Pour l’agriculture française, l’enjeu est de taille. Alors que la population mondiale atteignait près de 7 milliards d’individus en 2007, elle s’élèvera à 9 milliards en 2050. « Comment accroître de 70 % la production mondiale, en consommant moins d’eau et moins d’engrais avec moins de terres arables disponibles ? », s’est ainsi interrogé le président du Conseil économique, social et environnemental (CESE), Jean-Paul Delevoye, dans son discours d’introduction du colloque « compétitivité de l’agriculture française : de quoi parle-t-on ? », organisé, le 26 janvier, par la société InVivo, une des premières coopératives françaises, qui avait présenté, la veille, les résultats de son exercice 2011 (avec, notamment, un chiffre d’affaires de 6,1 milliards d’euros, en hausse de 37,2 % par rapport à 2010).
Première certitude pour Jean-Paul Delevoye. « La pérennité de la citoyenneté européenne passera par la capacité de l’agriculture européenne à conserver sa compétitivité ». Ensuite, les acteurs, agriculteurs, professionnels, doivent changer leurs comportements. De façon générale dans l’industrie, constate l’ancien médiateur de la République, « en Allemagne, les gros coopèrent avec les petits. En France, ils les exploitent ».
Enfin, il faut s’adapter. Et à cet égard, le président du CESE a été clair. A ceux « qui restent dans la défense des structures », il prédit « le naufrage ». Aujourd’hui, il faut adopter « le principe de réalité, le principe de vérité », laisser de côté « les égos » et « adapter les structures », par exemple, en créant des regroupements au niveau européen. Un message d’autant bien reçu pendant le colloque, que In Vivo s’est rapproché il y a six mois de la confédération de coopératives à vocation syndicale Coop de France pour créer l’Alliance des coopératives agricoles (Accoa), une association visant à promouvoir les intérêts politiques (lobbying…), sociaux (formation…) et économiques (commerce extérieur…) du monde coopératif.
Dans le cadre d’Accoa, In Vivo devrait notamment aider des PME à opérer dans des pays tiers. « Sur le marché des grains, nous sommes déjà des fédérateurs à l’export », a rappelé Patrice Gollier, le directeur général d’InVivo, premier vendeur français de blé (Moyen-Orient, Afrique…).
Depuis 2007, dans l’agroalimentaire, l’Allemagne comme exportateur, puis les Pays-Bas ont dépassé la France. Pour autant, tempère Vincent Chatelier, économiste à l’Institut de recherche agronomique (Inra), « l’Allemagne reste déficitaire sur le plan agricole » et la France a un solde encore positif par rapport à son voisin. Les exportations de l’Hexagone, aux trois quarts réalisées en Europe, progressent, « malgré une petite claque en 2009 », à l’image de la bonne santé du vin, qui va perdurer, selon l’économiste de l’Inra.
Vincent Chatelier appelle les professionnels français à une prise de conscience. Il faut, selon lui, « accepter » le fait que la concurrence internationale se renforce durablement et que la compétitivité passe aujourd’hui par l’exportation dans les États émergents. Faisant écho aux propos de Jean-Paul Delevoye, il a évoqué le mouvement de concentration des industriels, qui leur permet « par la coopération » d’investir, d’innover et d’exporter.
Pendant le colloque, une place particulière a été accordée au secteur laitier. La France y aurait une carte à jouer. « La planète ne pourra pas toujours compter sur l’Océanie pour fournir durablement la planète », explique Vincent Chatelier. Ses besoins en lait augmentent chaque année de 12 milliards de litres de lait, soit l’équivalent des Pays-Bas ou trois fois la production du Danemark. Or, « ils ne peuvent pas être comblés par la Chine ou l’Inde », affirme Torsten Hemme, directeur de l’institut IFCN (International Farm Comparison Network) à l’université de Kiel en Allemagne. L’Europe, en revanche, dispose d’importantes surfaces fourragères qui lui permettent d’augmenter sa récolte de lait. La France, en particulier, disposerait du plus important potentiel de production à long terme du continent, la quantité de lait qu’elle y produit à l’heure actuelle à l’hectare étant la plus faible.
La compétition sera, néanmoins, très forte avec l’Allemagne et l’Irlande, « plus marginalement, les Pays-Bas et le Danemark », selon Vincent Chatelier, qui estime que si la France est mal positionnée dans les marchés émergents, en revanche, elle dispose « à ses portes » de 200 millions d’habitants « qui ne sont pas suffisamment approvisionnés » dans « trois pays déficitaires » : Espagne, Italie et Royaume-Uni.
En outre, dans le secteur laitier, la France est le premier marché de consommation au monde par habitant. Elle a commencé sa restructuration dans l’industrie privée comme dans le domaine coopératif. Enfin, ses coûts d’approvisionnement sont concurrentiels.
François Pargny
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2 Le fichier joint : présentation de Vincent Chatelier, économiste à l’Inra au colloque d’InVivo