Les Pays-Bas peuvent-ils être un modèle pour la France ? Le consensus est culturel dans ce pays où l’on pratique aussi le travail en commun. A tel point que fin 2010 le gouvernement de Mark Rutte a fusionné Agriculture et Économie pour créer le ministère des Affaires économiques, de l’Agriculture et de l’Innovation.
« Cet opérateur unique a même autorité sur l’ensemble du réseau diplomatique. Évidemment en France, nous ne préconisons pas une fusion des ministères. Mais nous proposons des solutions pour en finir avec la dispersion qui caractérise notre système d’appui à l’internationalisation de la filière agroalimentaire », a expliqué Yannick Botrel, sénateur des Côtes d’Armor, le 17 juillet, à l’occasion de la présentation des recommandations de la mission sénatoriale « sur le dispositif public de soutien aux exportations agroalimentaires ».
Ubifrance, Sopexa, Adepta, FranceAgrimer…
En France, l’association Adepta, l’établissement public industriel et commercial (Epic) Ubifrance, la société anonyme Sopexa, qui bénéficie d’une délégation de service public (DSP) de la part du ministère de l’Agriculture, et l’établissement public administratif (Epa) FranceAgrimer sont, selon les rapporteurs, « des opérateurs qui dupliquent les mêmes fonctions ». Chevauchement et redondances que l’on note, par exemple, dans l’information et la veille des marchés, les missions d’exportation à l’étranger, l’accompagnement collectif ou encore l’organisation de Pavillons France dans les salons internationaux.
Pour mettre un terme notamment à « la relation conflictuelle » entre Ubifrance et Sopexa, qui est dénoncée, en vain, par tous les ministres de l’Agriculture qui se succèdent, la mission sénatoriale propose la mise en place d’un opérateur commun de référence, sous la double tutelle des ministères de l’Agriculture et de l’Économie, « qui labellise des actions menées par des CCI, Sopexa ou des privés », détaille André Ferrand, sénateur des Français établis hors de France.
Cet opérateur pourrait être Ubifrance, un regroupement ou l’agence France International, qui se dessine avec l’Agence française des investissements internationaux (Afii). Il travaillerait aussi en liaison avec la nouvelle banque publique d’investissement et de financement bpifrance des différents territoires et avec les Conseils régionaux.
Marque France et marques régionales
« Il faut aussi mutualiser les moyens de promotion autour de la marque France », insiste André Ferrand. « Mais il ne faut pas non plus penser qu’il y une contradiction à développer d’autres moyens », affirme Christian Bourquin, sénateur des Pyrénées Orientales (notre photo), selon lequel « les marques régionales complètent la marque France ». La Région Languedoc-Roussillon, qu’il préside également, a ainsi créé Sud de France qui a jusqu’alors « drainé 3 200 entreprises dans l’agroalimentaire ».
Autre domaine où les Néerlandais se montrent supérieurs aux Français, l’accès aux grandes infrastructures, comme les ports. Le port de Rouen, par exemple, « principal ouvrage pour l’exportation des céréales en Europe, commence à être coincé et l’urbanisation commence à grignoter dessus », témoigne Joël Bourdin, sénateur de l’Eure. La question des infrastructures rejoint en partie celle des procédures, souvent « jugées lourdes et longues », relate encore Joël Bourdin, qui souligne, néanmoins, la très bonne image auprès des entreprises de la Douane, « qui a consenti beaucoup d’efforts dans le sens de la simplification et dématérialisation ».
« Les procédures sur notre territoire sont en général qualifiées de qualité et sûres. Mais, dans des micro-secteurs comme les semences de pommes de terre, un fabricant français m’a confié qu’il était plus facile de livrer à partir des Pays-Bas. Et c’est vrai aussi pour des producteurs de miel », révèle Joël Bourdin. « Nos ports ne sont pas toujours à la hauteur », poursuit le sénateur, citant le mauvais accueil qui peut être accordé aux semences françaises dans le port du Havre.
Le rôle de l’ambassadeur renforcé
A terme de cette mission, les sénateurs ont adressé une série de six recommandations, « destinées à améliorer les conditions d’élaboration d’une stratégie commune et cohérente » :
1) La première n’en est plus tout à fait une, puisque le leadership du représentant de l’État à l’étranger, c’est-à-dire l’ambassadeur, est déjà acté. Il faut qu’il dispose de tous les moyens « pour coordonner l’action et assurer la synergie des différentes structures ». Et pour ce faire, André Ferrand préconise aussi que « le jeu collectif des acteurs français à l’étranger soit défini par une lettre de mission signée conjointement par le ministre de l’Économie et des finances et le ministère des Affaires étrangères ».
2) Établir « un plan stratégique et un plan d’action définissant des objectifs aussi précis que possible ».
3) S’assurer que tous les accords conclus à Paris « fassent l’objet de déclinaisons locales permettant une mise en œuvre plus efficace ».
4) « rechercher et utiliser les circuits d’information les plus opérationnels » pour diffuser les « opportunités identifiées sur les marchés étrangers ».
5) « Recenser très précisément les contraintes à l’accès aux marchés (normes sanitaires ou procédures douanières) et articuler étroitement les aspects régaliens et commerciaux afin de réduire plus efficacement ces barrières douanières ».
6) « Appliquer strictement le principe de réciprocité dans les négociations et agir en tirant le meilleur parti du levier européen ».
François Pargny
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