Avec 51,9 % des voix, le Brexit l’a donc emporté sur le Remain le 23 juin, lors du référendum organisé au Royaume-Uni sur le maintien du pays dans l’Union européenne (UE). Le Premier ministre David Cameron, démissionnaire, va être remplacé par un autre membre du parti conservateur qui devrait rapidement invoquer l’article 50 du traité européen de Lisbonne précisant les conditions de sortie de l’UE d’un État membre. Le retrait du Royaume-Uni de l’UE doit aboutir dans les deux ans.
Le cinquième importateur mondial
Confrontés à ce qui constitue une première dans l’histoire de la construction européenne, la sortie d’un État membre qui a adhéré en 1973 en même temps que l’Irlande et le Danemark, les exportateurs et les investisseurs du monde entier ont des raisons de s’inquiéter. Le Royaume-Uni est le cinquième importateur de biens de la planète. L’an dernier, ses achats à l’étranger ont encore battu un record à 569,4 milliards d’euros, après 492,5 milliards en 2013 et 524,5 milliards en 2014.
Pour la France en particulier, c’est son cinquième marché extérieur, avec des exportations de 35,55 milliards en 2015 (10,2 milliards entre janvier et avril 2016). D’après la base de données GTA (groupe IHS), l’Hexagone était le cinquième fournisseur outre-manche, avec des importations britanniques supérieures à 35 milliards d’euros, correspondant à une part de marché pour la France de 6,16 %. Dans plus d’un domaine, les entrepreneurs français peuvent s’interroger, qu’il s’agisse de l’automobile, premier poste d’exportation avec près de 4 milliards en 2015, ou de la pharmacie, avec 1,66 milliard de vente.
Un accord de libre-échange à négocier
Dans une étude publiée avant le vote du 23 juin, The Economist Intelligence Unit indiquait clairement que des barrières douanières avec les États membres « pouvaient peser sur la demande étrangère ». D’un autre côté, la Confederation of British Industry (CBI) rappelait que l’Union européenne absorbait « 56 % des exportations pharmaceutiques britanniques, soit un total d’environ 35 milliards de livres ». D’après The Economist Intelligence Unit, « les exportations pharmaceutiques, l’accès aux médicaments et les aides à la recherche pouvaient courir un risque en cas de départ du Royaume-Uni de l’UE ».
Les auteurs de l’étude estiment que dès 2017 -donc très rapidement-, les Britanniques et les Européens commenceront à négocier un accord de libre-échange (ALE). Mais, parallèlement, avec la baisse inévitable d’une livre sterling surévaluée, les prix des importations, et donc l’inflation, vont augmenter. La croissance ne devrait pas ainsi dépasser 1 % et ce n’est qu’à partir de 2020 que partant d’un niveau bas elle se redresserait. En 2017, les ventes de véhicules risquent de tomber et les constructeurs devraient revoir à la baisse leurs plans d’investissement. Dans ce secteur encore, l’UE absorbe plus de la majorité, 58 % exactement des 1,3 million de voitures produites en 2015 outre-manche.
L’excédent commercial de la France risque de fondre
Comme personne ne peut s’aventurer à prévoir le contenu exact et la durée des négociations pour la conclusion d’un ALE entre Bruxelles et Londres, la France pourrait voir fondre rapidement son excédent commercial avec son voisin de l’autre côté de la Manche. Ce serait d’autant plus dommageable pour le commerce extérieur hexagonal qu’il s’élevait à 12,2 milliards d’euros l’an passé, après 11,1 milliard en 2014, année où il avait déjà gagné 10 %.
Paris peut être aussi inquiet pour ses entreprises, nombreuses sur le sol britannique. D’après l’Insee, elles étaient 3 074 filiales implantées en 2012, employant 359 000 personnes et réalisant un chiffre d’affaires global de 113,2 milliards, ce qui en faisait le numéro un en Europe pour les effectifs et numéro deux pour le CA derrière l’Allemagne. Dans l’autre sens, l’Insee a recensé 1 836 entreprises de l’Union Jack dans l’Hexagone en 2011.
L’assureur crédit Euler Hermes s’est interrogé sur le coût des désinvestissements croisés et établi que, sur une période courte allant de 2017 et 2019, la France pourrait perdre entre 3,2 à 5,2 milliards d’euros, le chiffre le plus faible étant retenu en cas de conclusion rapide d’un ALE. L’impact en termes de produit intérieur brut atteindrait, lui, – 0,2 point ou – 0,4 point, selon le scénario. S’agissant de l’ensemble des exportations tricolores, biens et services compris, Euler Hermes évalue les pertes françaises à 2,4 milliards sur la période dans le meilleur des cas, 3,2 milliards dans le pire.
François Pargny