Tensions commerciales et niveau de la dette : tels sont les deux risques majeurs qui inquiètent au plus au point le Fonds monétaire international (FMI), qui vient de revoir à la baisse ses prévisions de croissance pour l’année 2019, plutôt de façon modeste, ce qui valide le pari d’un ralentissement global de la croissance déjà anticipé par nombre d’économistes. Il table à présent sur un rythme de croissance économique de 3,5 % en 2019 (3,7 % en octobre 2018) et de 3,6 % en 2020 (0,1 point de moins qu’en octobre 2018) mais s’inquiète de l’impact éventuel des tensions commerciales.
Mais sa directrice de la recherche et conseillère Gita Gopinath met en garde contre les risques de « corrections plus conséquentes » ce qui, en langage non diplomatique, signifie que l’on est pas à l’abri d’un contre-choc brutal, voire d’une récession. En terme de risques pays, l’heure est donc à la prudence.
« Si les marchés financiers des pays avancés semblaient dissociés des tensions commerciales pendant une grande partie de 2018, les deux sont devenus inextricablement liés ces derniers mois, causant un durcissement des conditions financières et une aggravation des risques pesant sur la croissance mondiale » relève ainsi Gita Gopinath, dans une note de blog publiée à la veille de l’ouverture du Forum économique mondial de Davos (22-25 janvier), qui réunit chaque année de nombreux décideurs de la planète. De quoi doucher les espoirs de ceux qui parient sur un atterrissage en douceur.
Pour l’économiste du FMI, après la reprise généralisée amorcée au second semestre 2017, les moteurs de cette relance faiblissent : « le commerce et l’investissement ralentissent, la production industrielle hors Etats-Unis freine et les indices des directeurs d’achat sont en repli ». « Cela ne signifie pas que nous soyons au bord d’une grande récession, mais il convient de dresser un état des lieux des nombreux risques grandissants », ajoute Gita Gopinath. L’emploi du mot « grande récession » interpelle, tout de même.
Principaux risques : le commerce et la finance
Quelles sont les principales sources de risques ? Clairement, pour l’experte du FMI, « une escalade des tensions commerciales et une détérioration des conditions financières ».
L’incertitude autour des négociations commerciales fait référence, sans les nommer, aux différents bras de fer lancés par l’administration Trump avec l’Europe et surtout la Chine, avec le risque d’un relèvement des tarifs douaniers. Il y a aussi le « suspense qui continue à régner autour du Brexit » suite au rejet par le Parlement britannique du projet d’accord négocié par la Première ministre Theresa May avec la Commission européenne.
La détérioration des conditions financières aurait elle un effet catastrophique alors que la dette publique et privée au niveau mondial a atteint un niveau record : 184 milliards de dollars pour les 190 pays membres du FMI, soit 225 % de leur PIB cumulé et plus de 86 000 dollars / habitant (2,5 fois leur revenu moyen…), selon une précédente étude publiée par l’institution un peu plus tôt en janvier. Gita Gopinath pointe pour sa part l’incertitude sur l’Italie et s’inquiète du prolongement du « shut down » de l’administration fédérale américaine, qui pourrait encore ralentir la croissance des Etats-Unis.
Pour Gita Gopinath, les solutions pour éloigner les risques de récession passent en priorité par la coopération entre pays « afin de régler rapidement leur différends commerciaux ». Elle appelle également à poursuivre les travaux lancés au niveau du G20 pour réformer l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Quant aux politiques économiques et budgétaires, elles doivent être adaptées « d’une manière propice à la croissance ». « Dans tous les pays, il est impératif de prendre des mesures destinées à stimuler la croissance de la production potentielle et à accroitre l’inclusion », écrit-elle encore. Des thématiques qui devraient alimenter les débat à Davos.
Le tableau des nouvelles prévisions : + 2 % pour les pays avancés
Voici, zones par zones et pays par pays, le tableau des nouvelles prévisions de croissance du FMI :
Dernières projections des Perspectives de l’économie mondiale | |||
L’expansion mondiale est en perte de vitesse. | |||
(variation en pourcentage) | |||
Estimations | Projections | ||
2018 | 2019 | 2020 | |
Production mondiale | 3.7 | 3.5 | 3.6 |
Pays avancés | 2.3 | 2.0 | 1.7 |
États-Unis | 2.9 | 2.5 | 1.8 |
Zone euro | 1.8 | 1.6 | 1.7 |
Allemagne | 1.5 | 1.3 | 1.6 |
France | 1.5 | 1.5 | 1.6 |
Italie Espag |
1.0 | 0.6 | 0.9 |
Espagne | 2.5 | 2.2 | 1.9 |
Japon | 0.9 | 1.1 | 0.5 |
Royaume-Uni | 1.4 | 1.5 | 1.6 |
Canada | 2.1 | 1.9 | 1.9 |
Autres pays avancés | 2.8 | 2.5 | 2.5 |
Pays émergents et pays en développement | 4.6 | 4.5 | 4.9 |
Communauté des États indépendants | 2.4 | 2.2 | 2.3 |
Russie | 1.7 | 1.6 | 1.7 |
Russie non comprise | 3.9 | 3.7 | 3.7 |
Pays émergents et en développement d’Asie | 6.5 | 6.3 | 6.4 |
Chine | 6.6 | 6.2 | 6.2 |
Inde | 7.3 | 7.5 | 7.7 |
ASEAN-5 | 5.2 | 5.1 | 5.2 |
Pays émergents et en développement d’Europe | 3.8 | 0.7 | 2.4 |
Amérique latine et Caraïbes | 1.1 | 2.0 | 2.5 |
Brésil | 1.3 | 2.5 | 2.2 |
Mexique | 2.1 | 2.1 | 2.2 |
Moyen-Orient, Afrique du Nord, Afghanistan et Pakistan | 2.4 | 2.4 | 3.0 |
Arabie saoudite | 2.3 | 1.8 | 2.1 |
Afrique subsaharienne | 2.9 | 3.5 | 3.6 |
Nigéria | 1.9 | 2.0 | 2.2 |
Afrique du Sud | 0.8 | 1.4 | 1.7 |
Pays en développement à faible revenu | 4.6 | 5.1 | 5.1 |
Source : FMI, Mise à jour des Perspectives de l’économie mondiale, janvier 2019. |
Desk Moci