Le 1er mai dernier est entré en vigueur le protocole additionnel à l’accord-cadre ayant donné naissance à l’Alliance du Pacifique, signé le 6 juin 2012 par les Présidents de ses quatre États fondateurs, le Chili, la Colombie, le Mexique et le Pérou. Il apporte des améliorations du cadre des affaires pour les entreprises étrangères. Analyse d’expert.
Bien que l’accord cadre de l’Alliance du Pacifique ne soit entré officiellement en vigueur que le 20 juillet 2015, ses quatre États fondateurs n’ont pas attendu l’achèvement des procédures nationales de ratification pour avancer dans la mise en œuvre des objectifs de leur nouvelle Alliance stratégique, à travers notamment de la signature du protocole additionnel à l’accord-cadre, intervenue le 10 février 2014, lors du 8e sommet tenu à Carthagène des Indes, Colombie.
Cette avancée majeure dans la concrétisation de cette Alliance stratégique latino-américaine intéresse nos entreprises françaises et européennes en général, ayant ou souhaitant avoir une activité commerciale dans la zone concernée par l’Alliance. Pour comprendre les atouts du protocole additionnel, sont rappelés ci-après, son rôle comme élément structurant dans la construction de l’Alliance en termes de facilitation commerciale et douanière notamment à l’égard des pays tiers, et les secteurs porteurs pour les investissements étrangers dans les quatre pays concernés.
Les bénéfices concrets du protocole additionnel
L’Alliance du Pacifique compte quatre axes majeurs : la libre circulation des biens et services, la libre circulation des capitaux et la mobilité universitaire. Elle a également pour objectif le renforcement du marché intégré latino-américain (MILA) qui, avec 790 entreprises émettant des valeurs mobilières ayant une valeur de capitalisation boursière de 944 milliards de dollars, constitue le plus grand marché boursier d’Amérique latine.
Dans ce contexte, le protocole additionnel vise à étendre le libre-échange déjà existant entre les États membres, en modernisant leurs accords bilatéraux existants. L’entrée en vigueur du protocole additionnel doit conduire à accroître le commerce et les investissements à l’intérieur des États membres et ainsi leur permettre d’atteindre des niveaux plus élevés de compétitivité face aux pays tiers.
Ainsi, le Protocole prévoit un droit de douane commun de 0 pour 92 % des produits, les 7 % restants élimineront leurs droits de douanes par périodes de 3 et 7 ans. Pour les produits « sensibles » (bananes, café, maïs…) les droits de douanes s’élimineront progressivement sur une période de 17 ans. Le sucre est exclu du traitement préférentiel.
Les règles d’origine des marchandises ont été négociées afin de les rendre simples, uniques et flexibles à l’intérieur de l’Alliance, à l’exception du textile dont les règles d’importation demeurent plus strictes. Le protocole additionnel prévoit l’harmonisation, et notamment l’assouplissement de la règle d’origine cumulative. Ainsi, un produit exporté d’un pays membre vers un autre membre pourra être exonéré de droits de douane s’il atteste dans sa composition d’un certain pourcentage en provenance d’un des pays membres.
S’agissant des obstacles techniques au commerce, le protocole renforce la coopération entre les agences régulatrices des secteurs cosmétique et des médicaments, grâce à un système d’échange d’information entre les États membres. Il prévoit également plus de transparence dans l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires avec la création d’un comité dédié pour ces problématiques commerciales.
De plus, il est consacré la reconnaissance mutuelle des Opérateurs Économiques Agrées (OEA) entre les États membres, l’interopérabilité des guichets uniques de commerce extérieur, en commençant par les certificats d’origine et sanitaires.
En ce qui concerne les marchés publics, les standards ont été harmonisés dans les quatre pays. Les réserves et les exclusions des accords précédents ont été éliminées.
Pour les entreprises de télécommunications, le Protocole garantit la possibilité de prêter leurs services dans la zone, en conditions de libre concurrence, notamment par rapport aux fournisseurs dominants.
Les transactions électroniques de biens et de services ont été réglementées, afin de garantir leur sécurité et leur efficacité. Le protocole prévoit par ailleurs l’exonération des droits de douanes aux produits numériques.
Des opportunités pour les entreprises françaises
La population de l’Alliance compte 214 millions d’habitants qui représentent 35 % du PIB de l’Amérique latine. Ce positionnement définit un cadre favorable aux échanges avec les investisseurs et partenaires commerciaux à l’international. Par ailleurs, les quatre pays membres cherchent à réduire la dépendance envers certaines puissances économiques telles que les États-Unis et la Chine.
La France joue un rôle de partenaire clé dans la constitution de l’Alliance et se place comme le 6e fournisseur de la Colombie, 13e du Chili, le 14e du Mexique, le 21e du Pérou.
Il existe des opportunités d’affaires visibles pour les entreprises françaises dans les quatre pays, notamment dans les secteurs agro-industriels, énergétique, aéronautique, d’infrastructures, l’hôtellerie et le secteur cosmétique/pharma. Voici quelques exemples concrets :
• Dans l’agro-industriel, le Chili offre des atouts en matière de transformation industrielle d’aliments, notamment dans le secteur oléicole ou encore dans l’application des biotechnologies à l’industrie agroalimentaire. En Colombie, sur les 13 millions d’hectares de terres arables, 35 % seulement sont utilisés. Grâce à la stabilité de son climat tout au long de l’année, il est possible de cultiver des produits agricoles en garantissant leur homogénéité et qualité constantes.
• Le secteur énergétique est aussi très attractif au Chili. Près de 61 % des ressources énergétiques du pays sont importées. L’industrie minière chilienne par exemple est dépendante pour son approvisionnement en énergie. Les besoins énergétiques du secteur devraient doubler d’ici à 2025. Le pays bénéficie par ailleurs de conditions très favorables au développement des énergies renouvelables et le gouvernement chilien promut ce secteur en se fixant un objectif de 45 % de la capacité de production d’électricité en provenance de sources non-fossiles à l’horizon 2025.
• L’industrie aéronautique est particulièrement prospère au Mexique où se fabriquent des équipements d’origine et des produits représentant de 3 à 6 % du contenu total de certains modèles d’avions tels qu’Airbus, Boeing, Embraer. Ayant la troisième flotte d’avions privés au monde, avec 8 799 avions immatriculés en 2014, le Mexique est propice pour la fourniture de pièces d’avion, de matières premières et d’intrants.
• En matière d’infrastructures, le potentiel d’investissement en appel d’offres de marchés publics pour l’ensemble des quatre pays est énorme. Le Ministère des Travaux Publics du Chili planifie des travaux sous concession pour plus de 2 milliards USD uniquement pour 2016 (routes, aéroports régionaux…).
• Dans l’hôtellerie, avec 3,5 millions de visiteurs étrangers en 2015, le Pérou est l’un des pays les plus visités en Amérique du Sud et son secteur hôtelier est en pleine expansion. Il existe environ 102 nouveaux projets hôteliers au Pérou (entre 2015 et 2018) dont 48 à Lima, représentant la création de 7 600 nouvelles chambres sur l’ensemble du pays.
Enfin, dans le secteur des cosmétiques, la Colombie œuvre pour devenir la première place mondiale des cosmétiques à base de plantes d’ici 2032. La Chambre de l’industrie cosmétique et d’articles de toilette colombienne prévoit une croissance de 3,9 % entre 2014 et 2019.
Malgré la chute des prix des matières premières et le ralentissement généralisé de la croissance, l’Alliance du Pacifique, renforcée par le protocole additionnel, offre un potentiel économique considérable et un climat de confiance grâce aux réformes mises en place pour palier au retard accumulé de croissance et de productivité, et favoriser les investissements étrangers stratégiques.
Patricia Cuba-Sichler, avocate aux barreaux de Paris et de Lima, DS Avocats