A Paris comme à Alger, on se félicite de la qualité de la relation bilatérale, certains parlant de « beau fixe politique », d’autres même de « pic » depuis la visite d’État de François Hollande en décembre 2012.
Les déplacements de membres du gouvernement français en Algérie se succèdent. Ainsi, le ministre de l’Économie et de l’industrie Emmanuel Macron devrait se rendre cet automne à Alger, ce qui pourrait laisser penser qu’un nouveau déplacement sur place du président français, évoqué en mai par Laurent Fabius, pourrait avoir lieu avant la fin de l’année. Le ministre des Affaires étrangères et du développement international a lui-même effectué six séjours en Algérie.
On peut alors comprendre l’enthousiasme des deux ambassadeurs, l’Algérien Amar Bendjama en poste à Paris et le Français Bernard Émié en poste à Paris. Lors de la 9e édition des Rencontres Algérie, tenues à Paris les 1er et 2 juin à l’initiative de Business France, les deux diplomates ont affirmé, tour à tour, être « surmené, mais heureux ». Un bonheur qui aura sûrement réjoui les 300 participants à la manifestation, mais qui ne doit pas masquer les contraintes et les défis auxquelles sont confrontées les entreprises françaises de l’autre côté de la Méditerranée.
« Fonder des coentreprises », « nouer des partenariats technologiques »
A plusieurs reprises, il a été rappelé que l’Algérie « n’est pas un marché facile » et que « la bureaucratie y est forte », héritage de l’ère socialiste qui peut décourager parfois. « Le climat d’affaires doit être amélioré », reconnaissait ainsi Laid Benamor, qui préside la Chambre algérienne de commerce et d’industrie (Caci). Mais pour Jean-Louis Levet (notre photo), Haut-responsable à la coopération industrielle et technologique franco-algérienne, les entreprises françaises devraient penser à « fonder des coentreprises », à « nouer des partenariats technologiques », à « développer de la formation » avec le secteur privé local. « Elles méconnaissent le rôle des PME et ETI algériennes, souvent à actionnariat familial », a-t-il regretté. Selon lui, « il faut partir de la demande algérienne » et « accepter de compter un à deux ans pour développer des relations de confiance avec des Algériens ».
Se rapprocher du secteur privé apparaît d’autant plus utile aujourd’hui que l’État algérien va introduire de « nouvelles mesures de réindustrialisation». En l’occurrence, a indiqué Amar Bendjama, « il s’agira d’un encadrement plus poussé des importations, d’une promotion et d’une protection accrues de la production nationale » (lire à ce sujet l’article de la Lettre confidentielle Algérie/Investissements : Alger prépare de nouvelles mesures pour favoriser la production sur place). « Nous allons porter un intérêt accru aux investissements directs étrangers aboutissant à des joint-ventures et à de la colocalisation et deux critères seront plus particulièrement retenus, la création de valeur ajoutée et la création d’emplois, notamment pour des jeunes qualifiés », a ainsi précisé l’ambassadeur en poste à Paris.
« Aujourd’hui, l’Algérie nous attend, mais elle nous attendra pas pendant des années », a prévenu Jean-Louis Levet. La France possède une position privilégiée. A elle de savoir en profiter en s’adaptant. « La France, a détaillé Bernard Émié, c’est 600 sociétés exportatrices, 1 200 membres à la Chambre de commerce et d’industrie algéro-française (CCIAF), plus de 10,5 milliards d’euros d’échanges de biens avec l’Algérie. Elle est ainsi son deuxième partenaire économique, le premier investisseur étranger hors hydrocarbures dans le pays, y a créé 100 000 emplois directs et indirects » et « de grandes sociétés, a-t-il ajouté, comme Renault à Oran et Alstom à Annaba se sont implantés, avec la volonté de créer des clusters, l’un dans l’automobile l’autre dans le ferroviaire ».
D’après Gefco, qui a ouvert une filiale en Algérie en 2014, ce pays constitue aujourd’hui « le deuxième marché automobile » du continent africain. Dans un communiqué de presse du 3 juin (voir fichier joint), le spécialiste de la logistique automobile indique avoir ainsi « transporté 55 000 véhicules neufs en 2014 » pour des clients comme l’importateur Saida ou le constructeur PSA Peugeot Citroën.
Le défi de la formation et des secteurs prioritaires
« Renault va développer une école des métiers près d’Oran », s’est, par ailleurs, félicité Laid Benamor. Selon Brahim Benabdeslam, vice-président de l’organisation patronale en Algérie le Forum des chefs d’entreprises (FCE), « l’Algérie a un sérieux problème de qualification et un déficit en matière de management », mais « elle a aussi des atouts », comme la disponibilité en énergie et « des salaires attractifs même par rapport aux pays de la région ». Ainsi, un ingénieur serait « payé 500 euros par mois, alors que le SMIC est d’environ 180 euros, et après dix ans 1 200 euros ».
Lors de la visite d’État du président Hollande en décembre 2012, la stratégie est clairement identifier avec les autorités algériennes. L’objectif est de passer du commerce à la coopération », a rappelé Jean-Louis Levet, ajoutant les Paris et Alger ont des intérêts communs à développer: « la Méditerranée à réguler », « la réindustrialisation nécessaire des deux côtés de cette mer », avec « une France qui veut élargir ses bases de production» et « une Algérie qui doit monter en qualité et se diversifier ».
L’Algérie a « une offre et veut passer d’une économie de rente à une économie d’entreprise », a encore fait valoir le Haut-responsable à la coopération industrielle et technologique franco-algérienne, qui a ainsi cité six grands domaines prioritaires : agriculture, environnement, énergie, santé, transport, économique numérique. Autant de secteurs qui constituent, selon lui, « une boussole » pour de futurs partenariats.
François Pargny