2.1 Les paramètres de choix essentiels
Pour la bonne rédaction des conditions de paiement, les deux parties ont recours à cinq paramètres, que l’on utilise automatiquement, sans y penser, comme M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir : le mode de paiement, la technique de paiement, la vitesse, le moment, et la monnaie/devise de paiement.
– Repère –
À chaque paramètre, différentes solutions
Avant d’en aborder les avantages et les inconvénients (voir plus loin), voici, paramètre par paramètre, les solutions possibles à l’export :
– Mode de paiement : espèces, chèques, effets de commerce, virements bancaires
– Technique de paiement : compensation (troc ou autre forme), encaissement non documentaire (hors circuit bancaire), encaissement documentaire (via le circuit bancaire)
– Vitesse : courrier, télex, virement Swift
– Moment : anticipé, à la livraison, différé (dans le cas d’un paiement différé, c’est-à-dire avec un délai, attention au fait générateur : toujours une date ou un fait précis qui ne peut être contesté par aucune des parties. Exemples, date de facture, date de connaissement, mais jamais réception de facture. Qui de nos jours reçoit une facture ? Une lettre recommandée, oui, à la rigueur)
– Monnaie/devise : monnaie du vendeur, monnaie de l’acheteur, devise tierce
2.2 Gérer le risque de change
Les objectifs d’une entreprise sont de produire et commercialiser un produit ou de réaliser des prestations de service.
Si elle travaille dans une monnaie autre que celle du pays où elle opère, en l’occurrence l’euro pour une française, donc une devise, elle est en risque de change. Et il est essentiel de se couvrir, soit via le système bancaire, qui propose des solutions assez standardisées (couvertures à terme, options de change), soit par une assurance risque de change (voir plus loin).
Les principes essentiels du risque de change sont les suivants :
– se couvrir le plus en amont possible, soit en principe dès l’offre ;
– penser à l’impact de modification de l’offre et ensuite du contrat (montant, durée) : modification, augmentation, prorogation… ;
– privilégier le change à terme lorsqu’on est une PME : il consiste en la fixation d’un cours de change aujourd’hui, auquel se dénouera l’opération, quelle que soit l’évolution de la devise ;
– éviter les options de change, plus complexes, plus onéreuses et plus risquées. Dans l’option de change, contrairement au change à terme, l’exportateur acquiert moyennant paiement d’une prime, le droit mais non l’obligation d’acheter ou de vendre pendant une période convenue une quantité définie de devises contre une autre monnaie à un cours convenu d’avance, profitant ainsi d’une évolution favorable de la devise.
Le conseil de Jean-Claude
Pour anticiper ce problème de risque de change, rapprochez-vous de vos banquiers habituels qui vous expliqueront les différentes solutions possibles. Et surtout, pensez-y en amont, au moment de la négociation du contrat et du prix avec votre client.
Avis d’expert CCIFE Inde (membre de CCI International)
Préparer son contrat
À propos d’un contrat, on entendra, en fonction des pays concernés, tout et son contraire. Entre « un contrat n’y a pas même la valeur du papier sur lequel il est écrit » et « le contrat y est aussi solide que du marbre et impossible de s’en dédier », on trouvera tous les cas de figure. Mais mieux vaut encore négocier en cas de difficulté avec un contrat solide qu’avec un contrat où les oublis et les lacunes seront trop importants.
– Faites-vous aider : pour ne pas oublier les fondamentaux spécifiques du pays dans lequel vous allez opérer.
– N’oubliez rien ! Conditions d’envoi, de prix, de retour, de mise en fonctionnement d’équipements, de tests, etc.
– Pensez au tribunal compétent et au droit qui s’appliquera en cas de litige.
– Inscrivez une clause de médiation et d’arbitrage pour éviter d’avoir à recourir immédiatement à une solution juridique, surtout quand le droit est lent ou incertain dans son application.
La Chambre de commerce internationale (ICC) a établi et fait régulièrement évaluer les normes de contrats à l’international. Ses modèles constituent ainsi une base de départ particulièrement solide qui peut ensuite être adaptée aux besoins et au cas spécifiques d’une entreprise.
Et puis on n’oubliera pas la validation locale avec des entrepreneurs ou des structures déjà implantées qui verront vite les failles ou les manques.
2.3 Choisir un mode de paiement
Le choix du mode et du délai de paiement est l’un des éléments clés de l’offre commerciale.
Une analyse succincte des avantages et inconvénients de chacun des modes de paiement permet très rapidement d’écarter certains d’entre eux, que l’on n’acceptera qu’à titre dérogatoire.
Comme on peut le voir dans le tableau comparatif ci-dessous en PDF, certains instruments de paiement sont à éviter pour différentes raisons :
– risques liés au maniement et cheminement des instruments « support papier » : chèques, effets de commerce. Les risques sont la perte, le vol, les possibles grèves dans les secteurs des différents intervenants ;
– risques liés à l’absence de sécurité juridique : chèques, effets de commerce, remise documentaire.
En dépit des observations ci-dessus, un certain nombre d’exportateurs prennent des risques inconsidérés en utilisant des modes de paiement non adaptés : chèques ou effets de commerce, ou encore remise documentaire. Cette dernière technique de paiement n’offre aucune sécurité, sauf pour l’acheteur, qui paie quand il en a envie.
Le conseil de Jean-Claude
Le choix du mode de paiement est essentiellement lié aux risques pays et aux risques clients auxquels le vendeur est confronté. Voici ceux que nous privilégions, que nous détaillerons dans les pages qui suivent, et ceux que nous déconseillons à l’international :
À privilégier
• Virement Swift + lettre de crédit standby.
• Crédit documentaire irrévocable et confirmé.
À éviter
• Crédoc irrévocable non confirmé.
• Chèque et effet de commerce (sauf chèque de banque ou traite avalisée par une banque de premier rang).
• Remise (ou encaissement) documentaire.
Le virement bancaire
La vie d’un virement se déroule en 3 étapes (voir schémas ci-dessous en PDF) :
– l’ordre de virement ;
– l’exécution ;
– la réception des fonds par le banquier du bénéficiaire.
L’envoi par un acheteur de la copie d’un ordre de virement ne garantit strictement rien au vendeur : un débiteur peut révoquer son ordre de virement tant que son compte n’est pas débité.
Pour les opérations à l’international, les banques disposent d’une technique adaptée aux contraintes des processus de règlement que ce soit à l’importation ou bien à l’exportation : le virement Swift.
Swift est une société coopérative de droit belge fondée en 1973, exploitant un réseau privé de télétransmission garantissant au virement les qualités suivantes : sécurité, rapidité, fiabilité. À fin juillet 2011, 209 pays sont connectés à ce réseau et près de 9 900 utilisateurs sont reliés, transmettant environ 17 millions de messages quotidiens.
Il est recommandé aux entreprises exportatrices de porter sur les factures proforma et commerciales les coordonnées Swift de leur banque afin de domicilier leurs opérations.
La remise (ou encaissement) documentaire
Comme on l’a dit plus haut, elle est à éviter car elle n’offre strictement aucune sécurité pour l’exportateur. En effet, il implique :
– pas d’engagement de payer de la part de la banque de l’acheteur, contrairement au crédit documentaire ;
– exposition au risque de non-transfert ;
– compte tenu du risque de corruption dans certains services douaniers, possibilité pour l’acheteur de retirer les marchandises sans les documents…
La seule garantie possible en cas de remise documentaire (si imposée par le client) : négocier une remise documentaire liée à la présentation d’une traite avalisée par une banque de premier rang.
Le crédit documentaire (ou crédoc)
Le crédit documentaire se différencie essentiellement avec la remise documentaire du fait de l’engagement irrévocable des banques.
– Repère –
Définition du crédoc
Il s’agit d’une opération par laquelle une banque dite « banque émettrice », s’engage à la demande de son client appelé « donneur d’ordres », à régler à un vendeur dit « bénéficiaire », un certain montant, à un terme convenu, avant une date déterminée, contre la remise de documents conformes prouvant la bonne exécution de la livraison ou des prestations.
Le crédit documentaire est transmis par une banque dite « notificatrice » qui n’est pas obligatoirement celle du bénéficiaire.
Par comparaison avec les autres moyens de paiement, à l’exception notable du virement Swift accompagné d’une lettre de crédit standby (voir plus loin), le crédoc est le seul garantissant à l’exportateur une certitude quasi totale de bonne fin d’encaissement, à condition bien entendu d’en respecter les règles. Pour optimiser la gestion des crédits documentaires, il importe d’être très directif et non passif et, par suite, d’inclure dans les contrats des instructions d’ouverture précises qui deviendront ainsi partie intégrante du contrat. Les instructions d’ouverture d’un crédit documentaire sont, à cet égard, une étape cruciale pour le vendeur.
Pour être encore plus efficace, le crédit documentaire peut être confirmé. La banque notificatrice ou une tierce banque (désignée de préférence par le bénéficiaire ou, par défaut, par la banque émettrice) apporte ainsi un double engagement. La confirmation est, de plus, en théorie, un paiement sans recours (Article 8 ii des RUU 600).
– Repère –
La confirmation
La confirmation garantit contre les risques de non- transfert, d’insolvabilité de la banque émettrice ainsi que contre le risque pays. Le plus souvent, elle est apportée dès l’ouverture du crédit documentaire. Mais parfois, elle peut être donnée a posteriori. On la qualifie alors de silencieuse, muette, à l’insu… Mais, dans ce cas, elle ne relève plus de l’application des RUU 600 de la CCI.
Le crédit documentaire est réglementé par les Règles et usances uniformes relatives aux crédits documentaires, publication 600 (RUU 600) de la Chambre de commerce internationale (CCI), entrées en vigueur le 1er juillet 2007.
Attention toutefois : quelques pays ont inséré dans leur Code de commerce un certain nombre d’articles traitant du crédit documentaire (Égypte, Tunisie, Russie, par exemple). Si certains de ces pays font référence au RUU de la CCI dans les articles en question, d’autres non (voir déroulé du crédit documentaire ci-dessous en PDF).
Le conseil de Jean-Claude
Voici les règles d’or de la bonne gestion des crédits documentaires.
1/ Rédiger des instructions d’ouverture précises :
• délais nécessaires à compter de la date de notification ;
• documents acceptés pour présentation : éviter l’inflation des documents ;
• répartition des coûts.
2/ Essayer de « loger » le crédit documentaire dans sa banque ou l’une de ses banques.
3/ À la notification du crédoc, vérifier sa conformité aux instructions d’ouverture, au contrat commercial. Demander
sans délai les amendements justifiés.
4/ Soigner l’élaboration et la collecte des documents prévus.
5/ Checker les documents avant la remise en banque.
Nous avons évoqué ci-dessus « l’inflation des documents ». Cela mérite une explication. Il est en effet impératif de lister précisément les documents que l’exportateur acceptera de fournir et de s’en tenir aux essentiels :
– facture commerciale (conforme aux obligations légales locales du pays de l’importateur) ;
– documents liés à l’Incoterm stipulé dans le contrat ;
– documents exigés à l’importation dans le pays de l’acheteur ;
– documents spécifiques au secteur d’activité des deux entreprises.
Et c’est tout en matière de documentation ! Le risque de fournir des documents non conformes à ce qui est prévu est déjà assez grand sans vouloir l’aggraver en acceptant de fournir une multitude d’autres documents.
Attention aux réserves !
Depuis quelques années et plus particulièrement ces derniers mois, on constate une « explosion » des réserves soulevées par les banques lors d’opérations par crédits documentaires et ceci est particulièrement préoccupant.
– Repère –
Les réserves, définition et conséquences
Qu’est-ce qu’une réserve ? Une irrégularité.
Exemples :
– réserves majeures : non-respect des RUU 600 de la CCI ;
– réserves locales : réserves non fondées selon les critères d’examen des documents de la CCI ;
Qu’implique une réserve ? D’éventuels retards de paiement.
Pourquoi autant de réserves soulevées par les banques ?
On peut avancer différentes hypothèses :
– manque de formation et d’information dans les entreprises comme dans certaines banques parfois débordées par le nombre élevé de crédits à traiter. Nous considérons les banques au niveau mondial, et non uniquement en France… ;
– souci des banquiers de protéger leurs clients donneurs d’ordres ;
– interprétation erronée des documents ;
– rejet des documents par culture, car cela correspond à une pratique locale. Ainsi, certains pays cherchent systématiquement l’irrégularité et font même tout pour la créer… ;
– incohérences dans les documents. Exemple : l’Incoterm EXW (départ usine) est stipulé dans le contrat mais on présente un connaissement ou encore, récemment vu au Pakistan, emploi de l’Incoterm FOB avion (FOB, franco à bord, étant un Incoterm maritime…). (Voir aussi Étape 6 « Préparer l’expédition ».)
L’incohérence entre les documents est souvent générée par les différents contrats qu’implique le crédit documentaire :
– contrat commercial entre le vendeur et l’acheteur ;
– contrat financier entre l’acheteur et son banquier (banque émettrice du crédoc) ;
– contrat juridique entre toutes les parties (RUU 600 de la CCI) ;
– contrat de transport selon l’Incoterm retenu ;
– contrat d’assurance selon l’Incoterm retenu.
Soit au total, 5 contrats en 1.
En dehors des risques de réserves, deux grands principes du crédit documentaire sont sources de litige entre vendeur et acheteur et entre acheteur et banque émettrice, voire aussi source de fraude :
– l’autonomie du crédit documentaire par rapport au contrat commercial (art. 4 des RUU 600). Ceci implique que le paiement s’effectuera ou pas sans tenir compte du contrat commercial lui-même ;
– la primauté des documents sur les marchandises et les services (art. 5 et 34) : autrement dit, le banquier se contentera de vérifier la conformité des documents, il n’ira pas sur place vérifier si la marchandise est bien arrivée, en bon état…
Le conseil de Jean-Claude
Entre les risques de réserves et les risques de litiges, il est essentiel, pour l’exportateur/vendeur, de se doter d’outils de gestion efficaces. On ne le répétera jamais assez : en matière de crédit documentaire, il faut être très directif.