« Il faut que vous
compreniez qu’il a fallu 18 ans de négociations à la Russie pour entrer à
l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Ce n’est pas maintenant qu’elle va faire
volte-face et organiser un référendum national sur la question »,
affirmait, lors d’un séminaire de la Chambre de commerce et d’industrie de
Paris (CCIP), le 21 mars, Ivan Prostakov, chef des Services économiques et
commerciaux russes à Paris.
Le responsable russe faisait
ainsi allusion à un article du Figaro paru le 19 mars,
se faisant l’écho des propos du patron de l’Association des équipementiers
agricoles Rosagromash et de l’entreprise Rostselmash, dénonçant les conditions
« totalement inégales » créées par l’ouverture des frontières. Selon
Ivan Prostakov, Rostelmash, « qui a déjà été sonné par la crise mondiale
en 2009, risque la faillite » parce que cette société n’est pas
performante en matière de qualité et de prix.
« On aura des difficultés », reconnaît-il, tout en rejetant le
scénario « implacable » décrit dans l’article. « La baisse des
droits de douane n’est pas si importante », assure-t-il. En outre,
remarque-t-il, « des dérogations nous sont accordées et la Russie dans les
secteurs déjà tournés vers l’international va aussi tirer des avantages de son
adhésion à l’OMC ».
De façon précise, la candidature
d’adhésion, qui a été validée le 16 décembre 2011 par l’OMC, doit être ratifiée
par le Parlement russe (Douma) en juin 2012 au plus tard. Si alors le vote de
la Douma est positif, les autorités de Moscou disposeront encore de trente
jours pour se rétracter. Au terme de cette période, l’organisation
internationale basée à Genève pourra officialiser l’adhésion de la Russie, à
savoir, dans la pratique, avant août prochain.
S’agissant de la Douane,
« la réglementation va devenir transparente et prévisible, car il n’y aura
plus de changements inopinés de taux et de taxes et les droits pour les
marchandises vont tomber de 10 % à 7,8 % en moyenne », expose Maria Jordanova,
responsable Russie dans le groupe de transport et logistique DSV. Au total, un
tiers des lignes tarifaires sera concerné au
départ et un quart supplémentaire dans les trois années suivantes. Pour
les biens agricoles, le plafond des droits de douane va chuter de 13,2 % à 10,8
% en moyenne.
Ils diminueront aussi de 9,5 % à 7,3 % pour les produits manufacturés.
L’agriculture et l’automobile
vont bénéficier de périodes de transition. Dans le secteur primaire, le soutien
public sera maintenu jusqu’en 2018, le montant accordé fondant graduellement de
9 milliards de dollars à l’heure actuelle à 4,4 milliards la dernière année. Dans
l’automobile, la Russie a préservé jusqu’en 2019 son régime d’incitation à
l’investissement. Les grands constructeurs, qui se sont dotés avec des
partenaires russes de capacités de production d’au moins 300 000 voitures
par an, continueront de bénéficier de réductions de taxes pour l’importation de
pièces détachées.
De même, Moscou a sauvegardé son
système de zones économiques spéciales (ZES), offrant des avantages (obtention de
terrains, exonérations de taxes…) aux entreprises étrangères investissant dans
des zones dédiées à l’innovation, à la production ou encore au tourisme.
En revanche, les investisseurs
étrangers ne bénéficieraient pas d’un accès égal aux marchés publics. Dans un
entretien officiel, le Premier ministre Vladimir Poutine fait clairement
référence à la notion de traitement préférentiel, la ministre du Développement
économique Elvira Nabiullina
précisant que de « tels privilèges » en faveur des sociétés
russes pourraient être mis en place d’ici un an.
Enfin, Moscou a obtenu une
dérogation pour conserver ses normes techniques Gost. « La Russie
s’oriente vers l’adoption des normes internationales, mais cette démarche
prendra du temps. Dans l’immédiat, il est donc plus prudent de s’adresser aux
organismes certificateurs qui vous concernent, sachant qu’à partir du 30 juin
prochain le pays devra s’être doté d’un organisme d’accréditation
unique », rapporte Olga Michau, directeur chez SGS du département de la
certification des produits et de la sécurité industrielle dans la CEI
(Communauté des États indépendants).
Enfin, certaines industries
russes, comme la chimie, la sidérurgie et la métallurgie, vont profiter de la
disparition des quotas qui leur étaient imposés sur les marchés extérieurs pour
accroître leurs exportations. Les services, par exemple les assurances,
devraient aussi s’améliorer. Dans le secteur bancaire, l’entrée de la Russie à
l’OMC n’a pas bouleversé l’activité. Les banques étrangères, en particulier,
doivent toujours demander à la Banque centrale russe une licence pour leurs
filiales locales.
Le marché bancaire est très
atomisé. La Russie compte, en effet, plus de 1 000 établissements. BNP
Paribas, par exemple, opère avec les dix premières banques du pays :
Sberbank, VTB, VEB, Rosselkhozbank, Gazprombank, etc. D’après Euler Hermes
Sfac, le nombre de défaillances d’entreprises a progressé depuis 2009. En 2011,
la hausse a été de 9 % et elle pourrait encore s’élever de un point cette année.
« 75 % à 80 % des opérations
commerciales avec la Russie font l’objet de paiements d’avance et 15 % de
paiements à vue », note Sandra Gonzalez, chargée d’affaires Commerce
international à BNP Paribas. Or, aujourd’hui, les entreprises russes, notamment
les PME, souffrent de la raréfaction du crédit bancaire. Dans ce contexte, la
lettre de crédit irrévocable et confirmée apparaît comme l’instrument le mieux
adapté pour sécuriser un paiement.
François Pargny
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Bibliographie :
Russie : un « far
east » prometteur ?
Juillet 2011, CCIP