« En dix ans, 2,5 millions d’Éthiopiens et d’Éthiopiennes sont sortis de l’extrême pauvreté », indiquait, le 17 novembre, Matthias Fekl, secrétaire d’État au Commerce extérieur, lors du forum d’affaires France-Éthiopie, organisé par Ubifrance.
Aujourd’hui, cette grande nation de la Corne de l’Afrique, avec près de 90 millions d’habitants, affiche un taux de croissance économique de 8 % sur la dernière décennie, d’après le Fonds monétaire international (FMI). Pour la France, peu présente dans ce pays (à peine 180 millions d’euros à l’export en 2013), qualifié de « pré-émergent » par l’ambassadrice de France à Addis-Abeba, Brigitte Collet, ce premier forum avec une délégation importante d’institutionnels et de 17 entreprises éthiopiens (Ethio Telecom, Ethiopian Airlines (EAL), Ethiopian Electricity Power (EEP), Metal Engineering Corporation (Metec), Ethiopian Shipping & Logistics Services Enterprise (ESLSE), etc.) a attiré 58 sociétés de l’Hexagone, selon Ubifrance.
Secteurs porteurs : de l’agriculture à la construction en passant par le textile
Dans un État où l’agriculture représente 40 % du produit intérieur brut (PIB) et 60 % des exportations, le développement et l’exploitation du secteur primaire est une de ses priorités. « Nous voulons développer les activités agroalimentaires, mais aussi le textile et les parcs industriels », a ainsi indiqué le vice-Premier ministre éthiopien en charge de l’Économie et des finances, Michael Debretsion (notre photo), également ministre des Technologies de l’information et de la communication (TIC). « Nous cherchons ainsi des partenaires privés pour développer les zones industrielles à Addis-Abeba, Diré Doua ou Awassa », a confirmé Wizero Likyelesh Abay, commissaire aux Investissements, citant également comme secteurs porteurs la chimie, la construction et l’immobilier, les mines ou encore l’électricité.
Selon Roger Del Rio, adjoint du chef du Service économique d’Addis-Abeba, le secteur secondaire, dominé par la sphère publique, représente 14 % du PIB et a augmenté de 20 % en 2013/2014. L’Éthiopie a ainsi établi un grand plan de développement de l’industrie sucrière. Alors que deux nouvelles centrales sont opérationnelles depuis l’année dernière, 10 autres doivent être construites. En volume, l’objectif est de passer d’une production de 232 tonnes à 2 250 tonnes mi-2015, « ce qui paraît quand même un peu ambitieux », tempère le conseiller économique à l’ambassade de France à Addis-Abeba.
L’Éthiopie dispose aussi du plus grand cheptel d’Afrique et son ambition est de porter ses exportations de 123 millions de dollars en 2012/2013 à 500 millions à la mi-2015. Dans le textile, Turcs, Indiens et Chinois ont consenti de gros investissements et le géant suédois de l’habillement H & M a décidé de s’implanter sur place. Le gouvernement d’Addis-Abeba a ainsi fixé un chiffre d’exportation d’un milliard de dollars à la mi-2015, contre 100 millions en 2012/2013.
« Dans le ciment, la production actuelle couvre les besoins du pays, mais comme on construit partout dans le pays, il faut s’attendre à de nouveaux investissements », prévoit Roger Del Rio. « Je connais ce pays depuis douze ans et je vois qu’aujourd’hui on érige un périphérique à Addis-Abeba, de nouvelles routes, des sous-stations électriques ou de nouveaux bâtiments et que c’est un peu la même tendance dans la seconde ville, Makalé, au nord, qui accueille une université avec 20 000 étudiants », renchérit Jérôme Douat, président de Vergnet, qui a décroché, face à un concurrent chinois, une belle affaire de 200 millions d’euros pour la réalisation d’une ferme éolienne de 120 mégawatts (MW) sur financement français (AFD et banques) dans le nord à Ashegoda. La PME tricolore annonce déjà une extension de 40 MW représentant un investissement de 80 à 90 millions d’euros.
Infrastructures : routes, fer, aéroport, électricité
Dans les routes, 6 000 kilomètres sont prévus à la mi-2015. « Depuis dix ans, toutes les sociétés européennes ont été évincées par des concurrentes chinoises et des contractors éthiopiens, mais la Banque mondiale ayant annoncé qu’elle financerait dorénavant la construction avec l’entretien des voies, d’autres acteurs du secteur privé devraient pouvoir gagner des marchés », estime Roger Del Rio. Dans le ferroviaire, le gouvernement a annoncé en octobre que le projet de la ligne ferroviaire Addis-Abeba-Djibouti est à moitié achevé.
Sous-traitant de Vergnet pour l’installation d’éoliennes dans la ferme d’Ashegoda, Alstom fournit et rénove ses sous-stations électriques, sur financement de la Banque africaine de développement (Bad), et développe un partenariat pour la production d’équipements électriques avec Metal Engineering Corporation (Metec). Le groupe français étudie aussi une coopération avec Metec, portant sur la fabrication de matériel ferroviaire (locomotives, équipements de signalisation et d’électrification…).
Début 2013, Alstom a signé un contrat de 255 millions d’euros dans le cadre de la réalisation du grand barrage de la Renaissance (6 000 MW) sur le Nil bleu, dont l’achèvement est prévue dans les trois ans à venir. « Nous sommes chargés de livrer la moitié des 16 turbines (375 MW chacune) », précise Philippe Renaudat, directeur des Financements internationaux du groupe français. L’Éthiopie s’est fixée comme objectif de porter sa production électrique de 2 200 MW en 2012/2013 à 37 000 MW dans 25 ans. « Et surtout, souligne Roger Del Rio, elle veut devenir un fournisseur d’énergie dans la sous-région, y compris en Égypte ». L’ancienne Abyssinie exporte déjà 100 MW par an à Djibouti et approvisionne le Soudan depuis 2013. Un projet d’interconnexion est aussi à l’étude avec le Kenya et la Tanzanie. La Banque mondiale et la Bad ont décidé, en effet, de financer une ligne de transport d’électricité d’une capacité de 2 000 MW entre l’Éthiopie et le Kenya
Transport : livraison d’avions, maintenance, réparation, formation
Dans le transport, Ethiopian Airlines, première compagnie aérienne du continent, a été parmi les premières au monde à commander le nouveau Boeing 787 Dreamliner. Elle a aussi commandé 20 Boeing 737MAX, plus 15 en option, et recevra aussi en 2016 et 2017 14 Airbus commandés en 2009. Outre la fourniture d’avions, la France estime qu’elle a une carte à jouer en matière de maintenance et de formation. « Et c’est pourquoi nous prévoyons des rencontres d’affaires dans l’aéronautique en Éthiopie et au Kenya, du 22 et le 24 septembre prochains, à la fois orientées sur les infrastructures et les services, comme la maintenance et la réparation », indique Jean-César Lammert, directeur du bureau Afrique de l’Est d’Ubifrance, basé à Nairobi (Kenya).*
Enfin, l’aéroport Bole International d’Addis-Abeba enregistre une croissance très forte de son trafic, de l’ordre de 20 % par an. Le nombre de passagers a franchi ainsi la barre des 6,5 millions contre seulement un million il y a dix ans. Malgré les extensions prévues, ce ne sera pas suffisant. Un nouvel aéroport international est donc prévu. C’est Aéroports de Paris (ADP) qui a été choisi pour l’identification, les premières études et le master plan de cet ouvrage, qui permettra de servir 22 millions de passagers et devrait servir le défi que s’est lancé l’Éthiopie de devenir une plateforme régionale. Selon Solomon Afework, président de la Chambre de commerce éthiopienne et des associations sectorielles (Eccsa), son pays est une porte d’entrée sur l’Afrique de l’Est et « plus particulièrement le Marché commun des États d’Afrique orientale et australe (Comesa) qui compte 417 millions de personnes ».
Une mission multi-sectorielle d’Ubifrance en février
Ce ne sont pas seulement les grandes entreprises, comme Total (25 % de part de marché dans la distribution), qui réussissent, mais aussi des PME comme Vergnet ou Nutriset qui répondent à des priorités ou des besoins nationaux : les énergies renouvelables pour Vergnet, la nutrition infantile pour Nutriset. Adepte de la franchise, le spécialiste de la nutrition confie la production à son partenaire local Hilina Enriched Foods. « Pour nous, expose le directeur général Michel Lescanne, c’est plus facile, car c’est aussi une société familiale. Et les produits qui sortent localement doivent absolument respecter les normes internationales des grands organismes comme l’Unicef ».
Pour renforcer la présence des PME tricolores en Éthiopie, Ubifrance a décidé d’y mener une mission multi-sectorielle du 02 au 04 février prochains. Un des aspects de cette opération, outre les rendez-vous B to B, sera d’établir des contacts avec les bailleurs de fonds, notamment la Banque mondiale, mais aussi la Bad, l’Union européenne et l’Agence française de développement. L’AFD est « ouverte » dans trois secteurs : eau et assainissement, énergie et aménagement urbain.
François Pargny
Pour prolonger:
Lire :
–Ethiopie : la diplomatie économique remet ce pays oublié dans les radars des entreprises françaises
–Forum Afrique Le MOCI/CIAN : Afrique du Sud-Éthiopie, la région la plus porteuse