Quand on vient de se mettre d’accord avec un vendeur « sur la chose et sur le prix », sur le moyen de paiement, sur la garantie, sur la loi applicable (voir étapes précédentes) il ne reste, en général, plus qu’un point à régler : le transport.
Qui va s’en occuper, qui va payer, qui va supporter le risque pendant le transport ?
Un certain nombre de questions qui, si elles ne sont pas réglées avant la signature du contrat, vont être source de nombreux problèmes après.
Alors, comment faire ?
Importer, c’est faire venir de la marchandise d’un autre pays, c’est tout. On a besoin de s’organiser, mais comme on le ferait s’il fallait faire venir de la marchandise de l’autre bout de la France. Sauf que ce n’est pas la France et qu’il faut faire les choses un peu différemment, s’occuper des Incoterms par exemple.
Se pencher sur les règles Incoterms 2010 de la Chambre de commerce internationale (CCI-ICC, International Chamber of Commerce), en vigueur depuis le 1er janvier 2011, et trouver son bonheur.
De même, on ne sait pas tout faire, concevoir, fabriquer vendre ses produits ça va, mais organiser le transport, on ne sait pas. Alors, il faut faire appel à ceux qui savent, ce sont les organisateurs commissionnaires de transport (OCT), ceux qu’on appelle les commissionnaires (ou les transitaires). Ce sont des professionnels, avec un devoir de conseil, qui sauront vous apporter toutes les informations souhaitables et vous aider à rendre le meilleur service à votre client.
Encore faut-il que la marchandise puisse voyager sans dommages. On n’expédie pas un colis de New York à Shanghai comme on l’envoie de Paris à Montpellier, il faut le préparer, « l’emballer » pour le transport.
Enfin, quand on importe de la marchandise, il faut bien que l’État français le sache, pour faire ses statistiques et pour percevoir les éventuels droits taxes ainsi que la TVA.
1.1 Qu’est-ce qu’une règle Incoterms 2010 ?
Caractéristiques
Définies par la CCI, les règles Incoterms 2010 (qui ont succédé à une précédente version datant de 2000, les règles Incoterms 2000) sont des règles pour l’utilisation des termes de commerce nationaux et internationaux.
Incoterms signifie International Commercial Terms. Vous savez, les FOB, rendu, franco, tous ces termes qu’on utilise sans savoir exactement toujours ce qu’ils représentent…
Pour s’informer, il suffit de lire le document officiel de la CCI ou les ouvrages de vulgarisation comme en produit Le Moci (voir les publications de références à la fin de cette étape).
Ces règles permettent à l’acheteur et au vendeur de définir qui des deux s’occupera de l’organisation du transport international, de la douane export, de la douane import, du chargement, du déchargement de la marchandise, des documents et informations à fournir.
Définitions
Les règles Incoterms 2010 sont au nombre de 11 et vont de EXW (sortie d’usine) où le vendeur n’a rien à faire qu’à fabriquer et mettre sur son quai, jusqu’à DDP (rendu droits acquittés) où c’est l’acheteur qui n’a rien à faire qu’à attendre la réception de la marchandise et payer.
Il y a des règles pour tous les modes de transport, dites multimodales et des règles spécifiques au transport maritime ou par voies fluviales.
Les règles pour tous les modes sont :
EXW…, Ex Works…, sortie usine…
FCA…, Free Carrier…, franco transporteur…
CPT…, Carriage Paid To…, port payé jusqu’à…
CIP…, Carriage and Insurance Paid to…, port payé, assurance comprise jusqu’à…
DAT…, Delivered At Terminal…, rendu au terminal…
DAP…, Delivered At Place…, rendu au lieu de destination…
DDP…, Delivered Duty Paid…, rendu droits acquittés…
Les règles pour le transport maritime et fluvial :
FAS…, Free Alongside Ship…, franco le long du navire…
FOB…, Free On Bord…, franco à bord…
CFR…, Cost and Freight…, coût et fret…
CIF…, Cost Insurance and Freight…, coût, assurance et fret…
Important ! Les trois points derrière les sigles signifient que l’on doit déterminer le lieu exact, précis où s’appliquera cette règle.
Voyons maintenant quels sont les critères de choix d’une règle Incoterms. Avant de pouvoir bénéficier d’une organisation logistique mondiale qui vous permettra d’aller chercher vos approvisionnements partout dans le monde et de livrer vos clients aux quatre coins de la planète, il faudra faire des choix.
Trois critères de choix nous paraissent importants :
– critère de choix n° 1 : la maîtrise que l’on veut avoir sur ses achats ;
– critère de choix n° 2 : le risque sur la marchandise que l’on peut supporter et comment ;
– critère de choix n° 3 : le choix de la règle Incoterms et le paiement de sa marchandise.
Repère
Un exemple
Si vous voulez commander une palette de ce document, oh combien précieux, qu’est le « Guide Moci des Incoterms 2010 » ou ce « Guide import en 10 étapes » et que vous voulez venir le chercher à Paris, à charge pour le Moci de le dédouaner à l’exportation, il faudra passer une commande en précisant, sous la mention Règles Incoterms de votre commande : « FCA, franco transporteur, 11 rue de Milan, 75008 Paris, France »
Il vous appartiendra de demander à votre commissionnaire de transport de venir chercher la palette à l’adresse indiquée, elle sera prête à l’exportation et Le Moci la chargera dans le camion envoyé par votre commissionnaire de transport.
1.2 Critère de choix n° 1 : maîtrise de ses achats et règles Incoterms 2010
Il s’agit de considérer ici dans quelle mesure l’emploi d’une règle Incoterms 2010 peut jouer ou non sur la maîtrise que l’on veut/peut avoir sur ses achats.
En d’autres termes, gérer ses approvisionnements (on dit « appros » dans le jargon) en donnant au service appros plus de visibilité, plus de moyens pour agir le plus en amont possible d’un flux d’approvisionnement ou, au contraire, en le laissant passif, attendant que la marchandise arrive, ou pas.
Quand on est acheteur, disposer de la marchandise seulement quand elle arrive sur le quai de son usine sous-entend une moins grande liberté d’action que d’aller chercher cette même marchandise sur le quai de l’usine de son fournisseur. Cela suppose que l’acheteur, s’il veut gérer ses approvisionnements, dominer ses flux, va devoir aller chercher cette marchandise sur le quai de son fournisseur.
Mais ce sens de la gestion de ses approvisionnements a des limites. En effet, il y a des risques à sortir de ce que nous appelons sa zone de compétences.
La zone de compétences
Lorsque vous vous adressez à un commissionnaire de transport, il va, souvent, vous dire qu’il peut aller chercher de la marchandise partout dans le monde, depuis les endroits les plus reculés du plus vaste pays. C’est souvent vrai, mais là n’est pas le problème.
Si vous vous adressez à un commissionnaire, il va vous facturer ses prestations. Bien entendu, vous paierez, mais vous devez vérifier sa facture. Là est le vrai problème. Or, comment savoir si le montant qu’il vous facture pour le transport en Chine, pour un transport de pré-acheminement, c’est-à-dire entre le fournisseur et le port ou l’aéroport, entre la ville de Yueyang, dans la province du Hunan, et le port international de Shanghai est correct ?
À part lire sur un atlas qu’il y a un peu moins de 1 000 km à vol d’oiseau, que savez-vous de l’infrastructure routière, des règles de conduite, des véhicules utilisés, des prix au km pratiqués, du temps nécessaire ? Rien.
Comment pourrez-vous contrôler la facture et le délai ? Vous ne pourrez pas ! C’est ce que nous appelons la limite de compétences.
Tous les aéroports internationaux et tous les ports internationaux au monde se ressemblent. Des quais, des pistes, des tours de contrôle ou des capitaineries, des manutentionnaires, des entrepôts, des douaniers, des bureaux de commissionnaires de transport et on parle anglais, au moins dans les bureaux des commissionnaires.
Depuis les ports ou aéroports internationaux, je suis capable, à peu près, de contrôler une prestation, son coût et la durée de sa réalisation. C’est là qu’est la limite de mes compétences. Le point à partir duquel je sais pouvoir contrôler la prestation de mon commissionnaire. Et avouez que gérer mes approvisionnements à partir de Shanghai est un peu plus efficace que d’attendre passivement qu’on me livre, ou qu’on ne me livre pas.
Le choix de la règle Incoterms
Alors, quelle règle Incoterms 2010 négocier avec mon fournisseur ?
– CPT (Carriage Paid To…, port payé jusqu’à) et CIP (Carriage and Insurance Paid to…, port payé, assurance comprise jusqu’à…) sont deux règles pour lesquelles le point de « livraison » est dans le pays de départ et le vendeur organise le transport jusqu’au pays de destination.
Donc, en CPT et CIP, la marchandise sera « livrée » dans le pays de départ, le vendeur aura organisé le transport jusqu’au pays de destination et vous supporterez le risque sur la marchandise depuis le point de livraison, dans le pays de départ.
De plus le vendeur est responsable de la conclusion du contrat de transport, pas de sa bonne réalisation. Autrement dit, si votre marchandise arrive à Gènes, Italie au lieu d’arriver au Havre, VOUS devrez organiser et payer le transport de Gènes à chez vous. Que les éventuels sceptiques se penchent sur le troisième paragraphe des notes conseils de CPT et CIP dans le livre de la Chambre de commerce internationale.
Pas très clair, pas très simple et, surtout, pas d’avantages pour le vendeur ni pour l’acheteur.
Si on fait les choses, autant les faire complètement.
– « FCA, Free Carrier… Franco transporteur…, rendu au quai de votre commissionnaire de transport, port international ou aéroport international de Shanghai, marchandise mise à disposition, prête à être déchargée ».
C’est parfait. Ne pas oublier d’indiquer l’adresse précise, nom du commissionnaire, rue, n° de WH (warehouse, entrepôt), nom du correspondant, n° de téléphone mobile…
Le conseil de Michel
Dans tous les cas, quand on importe, il faut éviter EXW (EX Works…, sortie usine…) qui vous oblige à dédouaner à l’exportation dans le pays de votre fournisseur. Ne jamais faire cela dans un pays qui n’est pas le vôtre.
Évitez également un FCA chez votre fournisseur qui vous obligerait à pré-acheminer, voir page précédente le paragraphe « Zone de compétences ».
1.3 Critère de choix n° 2 : risque et règles Incoterms 2010
Même si les transports internationaux sont, tout bien considéré, assez sûrs, le risque de perte ou dommage demeure et s’en préserver peut s’avérer utile.
La question de la prise en charge du risque
Les règles Incoterms 2010 sont, comme les précédentes (règles Incoterms 2000), très claires sur le sujet du risque :
– sur les 11 règles, seules 3 mettent le risque sur le vendeur : DAT, DAP et DDP ;
– toutes les autres font supporter le risque sur l’acheteur : EXW, FCA, CPT, CIP pour les multimodales et FAS, FOB, CFR et CIF pour les maritimes.
Souvent confondue avec le support du risque, le coût de l’assurance n’est défini que dans deux règles : CIP en multimodal et CIF en maritime. Avec ces règles, le vendeur prend une assurance pour le compte de l’acheteur. Bien évidemment, le vendeur ne va prendre qu’une assurance minimale, sauf si l’acheteur lui demande une assurance complémentaire.
Mais alors, quel est l’intérêt pour l’acheteur de se faire assurer par le vendeur ? Sauf dans des cas très particuliers, où, par exemple, l’acheteur sait que l’assurance du vendeur est très bonne et qu’il veut en profiter, il n’y en a pas.
Supporter le risque sur la marchandise pendant le transport n’est pas forcément un problème et, si l’on veut gérer ses approvisionnements, il faut savoir le prendre, ce risque. En fonction de la valeur de la marchandise concernée et de sa sinistralité (les dossiers d’assurance qu’on a déjà eus à traiter), un courtier ou un agent d’assurances pourront vous faire des propositions de couverture et d’assistance au traitement des dossiers. Ces acteurs sont bien entendu à mettre en concurrence comme les autres.
Et avouez que gérer ses appros depuis Shanghai en supportant le risque depuis Shanghai (FCA port/aéroport international de Shanghai) est tout de même plus efficace que d’attendre passivement que sa marchandise soit livrée, ou pas !
Le choix de la règle Incoterms
Si l’on conserve l’exemple du fournisseur de Yueyang, on peut choisir « FCA, Free Carrier… Franco transporteur …, rendu au quai de votre commissionnaire de transport, port international ou aéroport international de Shanghai, marchandise mise à disposition, prête à être déchargée ». Bien sûr, ne pas oublier d’indiquer l’adresse précise, nom du commissionnaire, rue, n° de WH (warehouse, entrepôt), nom du correspondant, n° de téléphone mobile…
1.4 Critère de choix n° 3 : paiement et règles Incoterms 2010
En commerce international, il est fréquent que le paiement se fasse grâce à un outil très pratique, le crédit documentaire (crédoc).
Le problème de la récupération des documents
Ce qui est alors important quand on est acheteur et que l’on veut conserver de bonnes relations avec son fournisseur, c’est de veiller à ce que les documents à produire par le vendeur soient « récupérés » par ce dernier en fonction des Règles Incoterms 2010.
Ce n’est pas toujours le cas (voir ci-après).
Important !
– Les documents CMR, B/L ou LTA, ne pourront être fournis au vendeur que si la règle Incoterms 2010 choisie est CPT, CIP, DAT, DAP, DDU en multimodal ou CFR, ou CIF en maritime.
– En EXW et FCA, le vendeur « livre » la marchandise avant l’établissement du document de transport. Le commissionnaire de transport à qui la marchandise est livrée travaille pour l’acheteur et n’a pas de consignes, ni d’intérêt, à fournir le document de transport au vendeur.
– En maritime, conventionnel ou vrac, la règle Incoterms 2010 FAS ne permet pas au vendeur de produire un B/L. Seules les règles CFR et le CIF le lui permettent.
– Le FOB permet d’obtenir un B/L « à bord », souvent suffisant, à vérifier sur le crédoc ; la mention « Received for shipment » ne sera acceptée que si c’est « expressément » défini dans le crédoc.
– Enfin, rappelons que les règles Incoterms 2010 maritimes, comme les précédentes, ne s’appliquent pas pour les envois conteneurisés pour la toute bête raison que, dans ce cas, la marchandise est « livrée » lors de la mise en conteneur. La mise en conteneur, conteneurisation, peut avoir lieu chez l’expéditeur, conteneur complet, ou chez le commissionnaire de transport, dans sa « CSF » (Container Freight Station), sa station de mise en conteneur, d’empotage et de dépotage. La mise en conteneur n’a jamais lieu au port. Même si la CFS est dans le port, elle est dans les locaux, et sous la responsabilité, du commissionnaire.
Même s’il y a une certaine logique à considérer que le lieu de « paiement » doit coïncider avec les lieux de transfert de frais et risques, force est de constater qu’en transport conteneurisé (largement majoritaire dans le monde pour les marchandises générales) les règles FAS, FOB, CFR et CIF ne s’appliquant pas, les EXW et FCA ne permettent pas au vendeur de récupérer un document de transport facilement.
Il est donc important, primordial et non négociable que tout acheteur qui veut mettre en place de bonnes relations avec son fournisseur organise l’envoi du document de transport par son commissionnaire à son fournisseur, pour que celui-ci soit normalement payé de sa prestation.
Dans la pratique, il faut admettre que les choses se passent avec plus de facilité qu’une application stricte des écrits pourrait le laisser craindre. Que l’on soit vendeur ou acheteur, la banque reste un bon conseiller qu’il ne faut jamais redouter de consulter.
Le choix de la règle Incoterms
– CPT et CIP sont possibles, mais, voir plus haut, pas conseillées.
– Mieux vaut opter pour « FCA, Free Carrier… Franco transporteur…, rendu au quai de votre commissionnaire de transport, port international ou aéroport international de Shanghai, marchandise mise à disposition, prête à être déchargée ».
Ne pas oublier d’indiquer l’adresse précise, nom du commissionnaire, rue, n° de WH (warehouse, entrepôt), nom du correspondant, n° de téléphone mobile…
Check-list des points essentiels
Quand je négocie avec mon fournisseur les conditions de livraison et de paiement qui figureront dans mon contrat de vente :
– bien définir la règle Incoterms 2010 à appliquer, quel est le niveau de maîtrise de mes approvisionnements que je veux donner à mon service appros ;
– bien déterminer le lieu d’application de la règle Incoterms 2010, l’adresse précise ;
– si j’utilise le crédoc comme moyen de paiement, bien le vérifier. Comment faire pour que mon fournisseur récupère facilement les documents demandés ?
– se poser la question de la couverture assurance de sa marchandise : faut-il l’assurer ou est-ce que je fais de l’auto-assurance ?