3- la vente de deux corvettes Gowind, des navires de surveillance qui seront conçus et réalisés par Naval Group en partenariat avec Abu Dhabi Ship Building Company (ADSB), un contrat qui sera assorti d’une option pour la commande de deux vaisseaux supplémentaires auprès du groupe français.
Doha achète de l’armement français
Les observateurs s’attendent, en outre, à ce qu’Airbus annonce une méga-commande de 30 A380 d’Emirates, soit un montant de 12 milliards d’euros au prix catalogue. Ce nouveau contrat de la compagnie aérienne, qui serait rendu public le 12 novembre, jour de l’ouverture du Salon aéronautique de Dubaï (12-16 novembre), s’ajouterait aux 142 de ces gros porteurs déjà commandés, dont 100 livrés à ce jour.
L’offensive économique et culturelle de la France aux Émirats arabes unis – l’ouverture du Louvre à Abu Dhabi y intervenant six ans après la fondation de l’Université Paris-Sorbonne Abu Dhabi (PSUAD) – ne signifie certainement pas un désengagement de la France du Qatar. D’abord, parce que les investissements du petit émirat, premier producteur de gaz liquéfié au monde, dans l’Hexagone sont considérables : 25 milliards en 2015. Doha est propriétaire des clubs de football et de handball du Paris Saint-Germain, de courses hippiques, de la chaîne de télévision Bein Sports, du Printemps et actionnaire de groupes français, pour les plus importants, Lagardère et AccorHotels.
Ensuite, le Qatar est un partenaire stratégique en matière de Défense. Environ 80 % du matériel de son armée est français et Doha a commandé à Dassault 24 Rafale. Enfin, ce pays, numéro mondial du gaz naturel liquéfié, veut se doter d’une industrie de transformation et accueillera la Coupe de monde de football en 2022. La crise avec ses voisins, emmenés par l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis, remet en cause cette diversification, même si des dépenses budgétaires ont été annoncées, comme la réduction de près de moitié (de huit à dix milliards de dollars) de l’enveloppe consacrée au Mondial.
Coface : pour le Qatar, l’embargo « n’est pas gérable éternellement »
Jusqu’à présent, note Coface, dans une note sur l’embargo au Qatar, le petit émirat gazier, avec ses réserves en or et en devises, a su faire face. Des milliards de dollars ont été injectés dans le système bancaire, des chaînes d’approvisionnement ont été réorganisées, avec l’aide notamment de la Turquie, les exportations d’hydrocarbures sont montées en flèche.
A terme, cependant, l’assureur crédit remarque que le Qatar devrait souffrir du renchérissement des importations, notamment pour son secteur de la construction, et de l’incertitude politique qui risque de peser sur les investissements dans les hydrocarbures. Enfin, si la confiance des investisseurs s’émoussait, les circuits bancaires pourraient subir des retraits d’argent importants.
Certes, observe encore Coface, si la remontée des cours du baril d’or noir se prolongeait, les effets négatifs seraient atténués. Reste que l’assureur crédit français reste prudent, avec des taux de croissance modérés pour ce pays, de 3,4 % en 2017, qui logiquement baisserait l’année suivante à 3 %. Pour Coface, cette situation « n’est pas gérable éternellement ». Or, aujourd’hui, une sortie de crise n’est pas en vue.
François Pargny
Pour prolonger :
– Guide business Émirats Arabes Unis 2015
– Guide business Égypte 2016
– Guide business Vietnam 2015/Guide business Koweït 2015