Le texte était attendu lundi 1er février. Il aura fallu 24 heures supplémentaires à Donald Tusk, le Président du Conseil européen, et à David Cameron pour achever le projet d’accord. Celui-ci devrait permettre au premier ministre conservateur de faire campagne pour le « oui » au maintien de son pays au sein de l’UE. « To be or not to be together, that is the question » (être ou ne pas être ensemble, telle est la question), a tweeté Donald Tusk mardi 2 février à la mi-journée pour présenter le compromis qui devra désormais être avalisé par les 27 autres Etats membres. Son texte répond aux quatre principales exigences formulées par David Cameron pour rester au sein de la famille européenne.
La première demande concerne la possibilité, pour les Etats non-membres de la zone euro, d’avoir un droit de regard sur les décisions prises au sein de l’Eurozone. Le Président du Conseil a présenté un « mécanisme » qui permettra aux neufs pays, n’ayant pas adopté la monnaie unique, de faire part de leurs inquiétudes et de recevoir « les assurances nécessaires » sur les décisions des 19 autres Etats de l’UE qui l’utilisent. Pas question, par contre de donner un droit de veto susceptible de retarder les « décisions urgentes » en cas de crise financière par exemple.
La seconde exigence de Londres, de loin la plus consensuelle, vise à booster la compétitivité de l’UE. Sur ce point Donald Tusk s’engage à simplifier les législations afin de réduire les obstacles au commerce. Les parlements nationaux verront aussi leur souveraineté renforcée, conformément au 3e souhait exprimé par Londres. Si une directive adoptée à Bruxelles est jugées inutile ou inadaptée, un système de « carton rouge » permettra de bloquer le texte à condition qu’une majorité de 55 % des Parlements des Etats membres – soit 16 sur 28 – en fasse la demande, maximum trois mois après la présentation de la proposition législative.
La dernière exigence de David Cameron vise à limiter la migration intra-européenne. Comment ? En privant les ressortissants issus des autres Etats membres de l’UE des aides sociales lorsqu’ils s’installent au Royaume-Uni. Jugée discriminatoire par l’ensemble des autres pays européens et non conforme aux valeurs fondamentales de l’Union, cette demande pourrait néanmoins faire l’objet d’un compromis. Le Président du Conseil propose la mise en place d’un frein d’urgence ou mécanisme de sauvegarde susceptible d’être activé par un membre de la famille européenne s’il juge ses services sociaux débordés ou victimes d’abus répétés.
« Nous avons réalisés de véritables progrès mais il reste du travail à faire », a souligné le premier ministre britannique à l’issue de ces négociations marathon. Si ses partenaires sont prêts à de nombreuses concessions pour éviter l’effet dramatique d’un « Brexit », beaucoup de questions restent en suspens et annoncent d’âpres discussions d’ici au prochain sommet des chefs d’Etat et de gouvernement, prévu les 18 et 19 février à Bruxelles.
« Nous avons certes bien avancé mais dans ce type de négociations, le diable est dans le détail », confiait un proche de Donald Tusk mitigé quant à l’issue de ces pourparlers. Une lecture attentive du projet de compromis semble justifier ses craintes. Concernant les aides sociales, par exemple, la durée du mécanisme de sauvegarde n’a toujours pas été arrêté. Londres proposait 7 ans, le Conseil européen 4 ans. Même chose pour le volet autorisant les Etats non membres de la zone euro d’un droit de regard sur les décisions des pays partageant la monnaie unique. Le mécanisme proposé est très vague.
La France mais aussi l’Allemagne resteront donc attentives sur ce point. Paris a maintes fois répété qu’il n’était pas envisageable de laisser à Londres – et à ses lobbys financiers – la possibilité de freiner une plus grande intégration au sein de la zone euro. Vendredi 5 février les représentants des Etats membres poursuivront les négociations à Bruxelles sur la base de ce nouveau compromis. Le même jour David Cameron reprendra son offensive diplomatique en entamant une nouvelle tournée européenne visant à convaincre ses homologues d’accepter ses exigences.
Kattalin Landaburu à Bruxelles