Réélu pour quatre ans en juin dernier à la tête de la Colombie, Juan Manuel Santos va pouvoir maintenant s’attaquer aux maux dont souffre encore son pays, considéré parmi les plus porteurs d’Amérique latine actuellement pour les entreprises françaises : pauvreté, disparités régionales, criminalité, corruption, manque d’infrastructures…
L’effondrement des cours mondiaux du pétrole risque, toutefois, de lui compliquer la tâche, rendant, au passage, d’autant plus nécessaire la diversification d’une économie très dépendante des hydrocarbures et des mines.
Ces ressources naturelles ont, en effet, largement contribué ces dernières années à la progression spectaculaire de l’économie. Ainsi, d’après le Département national de planification (DNP), un organe technique consultatif dépendant du président de la République, entre 2010 et 2014, les investissements directs étrangers (IDE) ont bondi de 152 % à 17 milliards de dollars, pendant que les exportations ont explosé, passant de 36,81 milliards à 59 milliards de dollars, soit + 60 %).
Feuille de route du gouvernement, le Plan national de développement (PND) 2014-2018, propose des solutions à la pauvreté ou au sous-développement. Et, à cet égard, ses auteurs sont très précis sur les objectifs généraux et les initiatives à lancer dans les différents territoires nationaux. « Nous devons avoir dans le développement rural la même réussite en matière de croissance économique que dans les villes et finaliser le processus de paix entamé. C’est à une véritable inclusion sociale que nous aspirons. Ce qui signifie des dépenses sociales dans la santé, l’éducation, l’eau ou l’agriculture, mais aussi dans les infrastructures », expliquait, le 28 novembre à Paris, Simon Gaviria (notre photo), directeur du Département national de planification (DNP), lors du Sommet d’affaires Colombie, organisé par The Economist.
Selon le dirigeant du DNP, « la Colombie est dans une configuration rappelant moins le processus de paix en Irlande que la réunification en Allemagne ». D’où les priorités : la gouvernance, la justice, l’économie verte ou encore la mobilité sociale. Le PND, affirme-t-il encore, innove en adoptant une approche régionale. Par exemple, dans le département de Huila, il s’agit de privilégier la santé infantile, l’habitat, l’éducation ou encore l’eau ; dans le département de Casanare, la construction de routes (Yopal-Villavicencio, Arauca-Yopal, Sogamoso-Mani…) ; ou encore, dans la zone de l’Atlantique, la modernisation de l’aéroport international Ernesto Cortissoz.
Autre innovation, le PND avance des objectifs chiffrés : 5,3 % de croissance économique en 2018, alors que, d’après l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le produit intérieur brut (PIB) devrait progresser de 4,8 % cette année ; un taux d’investissement de 30,5 % du PIB, au lieu de 27,6 % en 2013. Au premier trimestre 2014, il atteignait près de 30 % (29,7 % exactement), comme au Pérou (29,6 %) Pérou, soit un niveau très supérieur par rapport au Mexique (21,1 %) et au Brésil (18,1 %).
Infrastructures: un enjeu de développement national et régional
Entre plaines herbeuses de l’Orénoque, forêt amazonienne, bande côtière du Pacifique ou montagnes andines, « le pays est très fragmenté », remarque Alvaro Pereira, directeur du services des études pays de l’OCDE. « Or, pour que la Colombie confirme son émergence, il lui faudra bien relier ses principaux centres industriels aux débouchés maritimes », confiait, avant la réunion de The Economist, un industriel français, intéressé par les projets de construction de routes, de ponts et de tunnels.
« Ce pays peut devenir une plateforme logistique dans la région, si des investissements sont consentis dans les routes ou le chemin de fer, tout un ensemble d’infrastructures dirigé vers les ports », confirme Besaliel Botelho, président de Robert Bosch Latin America. Les projets d’infrastructures sont multiples, comme le montre le tout récent Guide Business Colombie publié par Le Moci (N°1976 du 27 novembre 2014).
De bonnes infrastructures semblent aussi indispensables si la Colombie veut profiter de l’intégration commerciale en cours au sein de l’Alliance Pacifique qui rassemble le Mexique, la Colombie, le Chili, le Pérou et Costa Rica. Outre la circulation des hommes, des biens, des services et des capitaux, cette communauté vise à rapprocher l’Amérique latine de l’Asie-Pacifique. « La Colombie étant ouverte sur deux océans [Atlantique et Pacifique, NDLR], elle possède ainsi une opportunité exceptionnelle », juge Laurent de Bray, Senior vice-president et directeur général de Philips Lighting pour l’Amérique latine. Mais, ajoute-t-il tout de suite, « le Mexique a plus d’opportunités, étant plus peuplé et situé à l’entrée des États-Unis ». Alors quel pays choisir dans une perspective de développement régional ? Ce dirigeant affirme aujourd’hui ne pas détenir la réponse.
Les priorités des entreprises : justice, compétition loyale, stabilité règlementaire, paix
Sur le terrain, les représentants des grandes entreprises internationales sont focalisés sur les lacunes de l’environnement des affaires. Si la Colombie occupe une place enviable, la 34ème, dans le classement 2015 Doing Business de la Banque mondiale, devançant ainsi le Pérou et le Mexique (respectivement 35e et 39e), « la corruption est là et le système judiciaire est inefficace », déplore Mathias Held, responsable exécutif de Daimler Colombia.
« Il y a également des règles, des lois que nous respections, mais il y a de nombreux compétiteurs qui ne le font pas et le gouvernement ne fait rien », dénonce encore Laurent de Bray.
Enfin, il faut « une réforme fiscale juste », selon Brian Smith, président de Coca-Cola pour l’Amérique latine, évoquant la sortie de Colombiens de l’extrême pauvreté et l’émergence de la classe moyenne. D’après l’OCDE, une réforme fiscale est nécessaire pour lever davantage de recettes à moyen terme pour financer à la fois l’amélioration des infrastructures, l’enseignement et la protection sociale. D’ici un an, indique-t-on au sein de l’organisation internationale, le processus d’accession de la Colombie à l’OCDE devrait aboutir, ce qui devrait conduire à des améliorations et à une plus grande stabilité des règlementations dans ce pays.
« A court terme, le plus important est que les négociations débouchent », souligne, pour sa part, Besaliel Botelho, faisant ainsi allusion aux pourparlers de paix engagés avec la guérilla à La Havane (Cuba). Un processus aux multiples rebondissements, impliquant notamment les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc).
François Pargny
Pour prolonger :
-Colombie- France : visite éclair du président Santos à Paris dans un contexte de relance des relations bilatérales
–France-Colombie : un accord de protection des investissements relance les échanges
–Assurance-crédit : Coface obtient sa licence en Colombie
–Colombie : ce que l’accord de libre-échange avec l’Union européenne va apporter
–Amérique latine : une demande vigoureuse, mais des barrières tarifaires
–Mexique : la France veut profiter de la plus grande ouverture du marché