À l’international, les entreprises prennent de plus en plus de risques pour maintenir un niveau de chiffre d’affaires satisfaisant. Ceci impose d’être de plus en plus imaginatif en matière de recherches de solutions de sécurisation des opérations. Or les solutions classiques, assureurs-crédits, forfaiteurs, sont souvent de plus en plus aléatoires.
Il existe ainsi quelques pays pour lesquels il devient de plus en plus difficile de trouver des solutions de sécurisation du paiement des exportations : par exemple, selon un assureur-crédit, Afghanistan, Biélorussie, Érythrée, Iran, Corée du Nord, Libye, îles Marshall, Palestine, Sao Tome-et-Principe, Somalie, Soudan, Sud Soudan, Syrie, Yémen et Zimbabwe.
2.1 Le risque pays
Ce qui nous a le plus interpellé ces deux dernières années au cours de différentes missions de conseil ou de formation, c’est le fait que le risque pays soit quasiment totalement ignoré, même par les grandes entreprises, y compris lorsqu’elles sont actives à la grande exportation.
Or, le risque pays est le premier des risques que doit gérer une entreprise lorsqu’elle sort de ses frontières domestiques.
On l’évoque, pour avoir bonne conscience, mais bien souvent on passe outre pour des raisons d’objectifs commerciaux à atteindre. Les personnes interrogées citent d’ailleurs spontanément comme principal risque à l’international, le risque clients : le non-paiement (à 56 %) et la faillite (50 %). Lors de formations spécifiques export, quand on demande à des participants d’énumérer quelques-uns des risques pays, cela se limite le plus souvent au risque politique et au risque monétaire. Or l’appellation risque pays recouvre de très nombreux aspects.
Comme chacun le sait ou devrait le savoir, l’approche du risque client à l’international diffère fondamentalement de celle du risque client sur le marché domestique par le seul fait qu’elle est couplée avec le risque pays ou, pour être plus précis, les risques liés au pays dans lequel réside l’importateur (voir plus loin tableau en PDF « Check-list des risques à l’exportation »). Le risque pays prime sur le risque client : c’est un principe de base.
Les récents bouleversements dans des pays d’Afrique du Nord, du Proche et du Moyen-Orient ont définitivement consacré la primauté du risque pays sur le risque client.
Il faut absolument faire évoluer les mentalités, surtout dans les services commerciaux : le « bon » client, le client « historique » n’est plus depuis longtemps un gage de sécurité. Face à l’explosion des risques pays et à la montée de la crise financière, le relationnel n’est hélas plus qu’un mince verrou dans la sécurisation des opérations de commerce international, même s’il demeure un élément essentiel dans la relation commerciale.
Repère
Les différents aspects du risque pays
– Politique : émeute, révolution, instabilité, terrorisme, social, guerre.
– Économique.
– Fiscal : droits de douane, TVA autres taxes locales, etc.
–
Juridique : droit applicable, tribunaux compétents, barrières à
l’importation, documents exigés pour l’entrée des marchandises, etc.
– Protectionnisme : obligation de produire localement, obligation d’avoir recours à des sous-traitants locaux, etc.
– Culturel (langues, religions, do it and don’t).
–
Souverain (le fait du prince) : il a des conséquences telles que
séquestration des biens, annulation de créances, nationalisations,
expropriations, expulsions, rupture brutale des négociations, obligation
de laisser du matériel sur place, non-respect des engagements…
Repère
Qu’est ce qu’un pays à risques ?
Un pays cumulant les caractéristiques suivantes (liste non exhaustive) :
– instabilité politique, sociale, économique ;
– système bancaire fragile ;
– fortes contraintes légales, droit quasi inexistant ou archaïque, plus ou moins respecté ;
– forte corruption ;
– protectionnisme ;
– risques élevés de « fait du prince » ;
– forte exposition au risque de non-transfert.
Repère
Pays émergent, pays à risques ?
La définition de ce qu’est un pays émergent est on ne peut plus floue, différente selon les sources. Officiellement, « pays dont le PIB par habitant est inférieur à celui des pays développés, mais qui vit une croissance économique rapide, et dont le niveau de vie converge vers celui des pays développés » (source : Merril Lynch), en clair, sortis de l’état de PMA (pays moins avancé).
Le plus souvent, il s’agit de pays présentant les caractéristiques des pays à risques que nous avons détaillées plus haut : instabilité politique, corruption, lourdeurs administratives, insuffisance des réserves en devises fortes, etc. En fait, ce sont souvent les mêmes.
2.2 Le risque de non-transfert
Revenons sur un des risques les plus importants à l’international, le risque de non-transfert.
On peut avoir le client le plus solvable qui soit, si le pays est en situation de défaut de paiement, on peut raisonnablement s’attendre à un risque de non-transfert et, par suite, l’exportateur devra chercher la solution la plus sécurisée pour réaliser son opération.
C’est la situation qui se profile pour les pays du « printemps arabe », dont la chute des rentrées de devises liées à la baisse du tourisme et à la réduction des exportations laisse présager à court terme une insuffisance de réserves de devises fortes pour permettre de faire face au paiement des importations.
C’est un risque non seulement économique mais également purement politique : il peut y avoir en effet une forte volonté du pays de l’acheteur de ne pas s’acquitter de ses dettes en devises.
2.3 La boîte à outils du credit manager international
Le monde des affaires internationales est un monde en perpétuel changement. Il importe donc d’être en veille permanente, à l’affût des nouveaux textes et de nouvelles techniques.
Cela exige, de la part des opérateurs, et plus particulièrement des credit managers, ces cadres en charge de la gestion des crédits clients, des compétences multiples dans les domaines les plus variés :
– une parfaite maîtrise de l’utilisation des moyens de paiement et des sûretés à l’international ;
– une bonne connaissance des différentes offres de prestations disponibles pour maîtriser les risques sur les pays ciblés ainsi que des limites de ces prestations : banques, assurance-crédit, renseignement commercial, recouvrement de créances ;
– de bonnes bases en matière de droit des affaires à l’international.
Nous avons eu l’opportunité, de par nos fonctions de consultant et formateur, de rencontrer un nombre significatif d’entreprises au cours de ces dernières années. Or, nous avons malheureusement pu constater qu’une très faible minorité d’entre elles pratiquaient, par exemple, l’usage de la lettre de credit standby (plus communément appelée standby), sécurité de paiement bien plus légère à gérer que le crédit documentaire que nous étudions plus loin.
Bolero, un système électronique d’échange de documents liés aux opérations du commerce international, développé par la société du même nom basée à Londres, s’est révélé être un quasi échec après avoir été lancé en fanfare, au début des années 2000, dans l’objectif ambitieux de faire avancer un commerce international sécurisé mais sans papier. Peu d’entreprises en ont connaissance et les rares qui y font référence ne l’utilisent que pour la partie la plus en amont des crédits documentaires, soit la notification et les amendements. En fait, Bolero a été assimilé de façon réductrice au crédit documentaire électronique…
En matière de gestion du risque client dans les opérations de commerce international, plus encore que dans d’autres, les opérateurs doivent optimiser la gestion des risques en maîtrisant et utilisant les techniques mise à leur disposition par les banques, assureurs et autres prestataires de services de gestion du poste client, ou encore les organismes tels que la Chambre de commerce internationale (CCI) ou la Cnuced (Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement).