Pour la première fois depuis Dominique de Villepin en 2003, un ministre français des Affaires étrangères se rendra en Angola. Certes, le président Sarkozy s’est déplacé à Luanda en 2008, « mais sur le chemin de l’Afrique du Sud », précise-t-on au ministère des Affaires étrangères (MAE).
Rien de tel avec Laurent Fabius, grand voyageur avec quelque 70 déplacements depuis sa prise de fonction, qui partira le mercredi 30 octobre à 23h50, à la tête d’une délégation d’hommes d’affaires, pour repartir le lendemain soir. Arrivée à Paris le vendredi 1er novembre à 4 heures du matin. Un voyage à connotation à la fois économique et politique important, puisqu’il s’agit de confirmer un rapprochement rendu possible par la clôture du dossier Falcone, du nom de l’homme d’affaires français accusé par Paris – et défendu par Luanda – d’avoir vendu illégalement des armes à l’Angola.
Dans le cadre de la diplomatie économique qu’il entend développer dans le monde entier, Laurent Fabius jouit d’une aura particulière. Ancien Premier ministre, ce qui n’est pas rien en Afrique, il souhaite orienter, comme la ministre du Commerce extérieur, Nicole Bricq, de plus en plus les entreprises hors de la zone francophone, moins riche que les régions orientale et australe, voire moins performante. Doté d’une forte capacité hydroélectrique, de vastes terres arables, de gaz, de pétrole (1,8 million de barils produits par jour) ou encore de diamant (cinquième producteur mondial), l’Angola fait justement figure de géant dans un pays, au demeurant, qui a d’énormes besoins sociaux à satisfaire et des infrastructures à construire.
La France joue les seconds rôles, malgré Total
Or, depuis l’indépendance de l’ancienne colonie portugaise en 1976, la France y joue les seconds rôles. Pire les échanges bilatéraux diminuent. En 2012, ils étaient ainsi tombés à 680 millions d’euros, dont 208 millions d’exportations françaises (équipement agricole, agroalimentaire, métallurgie, matériel de transport…) et 460 millions de livraisons de pétrole par l’Angola. La situation est un peu meilleure en matière d’investissement direct étranger, puisque les entreprises françaises y ont injecté pour 1,1 milliard d’euros en 2011 et 709 millions en 2012. Des chiffres qui doivent, néanmoins, beaucoup à Total, implanté depuis 1953, qui compte pour 30 % dans la récolte d’or noir angolaise.
Il n’y a pas que le pétrole, fait-on valoir au MAE, où l’on souhaite, en particulier, que les sociétés agroalimentaires françaises poussent leurs avantages en Angola. Le pays n’y est, certes, pas facile. A la corruption et aux lourdeurs administratives (il faut 68 jours en moyenne pour constituer une entreprise), s’ajoute l’effet pétrole, un produit qui représente 97 % des exportations, 75 % des recettes fiscales et 45 % du produit intérieur brut (PIB). Luanda est devenue la ville la plus chère du monde et l’inflation a grimpé dans le sillage de l’économie. Le PIB a, en effet, cru de 10 % en moyenne pendant quinze ans et devrait encore flirter avec les 6 % cette année.
Considéré comme un eldorado par les Portugais, l’Angola dispose aussi d’un fonds souverain de cinq milliards de dollars, qui permet à son gouvernement de s’adapter en cas de baisse des cours du brut. Paris verrait d’un bon œil que ce fonds investisse dans l’Hexagone.
Paris souhaite un engagement financier de l’Angola en Centrafrique
Le volet politique de la visite de Laurent Fabius vaut aussi par l’implication de la France au Mali et maintenant en Centrafrique, où Paris verrait bien Luanda jouer un rôle important. Certes, l’Angola n’enverra pas de troupes, mais il peut contribuer à soutenir financièrement les efforts de la communauté internationale. Paris a déjà obligé les voisins de la République centrafricaine (RCA) à mettre la main à la poche. La France entend engager de plus en plus de nations africaines à la résolution des conflits sur le continent, espérant un jour en l’émergence d’une force militaire africaine.
Or, l’Angola est une nation qui compte, amie et complémentaire économiquement de la première puissance du continent, l’Afrique du Sud, dialoguant avec les États-Unis, comme avec les grands émergents : Brésil, Russie, Inde, Chine (Bric). Ce pays a joué un rôle en Guinée Bissau, en République démocratique du Congo (RDC) où son Armée a arrêté l’avancée des militaires rwandais, au Congo où il a soutenu l’actuel président Denis Sassou N’Guesso contre son prédécesseur Pascal Lissouba.
Paris apprécie encore ses efforts, avec l’Afrique du Sud, au sein de la SADC (Southern Africa Development Community), en faveur de la bonne organisation des élections à Madagascar. Un des enjeux de la visite du ministre français des Affaires étrangères est de parvenir à convaincre le président angolais, José Edouardo dos Santos, de se rendre au Sommet de l’Élysée des 6 et 7 décembre. Avec comme thème principal, la sécurité et la paix en Afrique, et une place aussi donnée « aux innovations dans le développement durable ». Ce n’est pas gagné, le chef d’État angolais se montrant très discret sur la scène internationale.
François Pargny