S’adapter aux nouvelles exigences d’un marché africain qui innove, tel était le thème de la table ronde « Inclusifs, collaboratifs, ascendants : les modèles porteurs » du 8e Forum Afrique, organisé le 8 février par Le Moci, en partenariat avec Le Cian (Conseil des investisseurs français en Afrique).
Finies les traditionnelles stratégies descendantes (top down), place aux approches innovantes ascendantes (bottom-up), inspirées des besoins des clients et adaptées aux réalités du terrain. « Il y a aujourd’hui 25 pays africains avec leurs écosystèmes qui cherchent à changer le quotidien des gens, apporter du mieux-être, notamment aux plus pauvres. C’est de l’innovation pour le bien commun », a notamment souligné Samir Abdelkrim, entrepreneur, auteur de l’ouvrage Startup Lions : au Coeur de l’African Tech publié à compte d’auteur et fondateur de l’évènement Emerging Valley, à Aix-Marseille.
L’éveil des bailleurs de fonds
De fait, des communautés tech se sont constituées dans de nombreux pays, à Dakar ou à Lagos. « Au départ, l’Etat était inexistant. C’est seulement après qu’il a montré de l’intérêt à généraliser l’écosystème », a expliqué encore Samir Abdelkrim. Quant aux bailleurs de fonds internationaux, ils seraient « en train de changer de paradigme », en acceptant de « parier » sur l’aide aux écosystèmes. Leur « hypothèse » serait alors que « le digital est vecteur de richesse ».
Enfin, des fonds africains commenceraient à se mobiliser. Ainsi, le 31 janvier, le fonds Partech Africa a levé 125 millions d’euros, alors qu’il n’en attendait que 100 millions au départ. Ce fonds de venture capital est dédié aux startups technologiques africaines, notamment celles qui veulent se hisser dans l’économie formelle, alors que 90 % de l’activité du continent dépend encore du secteur informel.
Air France : cap sur les fintech et le développement responsable
Ce boom des projets innovants venus d’Afrique ne laisse pas indifférent. Ainsi, pour aider les startup à rencontrer les grandes entreprises et les investisseurs, la compagnie Air France a lancé un accélérateur il y a quatre ans. « Notre but : aider les innovateurs à trouver leurs marchés et à développer leurs activités », a exposé Christina Ribault, directrice Open Innovation & Start Tech Accelerator de la compagnie française.
Air France a, d’abord, participé à l’initiative de la plateforme MyAfricanStartUp pour éditer le palmarès des 100 startup africaines dans lesquelles investir. Ensuite, la compagnie aérienne a apporté son soutien à des sociétés actives dans les fintech et le développement responsable. Elle lance des chalenges dans ces deux domaines et, dans les fintech, elle récompense une startup française ou africaine qui développe l’e-commerce ou facilite l’e-paiement.
La place financière de Casablanca, hub africain
Au Maroc, la société de droit privé Casablanca Finance City Authority (CFCA) draine des financements internationaux vers l’économie africaine. Né d’une initiative public-privé, CFCA est « une place financière à vocation panafricaine. Nous avons une bonne connaissance du continent, avec nos 180 membres en portefeuille. C’est un réseau que nous tentons de structurer », a indiqué sa directrice générale adjointe, Lamia Merzouki.
Au départ, CFCA a traité les aspects règlementaires. « Aujourd’hui, nous travaillons sur l’intelligence collaborative entre les membres de la communauté », a relaté encore Lamia Merzouki. Hub économique et financier, Casablanca Finance City Authority a aussi noué des partenariats avec 17 pays africains, ce qui est un atout, en particulier, pour le secteur privé marocain. « On peut ainsi créer les conditions et faire des partenariats, mais comment créer ensemble de la valeur, ça ne se décrète pas, c’est le travail des entreprises », a pointé la directrice générale adjoint de CFCA.
Un Etat africain aurait sollicité la société marocaine pour la mise en place de sa place financière. Un mémorandum of understanding serait bientôt signé. « Le cadre est duplicable : la règlementation, l’environnement des affaires, a insisté Lamia Marzouki. Ce qui n’est pas duplicable, c’est la situation de la stabilité -ou non- politique, c’est aussi la connectivité – par exemple, il ne faut pas être un pays enclavé. Et, enfin, c’est le soft, c’est-à-dire la communauté humaine et son dynamisme ».
Maurice : la high tech pour irriguer toute l’économie
Comme le Royaume chérifien, Maurice s’est engagé dans la modernisation de son économie et le soutien à l’innovation. Une mission qui a été confiée à un organisme public, l’Economic Development Board (EDB). « La high tech doit nous permettre de mettre en valeur l’ensemble de l’économie, du textile au secteur financier, en passant par la canne à sucre, de soutenir aussi sa diversification, par exemple, dans le transport et l’énergie, et, enfin, d’innover dans la fintech et dans la high tech au sens général, notamment dans l’intelligence artificielle et les biotechnologies », a déclaré le Français François Guibert, son CEO depuis août 2018.
Pour cet ancien CEO Asie-Pacifique de STMicroelectronics à Singapour, comme la petite île de l’océan Indien veut attirer des sièges régionaux d’entreprises, il lui faut plus d’ingénieurs et de techniciens, « plus de volume, car ce ne seront pas 30 ingénieurs, mais 300 que veulent les sociétés qui s’implantent sur place ».
Aix-Marseille : les ambitions d’une plateforme intercontinentale
Preuve d’une compétitivité toujours renforcée, Maurice a gagné cinq places dans le dernier rapport Doing Business de la Banque mondiale. Dans le classement 2019, elle est ainsi placée au 20e rang. Pour autant, l’EDB travaille encore sur d’autres améliorations, telle que la mise en place de licences électroniques (e-licensing).
A l’image de Maurice dans l’océan Indien, la région Aix-Marseille pourrait jouer un rôle de pont au-dessus de la Méditerranée. C’est l’ambition de Salim Abdelkrim, qui a fondé Emerging Valley, un événement supporté par l’Agence française de développement (AFD) pour attirer sur place les leaders de l’innovation africaine.
« Cette zone entre Aix et Marseille peut être un hub entre l’Europe et l’Afrique et l’Afrique et l’Europe, avec l’appui des collectivités, des Chambres de commerce, des établissements publics comme Euroméditerranée », a assuré Salim Abdelkrim, qui voudrait ainsi faire de cette zone « un laboratoire ».
François Pargny