Peuplé de près de 90 millions d’âmes, le Vietnam est une porte d’entrée sur l’Asean (Association des nations du Sud-Est asiatique), qui compte, au total, 600 millions d’habitants. « C’est une nation qui gagne un million d’habitants par an, très jeune puisque 60 % ont moins de 30 ans, qui a besoin de se réindustrialiser, de s’équiper et de monter en gamme », exposait Marc Cagnard, directeur Ubifrance au Vietnam, lors d’un atelier pays, organisé à Paris, le 23 septembre, par l’agence publique.
Ubibrance a conclu un accord de coopération avec son homologue Vietrade et, de façon plus globale, les deux gouvernements ont signé un accord de partenariat stratégique en octobre 2013, à l’occasion du quarantième anniversaire de la reprise des relations diplomatiques bilatérales et de l’année croisée France-Vietnam 2013-2014.
Invitée d’honneur de cette manifestation, la vice-ministre de l’Industrie et du commerce (MOIT), Ho Thi Kim Thoa (notre photo), qu’accompagnait une forte délégation d’hommes d’affaires de son pays en tournée en Europe, a non seulement mis en avant certains grands indicateurs économiques – une croissance de 5,4 % de l’économie en 2013, de 12 % de la consommation, une inflation mieux maîtrisée à 6,6 % (divisée par trois en deux ans) – mais aussi les besoins dans toute une série de secteurs : construction, infrastructures, énergie, agriculture, textile-chaussure, etc..
La France accuse un déficit commercial de deux milliards d’euros
HSBC prévoit que les exportations françaises « augmenteront de près de 10 % par an à moyen terme dans quatre pays émergents : Chine, Inde, Vietnam et Malaisie », a souligné Patrick Gillard Chevallier, responsable du Développement international de la filiale française. Une bonne nouvelle, car la part de marché de la France au Vietnam est à ce jour bien mince, inférieure à 1 %. Plus encore l’Hexagone affiche un déficit commercial élevé de 2 milliards d’euros.
En 2013, la France a ainsi exporté pour 800 millions d’euros et importé pour 2,8 milliards. Et Philippe Varin, le représentant spécial du ministère des Affaires étrangères et du développement international (MAEDI) pour les Affaires économiques dans l’Asean, estime qu’en l’état, l’écart ne pourra pas être comblé. Selon lui, en raison des délocalisations dont bénéficie le Vietnam, comme celles de Samsung – l’électronique étant devenu le premier poste à l’export de ce pays, précise Marc Cagnard – la France pourrait encore importer pour 300 millions d’euros par an.
Or, selon Philippe Varin, qui préside également le Cercle de l’industrie, pour bénéficier des opportunités déjà évoquées, il est grand temps que « le lien entre grandes entreprises et ETI (entreprises de taille intermédiaire) se fasse » et que l’on soit capable « de déclencher chez les PME et ETI l’envie d’investir » comme en Italie, en Allemagne « et de plus en plus aux Pays-Bas ». « Notre offre est trop morcelée. Il faut se réunir pour avoir une taille critique et ne pas hésiter à nouer des partenariats locaux », affirme l’ancien patron de PSA.
La concurrence chinoise est forte
Alors, certes, Muriel Pénicaud, directrice générale d’Ubifrance, l’indiquait en ouverture de l’atelier Vietnam, les exportations françaises ont fait un bond de 17 % l’an dernier. Et l’accord de libre échange (ALE) avec l’Union européenne (UE), en cours de négociation, offre des perspectives favorables. Les Vietnamiens espèrent signer d’ici la fin de l’année, mais l’ALE sera plus vraisemblablement conclu l’année prochaine.
Reste que l’accès au marché vietnamien n’est pas aisé, a averti Marc Cagnard. Les raisons ? La première est que c’est un pays lointain, non francophone et d’influence asiatique.
Le Vietnam, qui présentait l’an passé une balance commerciale positive de 900 millions de dollars, a importé pour 131,3 milliards de dollars, dont 28 % de Chine. Le Vietnam livre à ce pays principalement des équipements électroniques et des pièces détachées pour ordinateurs et lui achète en retour des appareils et équipements, des pièces détachées pour téléphones, des tissus ou encore de l’acier.
D’après le MOIT, les importations en provenance de Chine, qui ont dépassé 27 milliards de dollars au cours des huit premiers mois de 2014, pourraient approcher la barre des 40 milliards d’ici la fin de l’année. La France exporte, pour sa part, des produits de la pharmacie, l’agroalimentaire et du transport (aéronautique…). Elle est ainsi en Europe le troisième partenaire commercial du Vietnam et son deuxième investisseur étranger avec plus de 300 entreprises et banques françaises implantées sur place.
La deuxième source de difficulté réside dans les conditions d’accès : « les droits et taxes sont élevés, les règlementations évoluent toujours, le processus de décision n’est pas toujours perceptible au premier abord et les Vietnamiens demeurent sensibles au bon rapport qualité-prix, ce qui n’est pas forcément favorable à nos intérêts », selon Marc Cagnard. Donc, prévient-il, « il faut être patient, nouer des liens, faire preuve de persévérance, s’entourer de partenaires et, si possible, produire sur place ».
Sirea et Dassault Systèmes coopèrent avec une université à Hanoï
Mais ces obstacles ne sont pas insurmontables.
Spécialiste des automatismes industriels, plus particulièrement des solutions de télé contrôle pour l’énergie, la société Sirea, après s’est déplacée cinq fois au Vietnam avec l’appui d’Ubifrance, a engagé un partenariat avec l’Université des sciences et des technologies de Hanoï (USTH). Aujourd’hui, la PME castraise a établi une trentaine de contacts avec des entreprises vietnamiennes et son P-dg, Bruno Bouteille, espérait conclure sa première affaire à l’occasion de l’atelier Vietnam à Paris.
Dassault Systèmes a également établi une coopération avec l’USTH. Le spécialiste des solutions logicielles pour favoriser l’innovation de rupture possède aujourd’hui 200 clients au Vietnam. « Ils sont traités par nos six partenaires dans le pays », a précisé le vice-président exécutif Philippe Forestier.
« Le niveau d’ingénierie des sociétés locales est élevé et le contact avec les Vietnamiens est facile », a insisté, pour sa part, Jean-Marc Fabius, président de Green Lighthouse, société de conseil et d’élaboration de projets dans les énergies renouvelables. Pour autant, le patron de cette entreprise de la région bordelaise tient à mettre en lumière deux écueils. D’une part, la langue. « Elle n’est pas commune et l’anglais n’est pas toujours parlé sur place », explique-t-il. Et, d’autre part, la « culture » du contrat et du financement. « Elle est différente », mais, assure-t-il, « ce n’est pas insurmontable ».
François Pargny