Quels pays importateurs vont alimenter la croissance du commerce mondial en 2017 et 2018 et quels pays exportateurs vont en profiter ? C’est maintenant que cela se prépare, et au regard des anticipations dévoilées le 23 novembre par Euler Hermes, dans la troisième édition de son étude annuelle sur l’évolution et les perspectives des échanges internationaux*, il y en aura pour tout le monde, ou presque, mais certainement pas au même niveau !
Une conjoncture favorable encore en 2018
Et pour commencer le contexte conjoncturel : il est bon et le restera encore dans les prochains mois, selon Euler Hermes, même si un certain ralentissement est à prévoir en 2018. Il faut donc en profiter sans tarder.
« On a les trois moteurs du commerce mondial qui sont repartis en même temps », a résumé Ludovic Subran, le chef économiste de l’assureur-crédit : les Etats-Unis, dont la croissance est attendue à 2,3 % en 2017 et 2,5 % en 2018, la zone euro, qui se réveille avec + 2 % en 2017 et + 2,3 à 2,5 % en 2018, et enfin la Chine, qui ralentit, mais « sans trop de casse ». Pour lui, un ralentissement plus prononcé n’est à attendre qu’en 2019.
Cerise sur le gâteau : au moins jusqu’à la fin de 2018, et malgré le redressement des prix des matières premières et un probable durcissement des taux d’intérêt les mois prochains, « on aura toujours un dollar faible et des conditions monétaires et financières favorables », a expliqué Ludovic Subran, ce qui favorise la reprise des achats de part le monde. « Nous aurons la baraqua pour quelque temps encore », a estimé encore l’économiste, qui ne croit pas à un durcissement brutal des conditions monétaires ni à une remontée trop forte de la monnaie américaine l’an prochain.
Le commerce mondial devrait progresser de 3,9 % en volume
Résultat, le commerce mondial progresse à bonne allure, même si un certain ralentissement est anticipé pour l’an prochain : en 2017, porté par le rattrapage des prix des matières premières, il a accéléré avec + 7,5 % en valeur et devrait ralentir à 6,3 % en 2018. C’est une reprise indéniable, même si, relève l’assureur-crédit, cela ne représente « que la moitié de sa moyenne d’avant crise ». En volume, c’est-à-dire selon des données lissées des variations de change, le taux de croissance des échanges mondiaux atteindrait +4,3 % en 2017 et + 3,9 % en 2018.
L’indicateur avancé Euler Hermes, qui intègre des données micro-économiques comme des commandes de certains biens, confirme ces tendances. « Le commerce mondial a perdu 3000 milliards de dollars (Mds USD) entre 2014 et 2016, il les récupèrera en 2018 » a souligné Ludovic Subran.
Seule ombre au tableau : le protectionnisme. Sur le plan réglementaire, il est toutefois en baisse avec 400 nouvelles mesures protectionnistes prises en 2017, soit deux fois moins qu’en 2016 (759) et trois fois moins qu’en 2014. Les Etats-Unis sont un gros acteur de cette tendance (16 mesures depuis le début de l’année contre 4 pour la Chine) et « c’est pour cela que l’on en parle », a observé Ludovic Subran.
Plus inquiétant en revanche est, pour lui, le protectionnisme financier, qui se manifeste à travers la baisse des financements transfrontières et entraîne la fermeture des accès aux financements internationaux pour des zones entières. Pour l’économiste, on assiste même à une véritable « balkanisation financière » depuis la crise, autour de grandes zones monétaires –dollar, euro, Renminbi… En cause : les régulations plus restrictives face aux risques, des conditions financières très différentes d’une zone à l’autre avec des pays développés qui accumulent de l’épargne alors que d’autres ont besoins de financements. Le déficit de financement du commerce mondial est estimé à 1,5 Md USD actuellement, à 40 % en Asie. Il ne faudrait pas qu’il s’aggrave…
Asie, Amérique, Europe : le top 20 des importateurs
En attendant, la conjoncture reste porteuse. Sur la période 2017-2018, cela se traduit par de nettes progressions des importations mondiales avec un top 20 des pays importateurs qui constitue un « beau mix » entre l’Asie (six pays au top 20), l’Amérique du nord avec en tête les Etats-Unis, deuxième pays importateur moteur de cette croissance, et surtout l’Europe (11 pays). C’est vers ces zones et ces pays que les efforts des exportateurs devraient se porter.
La zone Europe restera toutefois la plus attractive pour les exportateurs européens grâce à la progression synchronisée des approvisionnements extérieurs : les 11 pays cités dans le top 20 cumulent un total de 1026 Mds USD d’importations supplémentaires sur 2017 et 2018, deux fois plus que la Chine (407 Mds USD) et trois fois plus que les Etats-Unis (325 Mds USD) ! Et une fois n’est pas coutume, le grand gagnant de cette course aux importations est bien la zone euro dont les 7 pays présents cumulent 79,2 % de cette demande supplémentaire.
Asie : la Chine premier moteur
Pour la zone Asie, la Chine est le premier moteur des importations mondiales en ce moment, alimenté par la hausse de la consommation domestique privée : elle va importer pour 186 Mds USD supplémentaires de biens en 2018, après déjà + 221 Mds USD en 2017. Le second mastodonte asiatique qu’est l’Inde est bien loin de ces montants avec 54 Mds USD d’importations supplémentaires en 2018 (57 Mds USD en 2017).
La Corée du Sud ralentit ses achats mais est le troisième moteur asiatique avec un montant supplémentaire d’importations de 17 Mds USD en 2018, après 69 Mds USD en 2017. Le Japon en revanche devrait stabiliser ses importations l’an prochain, après les avoir augmenté de 59 Mds USD en 2017.
Singapour, plaque-tournante du commerce vers l’Asie du sud-est, devrait importer pour 22 Mds USD supplémentaires en 2018, après + 38 Mds USD en 2017 tandis que Hong Kong, autre plaque tournante mais vers la Chine, affiche + 17 Mds USD en 2018, après + 37 Mds USD en 2017. Enfin, Taïwan devrait également augmenter ses importations de 15 Mds USD en 2018, après le double (30) en 2017.
Amérique: les Etat-Unis en tête
L’Amérique est tirée par le nord.
Les Etats-Unis, deuxième derrière la Chine, vont importer pour 170 Mds USD supplémentaires l’an prochain, après 155 Mds USD. Une tendance dont les moteurs sont la consommation, qui restera solide, et un dollar plutôt fort.
Le Canada, pour sa part va accélérer ses importations à 33 Mds USD (après 21 Mds USD en 2017).
Mais ce sont les deux seuls pays du continent américain dans ce top 20.
Europe : L’Allemagne en tête, le Royaume Uni décroche
Pour l’Europe, l’Allemagne, troisième du top 20, est ainsi le moteur de la reprise assez générale des importations européennes : « c’est une économie de bazar : elle assemble beaucoup donc elle importe beaucoup ». Elle devrait importer 135 Mds USD supplémentaires en 2018, après 119 Mds USD en 2017. La France, deuxième européen et quatrième de ce top 20, a également de l’appétit : elle devrait importer 73 Mds USD de plus en 2018 (62 Mds USD en 2017).
Les Pays-Bas, qui servent de plateforme commerciale à l’Allemagne, devraient pour leur part importer pour 59 Mds USD supplémentaires (60 Mds USD en 2017) tandis que l’Italie fera + 37 Mds USD en 2018 (52 Mds USD en 2017) et la Belgique, autre plateforme commerciale européenne, + 41 Mds USD en 2018 (36 Mds USD en 2017).
La Russie, malgré les sanctions et le choc de la chute des cours mondiaux des hydrocarbures qui constituent ses principales sources de revenus, n’est pas si mal placée avec 22 Mds USD supplémentaires importés en 2018, après 70 Mds USD en 2017. Elle est toutefois lancée dans une politique de substitution aux importations et se détourne de l’Europe.
L’Espagne est également en reprise avec des importations supplémentaires estimées à 34 Mds USD en 2018, après 30 Mds USD en 2017. Suit l’Irlande, également en forte reprise avec + 49 Mds USD en 2018 (+ 5 Mds USD en 2017).
Les importations de la Suède sont également dynamiques avec + 29 Mds USD en 2018 (après 20 Mds USD en 2017), au même niveau que la Suisse (+ 29 Mds USD en 2018, après + 20 Mds USD en 2017).
La Pologne épouse le rythme de l’Allemagne, avec 24 Mds USD d’importations supplémentaires en 2018 (après 21 Mds USD en 2017).
Un grand absent de ce top 20 : le Royaume-Uni. « Avec la chute libre de la livre, le Royaume-Uni sort de cette liste, se retrouvant derrière la Suisse et l’Irlande » a commenté Ludovic Subran. Les importations supplémentaires du pays ne totalisent que 40 Mds USD sur 2017 et 2018, alors que ce pays figurait au top 10 avant le vote du ‘Brexit ‘, qui a été suivi d’un effondrement de 20 % de la Livre.
Au-delà de ce top 20, il ne faudra pas oublier les marché trop petits pour peser sur la tendance des importations, mais dont les achats internationaux progressent à grande allure, plus vite que la moyenne mondiale : Australie, Autriche, Grèce, Hongrie, Indonésie, Israël, Malaisie, Pérou, Philippines, République Tchèque, Roumanie, Thaïlande, Vietnam et… Kenya, seul pays d’Afrique cité dans ce groupe de pays porteurs.
Christine Gilguy
*Economic Outlook n° 1239, November 2017. Special Report « Game of Trade ».
Pour prolonger :
–Commerce extérieur : les propositions du rapport Tan pour doper l’export des PME
–Commerce extérieur / Parlement : les députés s’emparent des sujets de la mondialisation et de l’export
–Commerce extérieur / France : la reprise des importations creuse le déficit (Douanes)
–Transport maritime / International : le commerce maritime connaît une embellie, selon la Cnuced
Et aussi
–L’export en 10 étapes : Guide à l’usage des entrepreneurs – 8e édition, 2018
–Foires et salons Monde 2018