« Les principaux obstacles sont levés. Nous avons un accord politique ». La nouvelle tombe le 4 août dernier à Bruxelles et fait suite à un coup de téléphone entre Cecilia Malmström, la commissaire européenne au Commerce, et son homologue vietnamien Vu Huy Tranh. Entamées en octobre 2012, les négociations pour un accord de libre-échange bilatéral sont donc quasiment bouclées même si le traité n’est pas encore officiellement finalisé.
Les équipes de négociateurs doivent encore travailler pour lever les derniers obstacles techniques et finaliser le texte au niveau juridique. Un processus qui reprendra après la pause estivale et devrait aboutir d’ici quelques mois, « certainement avant la fin de l’année », indique-t-on à la Commission européenne. Une fois cette étape franchie, l’accord devra ensuite être approuvé, côté européen, par le Conseil, l’organe de représentation des États membres à Bruxelles, et par le Parlement européen.
Plus de 99 % des barrières tarifaires seront levées
Aux termes de l’accord, plus de 99 % des barrières tarifaires sur les biens échangés seront levés, soit immédiatement, soit après une période pouvant aller jusqu’à sept ans après sa mise en œuvre. « Plus de 31 millions d’emplois dans l’UE dépendent des exportations, c’est pourquoi le fait d’obtenir un accès plus facile à un marché en croissance et qui se développe rapidement, comme le Vietnam avec ses 90 millions de consommateurs, est une très bonne nouvelle », s’est félicitée la commissaire au Commerce.
Les droits de douane sur les vins et spiritueux européens, par exemple, seront éliminés après sept ans. La levée de ces barrières tarifaires sera immédiate pour la totalité des exportations européennes de textile, pour une partie des exportations de machines et d’appareils (le reste après cinq ans), et pour environ 50 % des exportations de médicaments (le reste après sept ans). Même chose pour 70 % des exportations de produits chimiques, les 30 % restants devront attendre trois, cinq et sept ans. Le Vietnam ouvrira également son marché à la majeure partie des produits alimentaires européens, primaires et transformés, comme le bœuf (après trois ans), la viande de porc congelée (après sept ans) ou le poulet (après dix ans).
Les industriels européens de la chaussure et du textile se réjouissent
L’UE éliminera aussi ses propres barrières tarifaires, notamment sur les produits textiles et les chaussures produites au Vietnam. Une nouvelle qui réjouit déjà certaines entreprises européennes, bien implantées dans le pays et disposant d’unités de production réservées dans des usines détenues par l’État. « L’élimination des 12 % de droits de douanes imposés actuellement devraient inciter de nouvelles marques, qui travaillent aujourd’hui essentiellement avec la Chine, à se tourner vers ce marché », se réjouit Roy Perelgut, responsable des TIC et de la logistique au sein de l’entreprise belge Textyle International.
Cette compagnie – qui produit déjà 1,5 million de vestes au Vietnam pour des marques européennes – espère attirer de nouveaux clients dès la mise en œuvre de l’accord. « En diversifiant les sites de productions, ils pourront aussi limiter les risques liés à l’incertitude et au manque de transparence sur certains marchés », explique ce fin connaisseur du continent asiatique. Et les négociateurs européens ont bien veillé à ce que la levée des barrières tarifaires ne profitent pas aux produits chinois. Un système strict de règles d’origine « devrait empêcher que le Vietnam ne serve de cheval de Troie à la Chine pour écouler ses produits textiles sur le marché européen », précise un fonctionnaire de la DG Commerce à Bruxelles.
Vers une réduction des barrières non tarifaires
Outre l’élimination de la quasi totalité des droits de douane, l’accord conclu permettra aussi la réduction des barrières non-tarifaires. Les chapitres relatifs aux « obstacles techniques au commerce » et aux « mesures sanitaires et phytosanitaires », devraient « faciliter et fluidifier les échanges entre les deux blocs », explique-t-on à la Commission. Dans le secteur automobile, par exemple, le certificat de conformité européen bénéficiera d’une reconnaissance au Vietnam, cinq ans après la mise en œuvre de l’accord. Autre avancée mise en avant à Bruxelles : la reconnaissance – pour la première fois dans ce type de négociation – du marquage d’origine « Made in the EU », pour les produits non-agricoles, à l’exception des produits pharmaceutiques. Les Indications géographiques (IG) seront elles aussi protégées. Côté européen elles incluent 169 aliments et boissons tels que le champagne, le vin de la Rioja ou le Roquefort.
« L’accord ne concerne pas seulement les biens, mais aussi les services, les investissements et l’accès aux marchés publics », a insisté Cecilia Malmström lors de sa conférence de presse le 4 août dernier (notre photo). Les services financiers, les services postaux, les télécommunications ou les transports seront largement libéralisés « laissant aux opérateurs européens un accès privilégié au marché vietnamien », précise un communiqué de la Commission. Le traité de libre-échange permettra également aux entreprises européennes de répondre aux appels d’offre publics lancés par les autorités vietnamiennes. Les Européens pourront ainsi participer à la construction d’infrastructures majeures, comme les routes ou les ports, mais aussi collaborer avec des entreprises d’États, chargées de gérer l’électricité, les chemins de fer ou les hôpitaux publics.
La protection des droits de propriété intellectuelle (DPI) sera elle aussi renforcée. Elle bénéficiera notamment au secteur pharmaceutique de l’UE − dont les produits comptent pour 9 % du total des biens exportés vers le Vietnam. L’investissement devrait également être mieux protégé une fois l’accord mis en œuvre. Par ailleurs, les Vietnamiens ont accepté de « libéraliser davantage l’investissement dans certains secteurs clés comme les produits alimentaires et boissons, les engrais, les céramiques, les pneumatiques et chambres à air, les produits plastiques et les matériaux de construction », se félicite la Commission à Bruxelles.
Pour les négociateurs européens, cet accord pourrait servir d’exemple à d’autres traités en cours de négociations. « Il instaure un nouveau modèle, plus moderne et plus complet, pour les accords de libre-échange entre l’UE et les pays en développement. Il établit également un bon standard de relation commerciale entre l’UE et le Sud-Est de l’Asie d’une manière générale », a insisté Cecilia Malmström. Après la conclusion d’un accord de libre échange avec Singapour en 2012, des pourparlers bilatéraux sont toujours en cours avec le Thaïlande et la Malaise. L’UE espère aussi conclure un accord de libre-échange de bloc à bloc avec l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE/ASEAN pour le sigle anglais), dont le Vietnam fait partie. Des discussions ont été relancées à cet effet au printemps avec un nouveau rendez-vous pour faire le point d’ici la fin de l’année.
Kattalin Landaburu à Bruxelles
Pour en savoir plus :
– Document mis en ligne par la Commission européenne sur les détails de l’accord : http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2015/august/tradoc_153674.pdf
– Page dédiée aux relations commerciales UE/Vietnam : http://ec.europa.eu/trade/policy/countries-and-regions/countries/vietnam/