Est-ce que l’Union européenne (UE) peut adopter une position de fermeté à la fois avec les États-Unis et la Chine, tout en trouvant une solution de sortie de crise ? Une semaine après le Sommet UE-Chine, le 16 juillet à Pékin, Jean-Claude Juncker, qui préside la Commission européenne, rencontrera, le 25 juillet à Washington, Donald Trump pour un rendez-vous qui s’annonce périlleux.
En effet, convaincre le chef d’État américain de revenir sur ses mesures unilatérales à l’encontre des 28 (taxes sur l’acier et l’aluminium) et de ne pas taxer l’automobile européenne pour privilégier une réforme de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) paraît à première vue illusoire.
Washington et Bruxelles divergent sur l’OMC
Contestée par la Chine, la première puissance économique mondiale semble vouloir en finir avec l’OMC, une organisation à l’ombre de laquelle l’ex-Empire du Milieu s’est épanoui en utilisant des moyens déloyaux (subventions d’État, transferts de technologie forcés…). Quitte à en recréer une autre ensuite.
Si, sur le fonds, Washington et Bruxelles s’accordent pour lutter contre la concurrence déloyale de Pékin – les deux capitales ont engagé, à cet égard, un dialogue, associant également Tokyo – les Européens ne sont pas prêts à en finir avec l’OMC. La réformer certes, mais pas plus, ce dont ne veut pas entendre parler Washington, qui bloque notamment le fonctionnement de l’Organe de règlement des différents (ORD), en ne permettant pas le renouvellement des juges.
Même si la Chine n’a pas obtenu le statut d’économie de marché, le système multilatéral demeure pour elle la meilleure des protections, à l’heure où les États-Unis menacent de la taxer sur 500 milliards de ses exportations outre-Atlantique.
C’est pourquoi, lors du Sommet avec l’UE, la Chine a accepté de constituer un groupe de travail commun sur la modernisation de l’OMC et d’aborder les thèmes sensibles pour les Européens de la concurrence déloyale chinoise. L’ex-Empire du Milieu est un partenaire commercial majeur de l’Union européenne. Il est son premier fournisseur et son deuxième client après les États-Unis. Et c’est pourquoi il paraît illusoire et dangereux, dit-on côté européen, que Jean-Claude Juncker suive les États-Unis dans sa volonté de tuer l’OMC.
La possibilité d’un accord de libre-échange
Outre la réforme de l’institution internationale que Bruxelles est prête à entamer avec Washington, les Européens avaient proposé, lors du Sommet UE-Balkan occidentaux, à Sofia le 17 mai, de négocier un accord tarifaire global dans l’industrie et sur les marchés publics. Mais c’était avant que les taxes américaines sur l’acier et l’aluminium soient appliquées.
Deux options circulent aujourd’hui : un accord bilatéral de libre-échange est toujours une possibilité ; et un accord sur l’automobile, nouvelle cible du courroux de Donald Trump, mais qui nécessiterait de réunir tous les pays intéressés, ce qui paraît difficile.
Dans ces conditions, comment convaincre les Américains de revenir en arrière et d’éviter un bras de fer, passant par des mesures de rétorsion et une surenchère comme avec la Chine ? Sur l’automobile, Washington a lancé une enquête d’impact sur les entrées sur le marché domestique. De son côté, Bruxelles est en train de dresser une nouvelle liste de produits américains qui seraient taxés sur le marché communautaire.
L’automobile, menace pour l’Allemagne
Côté européen, on assure que les mesures restrictives américaines sont le seul fait de Donald Trump et de son conseiller au Commerce, Peter Navarro. Et que Donald Trump s’appuie sur la section 232 de la loi sur le commerce de 1962, car elle donne toute latitude au président américain pour préserver la sécurité nationale sans passer par le Congrès.
A Bruxelles, on affirme aussi que les 28 États membres sont unis. Même si sur le dossier automobile Angela Merkel s’est dite « prête » à envisager une baisse généralisée des taxes sur l’automobile, impliquant tous les pays, elle a rappelé que la position commune européenne serait exposée lors de la visite de Jean-Claude Juncker.
L’Allemagne est évidemment la plus intéressée. Sur les 50 milliards d’exportations automobiles européennes aux États-Unis, 30 milliards sont effectuées par la première puissance économique de l’UE (seulement 200 millions par la France).
Ce que soulignera aussi Jean-Claude Juncker auprès Donald Trump est que les Etats-Unis n’ont aucun intérêt à fermer leur marché automobile. L’UE, principalement l’Allemagne, représente 16 % de la production aux États-Unis. Et, sur les 1,8 million de véhicules européens qui y sont ainsi fabriqués, 60 % sont exportés. Selon l’alliance des constructeurs américains et étrangers, qui a publié une lettre ouverte, l’introduction aux États-Unis de droits de douane pourrait provoquer une hausse des prix des véhicules de l’ordre de 5 800 dollars par unité.
François Pargny
Pour prolonger :
–États-Unis / Chine : une guerre commerciale en trois temps (analyse)