Décidé à répondre à ce que les autorités chinoises appellent le « terrorisme économique » de Washington, Pékin a décidé de riposter. Après la décision il y a un mois des États-Unis de surtaxer à hauteur de 25 % une série de biens chinois représentant 200 milliards de dollars d’importations annuelles, la Chine a établi à son tour des taxes, de 10 %, 20 %, voire 25 % sur des produits américains entrant sur son marché, représentant une valeur de 60 milliards de dollars.
Sur une liste de plus de 5 400 marchandises de l’Oncle Sam, 2 493 seraient ainsi taxées à 25 %, allant des produits agricoles (soja…) et piscicoles (saumon…) aux vins et spiritueux (gin, tequila) en passant les parfums et cosmétiques, les articles de sport et de cuisine, les instruments de musique et les jouets, le tissu et des diamants, les pneus et les robots industriels, le bois.
Les risques d’accélération de la guerre commerciale sino-américaine sont réels. Le 13 mai, Washington avait présenté une liste de produits qui seraient susceptibles d’entrer dans une nouvelle salve de sanctions éventuelles, portant sur 300 milliards de dollars supplémentaires de marchandises importées de Chine.
Une guerre technologique est déclarée
Cette guerre commerciale se double d’une guerre technologique. Washington cible clairement le plan Made in China 2025, visant à la domination mondiale de l’ex-Empire du Milieu dans des technologies clés. Parallèlement, il met la pression sur l’Occident pour interdire les relations avec Huawei. L’Administration Trump accuse le géant des télécommunications d’espionnage industriel potentiel en raison de la proximité avec le pouvoir communiste. Le paradoxe est que ce leader mondial a demandé aux autorités de son pays de ne pas s’en prendre à l’américain Apple, qui pourrait faire les frais de représailles.
Pour l’instant, Pékin viserait plutôt FedEx et annonce une liste noire de sociétés américaines pouvant être sanctionnées. Une enquête serait ainsi lancée pour déterminer si le groupe de livraison américain achemine correctement les colis d’Huawei. Enfin, dernière menace agitée par la Chine, la fin des livraisons des terres rares – 17 métaux comme le praséodyme, le dysprosium, l’ytterbium – dont ce pays aurait le quasi-monopole.
Un affrontement géostratégique
Troisième volet du combat des deux titans économiques, les intérêts géostratégiques en Mer de Chine jusqu’à Taïwan, mais aussi les Routes de la soie, perçues à Washington comme un projet de domination planétaire. Lors d’un colloque sur la maritimisation du monde, le 28 mai, le chef d’état major de la Marine française, Christophe Prazuck, rapportait que « la Chine construit tous les quatre ans l’équivalent de la Marine française ». Des propos faisant écho à ceux du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, qui affirmait que le bras de fer entre Washington et Pékin devait préparer le monde à « une guerre froide commerciale ». Lors du forum Shangri-La Dialogue, à Singapour, du 31 mai au 2 juin, le ministre chinois de la Défense, le général Wei Fenghe, indiquait que si la porte restait « ouverte », la Chine était aussi « prête » à l’affrontement.
Le 2 juin, le lendemain des sanctions commerciales à l’encontre des Américains, Pékin publiait un livre blanc, intitulé « Position de la Chine sur les consultations économiques et commerciales sino-américaines ». Dans ce document de 21 pages, est dénoncé le protectionnisme des États-Unis, qui porte atteinte au système multilatéral et va à l’encontre des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Le livre blanc est découpé en trois parties : les dommages économiques des sanctions, l’agression américaine en matière d’échanges et la position d’équilibre et de respect mutuels de la Chine.
La chute des investissements, les risques sur l’économie
En dehors de l’affaiblissement des relations commerciales bilatérales – les exportations de la Chine vers le partenaire américain ont notamment baissé de 9,4 % pendant les premiers quatre mois en glissement annuel – le livre blanc fait état de la chute des investissements réciproques.
Ainsi en 2018, ils auraient chuté de 10 % à 5,79 milliards de dollars côte chinois, alors que les investissements américains chez le géant asiatique auraient perdu en intensité : après avoir effectué un bond de 11 % en 2017, ils n’auraient plus progressé que de 1,5 % un an après pour atteindre 2,69 milliards de dollars.
Dans ses Perspectives économiques de mai, l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) estimait que la guerre commerciale entre Washington et Pékin allait plomber la croissance économique en 2019 et 2020. Un avertissement qui ne semble pas avoir été entendu, alors que le prochain G20 se profile à l’horizon. La cité japonaise d’Osaka sera le théâtre de la quatorzième réunion du Groupe des vingt, les 28 et 29 juin prochains.
F.P