En février dernier, quand le président Jacob Zuma appelait devant le Parlement à une meilleure distribution des revenus entre ménages noirs et blancs et à une meilleure redistribution des terres, les observateurs étaient sceptiques. Aujourd’hui, le chef d’État au pouvoir depuis huit ans est contesté au sein même de son parti, l’African National Congress (ANC), y compris par des figures illustres comme son prédécesseur Thabo M’Beki et son vice-président Cyril Ramaphosa.
C’est donc dans un contexte de fin de règne, à deux ans, en principe, des présidentielles de 2019, que le ministre du Commerce et de l’industrie Rob Davies (notre photo) s’est rendu dernièrement à Paris pour co-présider, le 13 avril, la commission mixte économique France-Afrique du Sud, avec Harlem Désir, secrétaire d’État français chargé des affaires européennes, et participer, la veille, à un forum d’affaires, sous l’égide de Business France, ayant permis d’organiser 100 rendez-vous B to B entre 67 entreprises françaises et 11 sociétés sud-africaines.
Énergie : secteur phare pour la France
Le ministre sud-africain a beaucoup insisté sur le programme national d’infrastructures et l’énergie, notamment le solaire le nucléaire. L’énergéticien sud-africain Eskom a signé, début avril, un protocole d’accord avec son homologue français Électricité de France (EDF) pour coopérer à long terme dans l’amélioration de la fiabilité de son réseau en Afrique du Sud. Un partenariat qui a été facilité par l’accès à une subvention de 450 000 euros de l’Agence française de développement (AFD) en novembre 2015, sous forme d’un Fexte (Fonds d’expertise technique et de transferts d’expérience), ayant permis l’organisation de séminaires, d’ateliers et de voyages d’étude par EDF et Eskom jusqu’en décembre 2016.
Par ailleurs, la France est toujours en lice pour construire des centrales nucléaires, même si la ministre de l’Energie, Tina Joemat-Pettersson, a récemment annoncé que, pour des raisons de coût élevé des technologies, les projets devant s’ajouter à la seule centrale existante en Afrique, Koeberg, d’origine française (à l’époque en 1976, Spie Batignolles pour le génie civil, Alsthom pour l’îlot conventionnel et Framatome, aujourd’hui Areva), seront retardés de dix ans, soit une entrée en opération au mieux en 2037. L’énergie est avec les télécommunications et les services le premier pourvoyeur d’investissements directs étrangers (IDE). D’après la Cnuced (Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement), en 2016, les flux d’IDE à destination de l’Afrique du Sud ont augmenté de 38 % par rapport à 2015, s’élevant au niveau néanmoins modeste de 2,4 milliards de dollars.
Coopérer dans les matériaux composites et pénétrer le marché régional
A Paris, Rob Davies a aussi cité les routes, les chemins de fer, les télécommunications, les technologies de l’information et la communication (Tic), « de façon générale, la digitalisation, car elle permet aux entreprises d’accroître leur compétitivité », les matériaux composites pour lesquels Pretoria est prêt à engager une coopération bilatérale, et tout secteur permettant à l’économie sud-africaine, très concentrée sur les matières premières, de se diversifier.
« Depuis quelques années, nous avons déjà commencé dans l’automobile, le textile, l’agroalimentaire, la chimie. Notre gaz peut encore être utilisé pour l’industrie et notre marché domestique peut être employé pour exporter avec de la valeur ajoutée dans la Sadc (Communauté de développement d’Afrique australe), qui s’est, par ailleurs, rapprochée de deux autres marchés régionaux, le Comesa (Marché commun de l’Afrique orientale et australe) et l’EAC (Communauté d’Afrique de l’Est) ».
Enfin, Rob Davies a évoqué les relations avec l’Europe – l’Allemagne, « le Royaume-Uni, deuxième, et la France qui pourrait profiter du Brexit pour le dépasser », a-t-il plaisanté. D’après la base de données GTA (groupe IHS), en 2016, l’Allemagne était à la fois le deuxième client et fournisseur international de l’Afrique du Sud, derrière la Chine. Comme fournisseur, la France arrivait au 7e rang, avec plus de 2,1 milliards (près de quatre fois moins que l’Allemagne), devançant ainsi le Royaume-Uni, avec moins de deux milliards. Pour les exportations sud-africaines, dans le Top 10, outre l’Allemagne en Europe, avec plus de 5,1 milliards d’euros, figuraient en neuvième et dixième positions le Royaume-Uni et la Belgique.
Les avantages réciproques de l’APE UE-Afrique australe
Le 10 octobre dernier, l’Accord de partenariat économique entre l’Union européenne (UE) et l’Afrique australe est entré en vigueur, sauf pour le Mozambique (les APE, régionaux en principe, remplacent l’Accord de Cotonou régissant le partenariat entre l’UE et les 76 pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, appelés ACP). Un accord qui tient compte du niveau de développement de tous les partenaires : Botswana, Lesotho, Mozambique, Namibie et Swaziland possèdent ainsi un accès en franchise de droits et de contingents au marché européen, alors que l’Afrique du Sud bénéficie seulement d’un meilleur accès au marché par rapport à l’accord bilatéral préexistant. Mais elle peut aussi dorénavant assembler des produits à partir de composants provenant de différents pays et certaines de mesures de protection, notamment pour les industries naissantes, fragiles ou pour des raisons de sécurité alimentaire, sont acceptées par Bruxelles.
En outre, le démantèlement tarifaire est graduel et asymétrique au profit de l’Afrique australe. Et certains droits, notamment pour les produits intermédiaires, sont fortement révisés à la baisse pour favoriser les importations, la montée de la production et la diversification de l’économie. Important pour les professionnels français du vin et de l’alimentation en particulier, l’Afrique du Sud reconnaît aux détenteurs de dénominations traditionnelles et d’identifications géographiques (IG) le droit exclusif de les utiliser sur son territoire. En fait, l’APE élargit la liste des IG vins et spiritueux protégées depuis la convention avec l’UE en vigueur depuis 2002, qui passe ainsi de 64 à 102 pour l’Afrique du Sud et de 93 à 141 pour l’UE.
D’autre part, l’accord protège de nouvelles IG alimentaires : 3 pour l’Afrique du Sud (Honeybush, Rooibos, Karoo Lamb) et 105 pour l’UE. Au total, l’UE protègera 105 IG sud-africaines et l’Afrique du Sud protégera 251 IG européennes, dont 55 françaises (13 IG alimentaires, 40 IG pour les vins et 2 pour les spiritueux).
François Pargny