Quinzième puissance économique
mondiale, la Corée du Sud n’a pas fini de sortir ses griffes. L’ancien
« tigre» asiatique veut démontrer sa capacité à s’intégrer dans le
concert mondial et à devenir une « économie de la créativité »,
c’est-à-dire innovatrice et créatrice de valeur ajoutée.
A la fin de l’année, ce pays
connu pour ses grands acteurs dans la construction navale, la téléphonie
mobile, la fabrication d’écrans LCD ou encore l’automobile et les
semi-conducteurs, aura signé huit accords de libre échange (ALE) impliquant au
total 46 pays. « Ces ALE couvrent 34,2 % du commerce extérieur coréen, une
part que nous voulons porter à 80 % », soulignait, le 19 avril, lors d’un séminaire
de la CCI Paris Ile-de-France,
l’ambassadeur coréen en France Hye Min Lee (notre photo), qui fut le chef
négociateur entre 2008 et 2010 de l’ALE signé avec les 27 pays de l’Union
européenne (UE).
Entré en vigueur le 1er juillet 2011, cet accord a offert aux deux parties un accès privilégié au
marché de leur partenaire. « Pour les produits bénéficiant de préférences,
pendant les quatorze premiers mois, les exportations de la Corée en Europe ont
augmenté de 14,2 % et, dans l’autre sens, elles ont progressé de 13,6 % »,
se félicite Hye Min Lee, selon lequel, il faudra, toutefois, attendre cinq ans
pour évaluer l’impact réel de l’accord. « D’ici là, nous espérons le
rétablissement de l’économie européenne, car il y a aura plus d’opportunités
pour nous », assure l’ambassadeur en France.
Hausse des ventes de pétrole raffiné, de machines-outils et sacs
européens
Le délai de cinq ans correspond à
la date choisie, juillet 2016, pour la suppression quasi-totale des droits de
douane. De façon précise, l’accord prévoit de supprimer les barrières
douanières pour les produits industriels (et de façon similaire dans
l’agriculture), à hauteur de 90,7 % de suite et 99,5 % dans les cinq ans par la
Corée, de 97,3 % de suite et 100 % dans les cinq ans par l’UE. Dans
l’automobile, les tarifs douaniers doivent tomber à 8 % en Corée et 10 % dans
l’Union européenne dans une période de trois à cinq ans.
Selon Frédéric Claveau, directeur
adjoint Investissements à l’Agence coréenne de promotion du commerce et de l’investissement
(Kotra), à Paris, les exportations coréennes ont « fortement augmenté dans
l’automobile et plutôt diminué dans l’électronique » et les ventes
européennes « de pétrole raffiné, de machines-outils ou de sacs ont
progressé ». Toutefois, si « les premiers résultats son
encourageants », selon Hye Min Lee, « il faut rester prudent, car
tous les secteurs ne sont pas encore libéralisés », rappelle Frédéric
Claveau.
Automobile : des gains de compétitivité pour l’automobile coréenne
« Lors de la négociation
entre mon pays et la Commission européenne, un compromis a été facile à trouver
dans l’industrie, le plus difficile ayant été dans l’automobile, relate
l’ancien négociateur à Séoul. Quant à l’agriculture, nous avons obtenu, comme
avec les États-Unis, que le riz soit considéré comme une exception, car ce
produit est cultivé par les deux tiers des agriculteurs coréens, et nous avons
accédé à la demande de nos partenaires d’éliminer dès l’entrée en vigueur de
l’ALE le droit de 15 % pesant sur le vin », précise-t-il.
« Dans une négociation aussi
complexe, poursuit-il, le principe que l’on doit maintenir est l’équilibre des
intérêts. Pour nous ce qui comptait, c’était l’automobile, car nous avions
calculé qu’une baisse de 10 % du droit de douane dans ce secteur apporterait un
gain de compétitivité de 12 % à l’automobile coréenne ».
Autre sujet d’importance, surtout
aux yeux des Européens, la protection intellectuelle. Dans le cadre de l’ALE,
un plus haut degré de protection est assuré et une liste des indications
géographiques (IG) protégées est dressée, concernant notamment les vins, les
spiritueux, mais aussi des produits agroalimentaires. « Dans le cadre de
l’Organisation mondiale du commerce, seuls les vins et spiritueux bénéficient
d’une protection. Nous avons donc accepté d’aller au-delà, ce qui nous a valu
des protestations des États-Unis, de l’Australie ou encore de la
Nouvelle-Zélande, car la Corée avait été le premier pays important à renforcer
la protection des IG », raconte Hye Min Lee.
Séoul fier d’avoir signé avant Tokyo
Au demeurant, Séoul n’était peur
fier de signer avec Bruxelles avant Tokyo, son grand concurrent direct en Asie,
notamment à cause de l’automobile. « A l’époque, nos compagnies ont exercé
une pression, car elles craignaient d’être écartées par des ALE qu’auraient
signés le Japon avec les États-Unis et l’Union européenne », relate Hye
Min Lee. Aujourd’hui, le concurrent nippon a juste entamé les négociations avec
la Commission européenne, ce qui laisse au moins deux ans de répit à l’automobile
coréenne.
En améliorant le climat des
affaires et en assurant la stabilité juridique aux investisseurs étrangers,
l’ALE devrait aussi favoriser l’entrée des capitaux en provenance de Corée et
d’Europe sur le marché de leur partenaire. Placés dans l’industrie
manufacturière en Europe centrale, mais aussi dans la filière automobile ou
l’électroménager, « les investissements notifiés de la Corée dans l’UE
s’élèvent aujourd’hui à 28,4 milliards de dollars, alors que dans l’autre sens
ils se montent à 57,9 milliards », précise Édouard Champrenault, directeur
général de la Chambre de Commerce et d’Industrie franco-coréenne (FKCCI).
L’Union européenne dispose ainsi déjà du premier stock d’investissements
directs étrangers (IDE), avec une part de 35,1 %, devant les États-Unis (25,6
%) et le Japon (14,9 %), ce qui, aux yeux du gouvernement coréen, friand de
technologie, rendait d’autant plus important un accord bilatéral.
De part et d’autre, des objectifs
généraux sont fixés. Les deux parties ont ainsi prévu « de doubler leurs
échanges bilatéraux en dix ans », indique Frédéric Claveau. Le commerce de
la Corée avec l’UE se montait à environ 100 milliards de dollars en 2012 (50,35
milliards d’importations et 49,53 milliards d’exportations), d’après le Kita
(Korean International Trade Association). Autre objectif, apporter un gain de
1,5 milliard de dollars aux exportateurs coréens et de deux milliards à leurs
homologues européens. Enfin, la Corée du Sud ambitionne de détenir 3 % du
marché européen en 2014.
François Pargny