S’il y a un homme auquel l’émirat doit son développement ces dernières années, c’est le « docteur », comme on l’appelle ici, Khater Massaad, le patron de RAK Ceramics. Le succès de cette entreprise, devenue en quelques années le premier producteur de céramique et de produits pour salles de bains du monde, a fait connaître l’émirat et drainé des industries parallèles. D’origine libanaise et possédant un passeport suisse, M. Massaad a fait des études de géologie à Lausanne, en Suisse. Il a dirigé plusieurs entreprises de l’émirat et exercé durant plusieurs années les fonctions de conseiller du prince avant que celui-ci ne prenne la tête de l’émirat, l’an dernier. La poigne de fer de Ras Al Khaimah Investment Authority (RAKIA), c’est lui.
Le Moci. Quelle est la situation économique de Ras Al Khaimah aujourd’hui et comment s’est déroulée l’activité de RAKIA ?
Khater Massaad. L’année 2010 a été une bonne année. Sheikh Saud a été nommé régent de Ras Al Khaimah et détient désormais tous les pouvoirs pour poursuivre sa vision et son programme de développement de l’émirat. L’émirat a vu son PIB augmenter de pratiquement 8 %, ce qui est très bien compte tenu de ce qui se passe dans le monde. Evidemment, cela n’atteint pas les 14 % de croissance que nous avons connus pendant quatre ans jusqu’en 2008, mais c’est mieux qu’en 2009.
RAKIA, de son côté, a vu ugmenter de plus de 20 % le nombre de licences d’entreprises. Les infrastructures se sont renforcées. En 2010, nous avons loué 1 million de m2 d’espace industriel. Toutes les industries tournent bien. Aucune ne s’est arrêtée, aucune entreprise n’a fermé ses portes. C’est une très bonne chose. Le volume des ventes de produits industriels a également augmenté sur le marché intérieur.
Enfin, Ras Al Khaimah a obtenu une note AA+ auprès de Standard & Poor’s en raison de la politique conservatrice et prudente de Sheikh Saud.
Le Moci. Pourquoi une entreprise choisirait-elle Ras Al Khaimah plutôt qu’un autre émirat ?
Khater Massaad. D’abord c’est une destination beaucoup moins chère que les autres dans la région. Deuxièmement, il est beaucoup plus facile de s’y établir. On peut avoir sa licence en une journée, son terrain le lendemain et construire le surlendemain. Nous avons beaucoup d’exemples de réussite.
Le coût opérationnel à Ras Al Khaimah est moins élevé. Les loyers sont moins chers qu’à Dubaï : 15 000 dirhams [environ 2 800 euros] par an pour un studio, 20 000 [environ 3 800 euros] pour un deux-pièces. Le coût du terrain est ridicule.
Nous avons aussi créé une base industrielle dédiée aux entreprises de l’Union européenne. Quelque 4 millions de m2 sont destinés aux industries européennes qui veulent s’établir ici. Nous avons des consultants français, allemands et anglais qui peuvent les comprendre et les aider comme s’ils étaient en train de travailler en Europe, avec les facilités d’une zone franche ou sans taxes. Ils ne seront pas dépaysés.
Le Moci. Quelles sont les priorités de RAKIA en matières d’attraction des investissements ?
Khater Massaad. Maintenant que nous avons établi une base industrielle, nous allons nous attacher également au tourisme. Mais le secteur principal de l’économie auquel je crois est l’industrie. Nous privilégions les industries non cycliques qui travaillent avec nous sur le long terme, qui peuvent exporter et qui ne dépendent pas d’une crise économique quelconque, comme les matériaux de construction. Je vois par exemple l’industrie automobile, les pièces détachées. Le modèle RAK Ceramics peut être extrapolé. Depuis Ras Al Khaimah, on peut très bien exporter dans le Golfe ou en Europe. Aujourd’hui, beaucoup d’entreprises françaises ont besoin de se relocaliser pour bénéficier de coûts de production moins élevés. Je les invite à venir ici où elles retrouveront l‘équilibre, tout en gardant leur marque en Europe. Quelques entreprises françaises sont déjà là, comme Arc International.
Le Moci. Les révoltes arabes ont-elles un impact quelconque sur l’émirat ?
Khater Massaad. Je ne dirai pas que le malheur des uns fait le bonheur des autres, mais on constate un grand intérêt de la part des investisseurs arabes. Il y en aura certainement qui viendront s’établir ici pour des raisons de continuité, de stabilité et de sécurité. En attendant, les Émirats sont très stables. Le gouvernement a toujours eu une politique très sociale à l’égard de ses citoyens, en donnant des maisons gratuites, une couverture maladie gratuite, l’éducation, des emplois. Le revenu par tête d’habitant est dix fois plus élevé qu’ailleurs. Je ne vois pas de problèmes ici.
Propos recueillis par Nathalie Gillet à Ras Al Khaimah