En matière de risque client à l’international, le point de départ est sans contestation possible le stade de la prospection. À l’export, les risques encourus sont tels, qu’assuré crédit ou non, les entreprises doivent apprendre à gérer en interne ce domaine que les Anglo-Saxons et la plupart de nos voisins européens ont depuis longtemps assimilé dans leurs cultures d’entreprise.
Il existe à ce jour deux associations européennes de credit managers, la FCIB (Finance, Credit & International Business Association) et la FECMA (Federation of European Credit Management Association) qui regroupe quinze associations nationales.
Quoi qu’il en soit, que l’entreprise ait, ou non, les moyens de se doter d’un credit manager international à plein temps (voir plus loin « Check-list des compétences du credit manager export »), il est important de souligner les différentes options qui s’offrent à elles selon sa taille et sa structure.
Les différentes options d’organisation
Dans les entreprises françaises, on trouve deux types de structures, en matière de credit management dans les entreprises moyennes et grandes disposant de filiales à l’étranger :
– soit fortement centralisé ;
– soit au contraire décentralisé, le responsable en France contrôlant l’activité de ses collègues dans les filiales étrangères.
Il n’existe pas de règles absolues. Le choix de l’une ou l’autre option dépend des critères suivants :
– la structure commerciale, organisation en directions régionales, filiales, etc. Ceci sera d’autant plus évident que l’entreprise réalise une part de son activité hors de France. Le type d’implantation sera alors quasi décisif ;
– le type de produits et la typologie de clientèle. Des politiques de crédit différentes peuvent être justifiées (exemple, dans une activité télécommunications, faire une répartition par secteur : particuliers, entreprises, grands comptes, etc.) ;
– la qualité des relations existant entre service commercial et département crédit. Ce dernier est-il crédible ? Ses décisions sont-elles respectées ? Ne pas sous-estimer le fait qu’en cas de structure décentralisée, les personnes dépendant du département crédit seront plus proches du service commercial et donc plus sujettes à son influence. Le risque de pression du ou des directeurs de filiales locales n’est pas marginal. Dans l’hypothèse d’implantations à l’étranger, ce risque sera encore plus élevé, les responsables de filiales pouvant avoir la tentation « d’habiller » les rapports périodiques sur le crédit faits à la maison mère.
Conclusion : dans l’hypothèse d’une organisation décentralisée, le credit manager groupe devra impérativement visiter régulièrement les différentes entités, à la fois pour contrôler la véracité des statistiques produites et aussi pour « animer » ses structures crédit. Pour ce faire, il devra disposer d’une totale liberté d’action et… d’un budget conséquent.
Repère
Des fonctions spécifiques
Quelle que soit la structure retenue, le credit manager international, on l’aura compris, est un homme ou une femme de communication et de terrain, un financier doublé d’un commercial. Ses fonctions spécifiques lui imposent ainsi :
– d’établir des conditions de paiement type selon les pays ;
– de vérifier la conformité des opérations documentaires ;
– de contrôler les performances des filiales ;
– de négocier et de suivre les polices d’assurance-crédit, s’il en existe.
On n’insistera jamais assez : le ou la credit manager entretient d’étroites relations avec les services commerciaux, la trésorerie, les banques, les différents prestataires de services… Il ou elle doit être curieux(se), ouvert(e) sur les différences culturelles propres à chaque pays, toujours à l’affût des nouvelles techniques et bénéficier d’un budget suffisant pour la réussite de sa mission !
Dans les PME n’ayant pas de structure spécifique, ce rôle devrait être dévolu au service de l’administration des ventes, avec une très forte implication des commerciaux « terrain ». Et dans ce cas, les règles d’or du credit management doivent être :
– verrouiller les conditions financières et juridiques des contrats ;
– avoir des conditions générales de vente adaptées à l’international ;
– choisir les méthodes de paiement les plus sécurisées et les plus fiables : privilégier le virement Swift accompagné d’une lettre de crédit stanby ;
– bien maîtriser le choix des Incoterms ;
– facturer le plus rapidement possible ;
– avoir toujours un fait générateur précis pour le calcul du délai de paiement : date de facture, date du document de transport, mais jamais « à réception de… » ;
– être très directif en matière de crédit documentaire : systématiser l’envoi à l’acheteur d’instructions d’ouverture ;
– soigner la remise des documents ;
– relancer préventivement les créances importantes ;
– relancer vite et efficacement.
On parle beaucoup actuellement d’actions pour aider les PME françaises à exporter davantage. Hélas, dans les nombreux discours que l’on peut entendre ou lire ici et là, on constate qu’il manque une donnée essentielle : il ne suffit pas d’apporter des aides ou subventions. Encore faut-il que les personnels concernés dans les entreprises ciblées soient suffisamment formés.
Pour notre part, nous ne pouvons que recommander aux entreprises de faire un effort pour la formation des personnes des services comptables et commerciaux, chargés des opérations d’exportation et de recouvrement. Il existe aussi des formations spécifiques aux techniques de gestion du poste client, pas uniquement destinées aux credit managers titulaires, mais à toutes les personnes concernées de près ou de loin par la sécurisation et l’encaissement des opérations de commerce international. Deux exemples : l’AFDCC et la Cegos proposent des cycles et sessions de formation adaptés aux besoins spécifiques des entreprises, quelle que soit leur taille ou leur secteur d’activité.
Check-list des compétences du credit manager export
Le credit manager international devra présenter un caractère de polyvalence. Il devra surtout avoir un solide sens du commercial et du multiculturel et être capable de négocier avec des clients difficiles. Rappelons certaines connaissances et qualités essentielles que doit avoir tout bon credit manager :
– bonnes connaissances financières ;
– bonnes bases juridiques, (législation et jurisprudence commerciale et civile, droit de la facturation, droit des contrats, des sûretés, droit cambiaire, etc.) ;
– réactivité (sens de l’action), esprit de synthèse, intégrité, loyauté (il a très souvent accès à des informations confidentielles) ;
– sens de la communication et du contact (il doit gérer un réseau de relations dans les domaines les plus divers et être capable de former et d’animer les services gravitant autour du sien).
En plus de ces qualités, le credit manager qui travaille à l’international doit montrer de grandes compétences dans le domaine de la finance internationale, du commerce international et être un véritable homme de terrain. Il doit ainsi affronter des problèmes bien plus complexes, et variés que son collègue du « domestique ». Il doit donc avoir de solides bases dans de nombreux domaines dont :
– droit du commerce international ;
– techniques de paiement et de garanties internationales ;
– éléments de base du droit bancaire des pays concernés ;
– connaissance des différentes solutions de sécurisation des risques de paiement disponibles sur le marché (assurance-crédit, renseignement commercial, recouvrement de créances, crédit documentaire ou forfaitage, etc.) offertes sur les pays ciblés, ainsi que de leurs limites ;
– bonne connaissance des différentes cultures commerciales : on ne relance pas un client espagnol de la même façon qu’un débiteur allemand… ;
– sens de la diplomatie et du commercial ;
– maîtrise d’une ou plusieurs langues en plus de l’anglais.
Bref, la perle rare, qui fait qu’en France, malgré les efforts de l’AFDCC (Association française des directeurs de crédit et conseils), nous avons toujours quelques longueurs de retard en ce domaine par rapport à nos « petits » voisins tels les Néerlandais ou les Belges, plus rompus que nous à commercer avec l’étranger.