Le 1er juillet
dernier, la Croatie est devenue officiellement le 28e État membre de l’Union
européenne (UE). Pour être ainsi la deuxième nation de l’ancienne Yougoslavie,
après la Slovénie, à intégrer l’UE, il lui a fallu auparavant moderniser son
économie et réformer un secteur public vieillot, inefficace. « Le
programme de monitoring mené pendant des années sous l’égide de la Commission
européenne a permis de réduire la bureaucratie, ce qui fait qu’aujourd’hui
l’Administration est capable de rendre des prestations de qualité et d’apporter
des réponses dans des délais raisonnables », se félicite David Cabelica
(notre photo), le président du Club d’affaires franco-croate, créé à Zagreb en avril 2012.
De quoi conforter la stratégie
d’entreprises françaises – en vérité, peu nombreuses encore à ce jour :
Société Générale, Alstom, etc. – qui n’ont pas attendu l’adhésion de la Croatie
pour s’y implanter. Certes, la France en matière d’investissements demeure loin
de l’Allemagne et plus encore de l’Autriche, dont la part dans le stock
d’investissements entre 1993 et 2012 s’élève respectivement à 11,4 % et 26 %,
mais en quelques années elle a relevé la barre pour représenter 5,1 % en
cumulé, relève le Service économique de Zagreb,
dans une note sur les relations économiques et commerciales franco-croates.
Priorité au ferroviaire
Les fonds communautaires – 1,5
milliard d’euros par an sur la période 2014-2020 – devraient, selon David
Cabelica, pour une grande partie être investis dans le ferroviaire, qui est un
des talons d’Achille de l’économie croate. En particulier, doté d’un terminal à
conteneurs, le port en eau profonde de Rijeka sur la mer Adriatique a
besoin d’une liaison ferrée moderne pour jouer son rôle de voie naturelle et
historique vers la Hongrie et l’Europe centrale.
De l’argent européen devrait
aussi être consacré à l’assainissement ou la revalorisation des déchets. Zagreb
a fixé un certain nombre de secteurs prioritaires, comme l’eau,
l’environnement, l’énergie. Le gouvernement s’est aussi engagé dans des programmes
de concessions et de privatisations, lesquels doivent être réalisés le plus
rapidement possible. L’État, endetté, a besoin d’argent. « Il s’agit à
court terme des autoroutes et d’une centrale thermique (Plomin III) »,
souligne le Service économique de Zagreb.
Composé de Bouygues et Aéroport
de Paris (ADP), le consortium Zaic a déjà remporté la concession pour 30 ans de
l’aéroport de Zagreb, un contrat de l’ordre de 250 millions d’euros. David
Cabelica est aussi le directeur général de Bina-Istra, filiale à 46 % de
Bouygues, qui a déjà réalisé les deux tiers d’un programme d’autoroutes en
Istrie. Soit un montant d’investissements de 630 millions d’euros, auxquels
devraient s’ajouter pour le tiers restant environ 200 millions d’euros.
Pour le conseiller dans son
programme autoroutier (1 000
kilomètres au total), le ministère du Transport s’est
entouré de la banque autrichienne Erste Bank et du cabinet international Deloitte.
Peu connue dans l’Hexagone, la Croatie y a surtout une image de pays de vacances
balnéaires. « Le tourisme devrait justement offrir des opportunités aux
Français, comme le bâtiment et l’immobilier », juge David Cabelica. Côté
privatisations, seraient concernées la banque postale et la principale société
d’assurances, Croatia Osiguranje.
Sortie de la Croatie de la zone Cefta
La présence
commerciale de l’Hexagone en Croatie est modeste. En 2012 neuvième
fournisseur, la France y a livré pour 364 millions d’euros de
marchandises : matériel de transport, équipements divers, produits
chimiques, cosmétiques, agroalimentaires, pharmaceutiques, textile,
prêt-à-porter. Sa part de marché atteint juste 3 %, alors qu’elle atteint 13 %
pour l’Allemagne et 16,7 % pour l’Italie, premier fournisseur et client de la
Croatie.
Certaines sociétés
françaises, à l’image de Lactalis producteur sur place de lait et yaourts, ont
fait le choix de racheter une marque locale et surtout de rayonner dans la
région à partir de ce pays. Que fera demain le géant français, maintenant que
l’entrée de la Croatie dans l’UE se traduit aussi par sa sortie de la zone Cefta (Accord de
libre-échange centre européen), qui la liait à la Bosnie-Herzégovine, la Serbie
et le Monténégro ? Ne pouvant plus bénéficier de cet accord de
libre-échange, des entreprises croates auraient, pour leur part, déjà annoncé
leur intention de se délocaliser dans la région.
Avec l’intégration
de la Croatie, Bruxelles peut rêver de l’entrée d’autres nations de
l’ex-Yougoslavie dans l’UE. Plus de vingt ans après l’indépendance de ce pays,
les Européens pourraient être tentés de l’utiliser comme un nouveau pont dans
ses relations avec les Balkans. A son tour, la Serbie a annoncé son intention
d’entrer un jour dans l’Union européenne.
François Pargny