Le
21 mars dernier, les deux commissaires européens, Michel Barnier, chargé du Marché intérieur et des services, et Karel de Gucht, en charge du Commerce, ont présenté une initiative qui vise à inciter les partenaires commerciaux de l’Union
européenne à ouvrir leurs marchés publics aux soumissionnaires européens.
Ils
ont d’abord quantifié ce que représentent les marchés publics. Selon la Commission, les achats
publics dans le monde représentent 1 000 milliards d’euros par an. En ce
qui concerne l’Union européenne, ils peuvent atteindre 19% du PIB. Or, alors
que le marché des commandes publiques de l’Union est ouvert à 90%, un quart
seulement des marchés publics dans le monde sont ouverts à la concurrence
internationale. Les restrictions affectent des secteurs dans lesquels les
Européens sont très compétitifs comme la construction, les transports publics,
les appareils médicaux, la production d’électricité, et la pharmacie.
Michel
Barnier n’a pas hésité à illustrer son propos en signalant le très faible taux
d’ouverture de certains pays comme les Etats-Unis (32%), le Japon (28%), et le
Canada (16% et qui impose que 60% de la valeur des services ou produits fournis
à une de ses collectivités publiques soit produit sur le territoire canadien). Au
total, cela représenterait un manque à gagner de 12 milliards d’euros par an
pour les exportateurs européens.
Même
si ces restrictions ne sont pas contraires à l’Accord plurilatéral sur les marchés
publics de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la Commission européenne
a décidé de prendre un règlement. En premier lieu, elle y confirme que l’Union européenne
maintient une très large ouverture des marchés publics européens, et que ceux en
dessous de 5 millions d’euros sont totalement ouverts, sans aucune restriction
possible. Bien que réduits en nombre (7% de tous les contrats publics
européens), ils représentent 61% de la valeur totale des marchés publics
européens.
Lorsque
la valeur d’un marché public européen excède 5 millions d’euros, la Commission devra être
saisie et il lui reviendra d’autoriser ou non des restrictions si une des trois
conditions suivantes est remplie : une collectivité publique (locale
nationale) veut imposer une restriction ; une entreprise intéressée vient
d’un pays qui pratique un protectionnisme
injustifié ; ou bien elle est originaire d’un pays avec lequel l’Union a
des accords qui prévoient une restriction.
En
cas de difficultés persistantes pour les entreprises européennes dans un pays
tiers, la Commission
s’autorise à enquêter sur les politiques protectionnistes en vigueur dans ce
pays. Si les discussions et négociations n’aboutissent pas favorablement, la Commission restreindra,
de façon proportionnée, l’accès du marché européen aux entreprises du pays
tiers concerné.
D’autre
part, la Commission
a recensé une dizaine d’Etats européens (comme le Royaume-Uni ou l’Espagne) où
le droit national donne la possibilité d’exclure certaines entreprises
non-européennes de leurs marchés publics. Au dessus d’une valeur de 5 millions
d’euros, une entité publique d’un de ces Etats devra faire une demande auprès
de la Commission
si elle veut exclure des entreprises non-européennes originaires d’un pays où
les mêmes marchés sont fermés aux Européens. La Commission décidera si
cette demande est fondée ou non.
Reste
maintenant à voir comment ces dispositions seront mises en pratique et si la Commission résistera à
l’opposition de certains Etats européens ou bien non-européens, comme les
émergents qui sont clairement désignés par la Commission comme
restrictifs quand il s’agit de leurs marchés publics.
Jean-François
Tournoud
Pour en savoir plus :
–
le site du commissaire Michel Barnier où cette proposition est présentée :
http://ec.europa.eu/commission_2010-2014/barnier/headlines/news/2012/03/20120321_fr.htm
–
l’Accord plurilatéral sur les marchés publics de l’Organisation mondiale du
commerce :