La destitution, le 12 mai, de la présidente Dilma Rousseff, qui avait été réélue de justesse pour un second mandat à la tête du Brésil fin octobre 2014, est-elle porteuse de stabilisation ou au contraire de dégradation d’une situation déjà précaire pour la première puissance économique de l’Amérique du sud ?
Pour Coface, le pays, désormais considéré comme un risque spéculatif par les grandes agences de notation financière, n’est pas au bout de ses peines, il est même dans « l’œil du cyclone » selon une étude publiée aujourd’hui 17 mai. Une analyse que partage de nombreux observateurs.
D’abord, au plan économique, touché de plein fouet par la chute des prix des matières premières –dont le pétrole- le pays est en forte récession : son PIB a chuté de -3,8 % en 2015 (ce qui est présenté comme le taux le plus fort depuis 25 ans), et, pour 2016, un nouveau recul de -3 % à -3,5 % est anticipé pour 2016, selon les analystes. De nombreux indicateurs sont dans le rouge, dont l’investissement et la consommation, qui sont en fort recul (-14 % et – 4 % respectivement l’an dernier). Les réserves de change (15 mois d’importation) restent toutefois à un niveau solide, et les comptes extérieurs ne suscitent pas d’inquiétude.
Au plan politique, une nouvelle période d’incertitude succède à une période d’incertitude ! Car la présidente brésilienne –issue du Parti des travailleurs (PT), de gauche- n’a été que temporairement suspendue de ses fonctions, pour 180 jours, soit le délai dont dispose aussi le sénat qui l’a destituée (l’assemblée nationale avait également voté en faveur de la destitution mi-avril) pour mener à bien son procès. Dans cette période, le vice-président conservateur, Michel Temer (Parti du mouvement démocratique brésilien/PMDB), ex. allié au sein du gouvernement de coalition que conduisait Dilma Rousseff, va assurer l’interim. Selon de nombreux analystes, ce dirigeant manque toutefois d’assise populaire et peine à représenter une alternative convaincante en étant, lui-même et son parti, touché par l’énorme scandale de corruption autour de Pétrobras.
Un climat plombé par les suites de « Lava Jato »
Car pour assombrir le tableau, tout cela intervient en effet dans un climat totalement plombé par les suites de la fameuse enquête du juge fédéral Sergio Moro « Lava Jato », qui a mis au jour le scandale tentaculaire du système de détournement de fonds et de corruption du groupe pétrolier national, qui éclabousse depuis des mois tout l’échiquier politique brésilien et fait figure de séisme politique.
Coface rappelle à cet égard qu’ il « a déjà été démontré que, dans son bilan 2014, Petrobras a évalué à 6,2 milliards de réals (environ 2,3 milliards de dollars US, soit 0,1 % du PIB) les pertes liées au système de corruption dévoilé par l’enquête ». Or si la suspension de la présidente brésilienne a d’abord pour origine une sombre histoire de manipulation de comptes budgétaires, en violation d’une loi sur la responsabilité fiscale, son parti, le PT, de même que son illustre prédécesseur, Lula, ont été éclaboussés par le scandale, comme l’est du reste Michel Temer et son propre parti… Ambiance…
Dans ces conditions, et malgré la tenue prochaine des jeux Olympiques d’été, la plupart des analystes ne voient aucune amélioration à court terme.
Dégradation des notations de risques des assureurs-crédits
Le Brésil est au contraire dans une situation jugée « préoccupante » par l’assureur-crédit Euler Hermes, qui prévoit une forte augmentation des faillites en 2016 avec + 22 %, et +25 % en 2017. « Les grandes entreprises, qui sont les plus exposées au commerce international, sont les plus exposées » estime l’assureur-crédit qui précise que les défaillances de grandes entreprises ont doublé l’an dernier (280) alors qu’elles n’augmentaient que de 18 % chez les PME.
La tendance est confirmée par Coface qui précise qu’au total 1 287 entreprises ont déposé le bilan en 2015, et que 409 demandes ont déjà été enregistrées au premier trimestre 2016 (soit +114 % en glissement annuel).
Tous les secteurs d’activités sont touchés et le pays est devenu un risque élevé pour les assureurs-crédits : Euler Hermes l’a dégradé à C3 (risque de « niveau significatif ») depuis avril 2016, Coface l’a rétrogradé en C (risque élevé) en janvier 2016. « L’économie ne renouera pas avec la croissance avant la sortie définitive de l’impasse politique, indique Coface, qui estime que « l’exercice budgétaire 2016 constitue le premier défi. Sur les 12 mois à fin mars 2016, le déficit accumulé s’élève à 2,28%, de ce fait, la proposition de 1,6% du gouvernement de Dilma semble déjà irréaliste ».
C.G
Pour en savoir plus :
-L’étude Coface « Qu’attendre d’un Brésil dans l’œil du cyclone ? » est dans le document pdf attaché à cet article. Elle est également en ligne sur : www.coface.fr/