Le rapport Cyclope 2011 (Cycles et orientations des produits
et des échanges), qui donne chaque année l’état et les perspectives des marchés
mondiaux de matières premières, vient d’être présenté ce 17 mai avec le
sous-titre « Le printemps des peuples et la malédiction des matières
premières ». Philippe Charmin, qui
en a dirigé l’élaboration, a expliqué lors d’une conférence de presse que ce
rapport marque une rupture depuis 25 ans : « jamais les prix des matières premières n’ont
été aussi élevés, nous vivons un choc sur les marchés mondiaux équivalent à
celui des années 70. »
Selon lui, l’année 2010-2011 efface la chute des prix de
2008 et incarne une mutation majeure, celle d’un « passage du stable à
l’instable. » « Nous vivons dans un monde qui n’a jamais été aussi
instable », assure Philippe Charmin, « aussi bien pour les changes, que les
commodités et les matières premières. » Toutes les barrières mondiales sont tombées et en 2011 nous
voyons apparaître une « malédiction des matières premières »,
notamment pour le pétrole, les minerais et les produits agricoles.
Le constat
est que la mondialisation a développé une telle dépendance des pays par rapport
aux produits exportés, que c’est souvent « signe de malheur pour les pays
producteurs » affirme-t-il. Et c’est notamment ce qui est à l’origine des
printemps arabes, que Philippe Charmin compare au printemps des peuples de 1848
où des vagues révolutionnaires, dues aux mauvaises récoltes de 1845 et aux
famines, ont ébranlé de nombreux pays européens.
Le rapport Cyclope 2011 a été préparé alors que les marchés
étaient « très tendus », et des corrections ont dû être faites suite
aux phénomènes qui ont « joué sur les fondamentaux » informe Philippe
Charmin, c’est-à-dire le renforcement du dollar par rapport à l’euro – malgré
les efforts de la Grèce
et de la Banque
centrale européenne pour relever les taux – et l’amplification de la
spéculation.
« Aujourd’hui le prix de l’énergie (le baril de pétrole
est entre 110 et 120 dollars) est presque raisonnable dans un environnement
géopolitique aussi complexe ». Mais ce qui augmente, ce sont les produits
miniers, les métaux et les matières premières industrielles : charbon, gaz
naturel. « Nous avons atteint des niveaux qui seront difficilement
dépassés » souligne Philippe Charmin. Même si depuis l’accident nucléaire de Fukushima l’uranium a
été remis en question et sa valeur a baissé.
Une tension pèse aussi sur le produits agricoles, notamment les
céréales et oléagineux. « Nous sommes sur le fil du rasoir et à la merci
de la moindre catastrophe ou aléa climatique ». C’est pourquoi le rapport Cyclope conseille
« d’entendre le message des marchés » sur la flambée des prix, et
« d’investir dans l’agriculture, l’énergie et les minerais ». Il faut
stabiliser les marchés agricoles, mettre en place une régulation.
« L’Europe sera-t-elle capable de se doter d’un régulateur des marchés de
matières premières comme aux Etats-Unis la CFTC (Commodity Futures Trading
Commission) ? » interroge Philippe Charmin. « Il faut que
quelqu’un donne les règles du jeu et instaure des outils de stabilisation,
d’abord sur les changes avant de s’attaquer aux matières premières »
poursuit-il.
Alix Cauchoix