Malgré l’annus horribilis que fut 2016 (avec le vote sur le Brexit, l’élection surprise de Donald Trump, la démission de Matteo Renzi…), « le monde a connu une croissance molle, mais résiliente de son économie de 2,5 % l’an dernier. Il n’y a pas eu de gros cracks et çà ne craquera pas non plus cette année », a affirmé Ludovic Subran, (notre photo), chef économiste d’Euler Hermes, lors de la présentation des perspectives mondiales 2017 de l’assureur crédit, filiale d’Allianz, le 18 janvier à La Défense.
Globalement, les États-Unis, en année électorale en 2016, a déçu avec une économie en progression seulement de 1,6 %, alors que pour la Chine, ce devrait plutôt être une bonne surprise avec + 6,7 %. Cette année, l’activité de ces deux géants devrait s’établir réciproquement à + 2,4 % et + 6,2 %. « En Chine, compte tenu des surcapacités, on s’attend à ce que les autorités laissent mourir une partie des entreprises et cherchent à contenir le risque de crédit », a enchaîné Ludovic Subran. En matière commerciale, la première puissance asiatique voudrait « gagner en influence ce qu’elle perd en part de marché », ce qui passerait par une politique de montée en gamme des produits, notamment dans l’électronique, la pharmacie et la chimie, de création ou d’acquisitions de fournisseurs de premier rang et d’actifs à l’étranger.
Pékin internationalise son économie
Tout en constatant que « le statut d’économie de marché a été refusé à la Chine », Ludovic Subran a considéré que, « quoi qu’il en soit, elle est déjà une économie de marché ». Pékin, qui « investit dans son initiative de la Route de la Soie, est prêt à aller où les autres ne veulent pas aller, à l’instar du Pakistan » (46 milliards de dollars prévus pour développer le corridor entre Kashgar, au Xinjiang, et le port de Gwadar).
La Chine est prête également à signer des accords de libre-échange et la volonté affichée de Donald Trump de ne pas finaliser le traité de partenariat trans-pacifique (TPT) va lui permettre de relancer le Regional Comprehensive Economic Partnership (RCEP), son projet de partenariat avec l’Asean, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Inde, le Japon et la Corée du Sud. Elle va encore booster l’internationalisation de sa monnaie et monter au créneau pour contrer les possibles mesures protectionnistes des États-Unis à son encontre. Lors du forum international de Davos, le numéro chinois Xi Jinping s’est fait le chantre du libéralisme des échanges, fustigeant au passage le protectionnisme promis par Donald Trump.
A leur manière, Washington et Pékin font preuve d’agressivité commerciale, fait-on remarquer chez Euler Hermes. Le Brésil et la Russie sortent de la récession et l’économie européenne est résiliente, y compris le Royaume-Uni, qui a connu une croissance de 2 % en 2016, malgré le vote sur le Brexit. Toutefois, la progression du produit intérieur brut (PIB) y serait moindre cette année, de 0,9 %. « La baisse de la livre va avoir un impact. Le vrai problème, c’est l’impact sur la balance commerciale qui se creuse», a exposé Ludovic Subran, qui craint également « une fuite continue des investissements, faute d’attractivité, les capitaux n’étant placés sur le territoire britannique que pour des raisons fiscales ».
Inquiétude sur l’Italie et la Turquie
Autre motif d’inquiétude en Europe, l’Italie, dont la progression du PIB doit passer de 0,9 à 0,6 % entre 2016 et 2017. « C’est un pays encore fragile, en raison de son niveau de dette élevé, de son manque de productivité et des difficultés de son secteur bancaire, même si l’hyper politisation de la Commission européenne et la volonté des institutions européennes de lutter contre l’austérité à tout prix vont dans bons sens », a commenté l’économiste en chef d’Euler Hermes, qui s’est félicité, à cet égard, de la proposition du commissaire européen aux Affaires économiques : Pierre Moscovici souhaite que les États membres de l’Union européenne disposant d’une marge de manœuvre budgétaire mènent une politique de relance de l’ordre d’un demi-point de PIB supplémentaire, pendant que les autres continuent leur ajustement budgétaire.
Au carrefour de l’Europe et de l’Asie, c’est la Turquie qui préoccupe la filiale d’Allianz. Sur fond d’incertitudes politiques (guerre en Syrie, lutte contre le PKK, durcissement du régime…), l’ex-empire ottoman est confronté à une inflation et un déficit élevés des comptes courants. De façon globale, comme l’a montré la victoire de Donald Trump sur Hillary Clinton outre-Atlantique, la planète va être confrontée à des choix politiques cruciaux, avec plusieurs élections majeures en 2017 en Europe – Pays-Bas, France, Allemagne, Italie notamment – mais aussi en Iran (présidentielles) ou encore en Chine (tenue du Congrès du parti communiste), et en 2018 en Amérique, avec des élections au Mexique et au Brésil et le renouvellement à mi-mandat du Sénat aux États-Unis.
Le commerce mondial en légère hausse
L’environnement économique et politique n’est pas favorable à l’heure actuelle à une envolée du commerce mondial. Euler Hermes prévoit, néanmoins, une progression en valeur en hausse, passant ainsi de 3,2 % à 3,5 % entre 2016 et 2017, grâce à la montée des importations aux États-Unis, en Europe, au Brésil, en Russie et en Chine, et l’évolution positive des cours des matières premières. En volume, les échanges afficheraient + 2,9 % cette année, contre + 1,9 % en 2016. Des chiffres qui restent, néanmoins, relativement faibles, reflétant le renforcement du protectionnisme ces dernières années, direct (barrières tarifaires) et indirect (subventions…).
Dans un communiqué de presse sur « les super-héros de la croissance », diffusé à l’issue de la conférence du 18 janvier, Euler Hermes soutient que « désormais, les décisions politiques influenceront de manière croissante les choix d’implantation des entreprises (dans l’industrie de l’automobile par exemple) » et que « le raccourcissement des chaînes de valeur et la production nationale dans les industries à valeur ajoutée seront la norme ». Un « chemin » qui est, selon l’assureur crédit, déjà choisi par les États-Unis et la Chine.
François Pargny