Article mis à jour le 24 octobre à 9H00.
Les incertitudes sur la forme que prendra le « Brexit » – « dur », c’est-à-dire sans accord commercial ou « léger », c’est-à-dire avec un accord– grandissent alors que les négociations entre Londres et Bruxelles patinent, faisant monter inquiétudes et les spéculations. En témoigne la publication hier, par les services de Bercy, d’un guide à l’attention des PME et ETI afin qu’elles se préparent à tous les scénarios.
Pour le service économique du groupe Allianz / Euler Hermes, qui vient de publier une note d’analyse* sur différents scénarios économiques dans ce contexte, le risque d’un ‘Brexit’ « sans accord » a grimpé à 25 % ces dernières semaines, compte-tenu des divisions qui traversent la classe politique britannique, et au premier chef le camp conservateur de Theresa May.
Rétablissement des droits de douane et chute de la livre
Dans cette hypothèse d’un non-accord, les deux blocs reviendraient donc aux règles de l’OMC (Organisation mondiale du commerce), avec un rétablissement des droits de douanes de 4 à 5 % en moyenne de part et d’autre. Le taux de change de la livre pourrait chuter de 1,13 euros actuellement à 0,88 euro fin 2019.
« Dans le même temps, il faudra s’attendre à un durcissement des conditions réglementaires bilatérales, estime la note. Les contrôles à la douane seront rallongés, et les formalités administratives à remplir plus pointues. Une complexification de la relation commerciale qui fera perdre un temps considérable aux exportateurs européens, et qui alourdira le coût d’exportation vers le Royaume-Uni ».
Coup de frein aux importations en provenance de l’UE
En conséquence, il faudra s’attendre à un très important coup de frein aux importations en provenance de l’UE, devenues soudain plus compliquées et coûteuses. Les pertes seront loin d’être négligeables pour les partenaires du Royaume-Uni. Les analystes d’EH estiment que l’Allemagne sera le grand perdant, avec près de 8 milliards d’euros (Md EUR) de pertes d’exportations de biens en 2019, suivie par les Pays-Bas (4 Md EUR) et la Belgique (3 Mds EUR).
Pour la France, le risque de perte d’exportations est évalué à 3 Mds EUR pour les biens, soit un montant non négligeable, « puisqu’elle représenterait 16% de la demande additionnelle adressée à la France en 2019 (19 Mds EUR) » observe encore l’étude Allianz / EH.
Secteurs les plus exposés à ces baisses d’exportations en cas de non-accord : automobile (378 M EUR de pertes d’exportations de biens en 2019), machines et équipements (324 M EUR), électronique (177 M EUR), aéronautique (M EUR) et boissons (157 M EUR), précise Ana Boata, économiste en charge de l’Europe chez Euler Hermes.
Toutefois, le scénario qui tiendrait le plus la corde, selon les analystes d’E.H – 70 % de chances de se produire selon eux- est celui d’un accord commercial de dernière minute entre Londres et Bruxelles, qui serait signé début 2019, et qui serait assez général et imprécis sur le nouveau calendrier, laissant les détails à négocier durant une période de transition de 21 mois. « Un accord aveugle est préférable à un mauvaise rupture » est d’ailleurs le titre en français de l’étude : un vœux plus qu’une hypothèse. Maigre consolation car l’incertitude reste totale…
Christine Gilguy
* Economic Insight, « Brexit : a blind date better than a bas breakup »– 15 Octobre 2018. La note est dans le fichier attaché à cet article.