Au lendemain de l’accord pour ouvrir les négociations sur un troisième plan de sauvetage de la Grèce, conclu dans la nuit du 12 au 13 juillet lors du sommet de la zone euro, qui a abouti au déblocage d’un prêt d’urgence de 7,16 milliards d’euros de l’Union européenne (UE), le Parlement grec a adopté, le 16 juillet, une première série de réformes exigées en contrepartie par les créanciers, un second train de mesures devant être soumis au Parlement grec le 22 juillet. L’éventuelle mise en place de ce troisième plan de secours, qui se chiffrerait entre 82 et 86 milliards d’euros sur trois ans, est conditionné à ces réformes. Elles vont modifier en profondeur l’environnement économique de la Grèce, dont l’État est en quasi faillite, le secteur bancaire exsangue et l’économie en panne de croissance.
Dans l’immédiat, l’accord du 13 juillet a permis un assouplissement des restrictions bancaires marqué par la réouverture des banques, le 20 juillet.
Les réformes à très court terme, très impopulaires pour certaines, concernent prioritairement l’augmentation de la TVA et la réforme du système de retraite, deux des quatre principaux points de l’accord, qui prévoit également l’indépendance de l’institut de statistique Elsat et la mise en place d’une autorité fiscale indépendante ainsi que d’un mécanisme de réduction automatique des dépenses en cas de ratage des objectifs budgétaires. Parmi les autres exigences des créanciers, il est demandé au parlement grec de mettre en place un fonds de privatisation d’une valeur de 50 milliards d’euros et de fixer un calendrier ferme pour les privatisations de différentes propriétés de l’État, dont le port du Pirée et les aéroports régionaux.
Voici ce qu’il faut retenir des principales réformes impactant l’environnement économique du marché grec.
– Hausse de la TVA
Le taux normal de TVA est passée le 20 juillet de 13 % à 23 %. Cette hausse concerne une série de biens et services comme les denrées non périssables (sucre, café, thé) ; les préservatifs ; les enterrements ; la restauration ou encore les courses de taxis.
Un nouveau taux de 13 % dit « intermédiaire » s’applique depuis le 20 juillet à l’eau, l’énergie et les produits alimentaires « de base », essentiellement des produits frais. Ce taux s’applique également à l’huile d’olive (la Grèce est le troisième producteur mondial d’olives). Dans l’hôtellerie, la TVA reste inchangée (13 %).
La TVA qui s’applique aux médicaments, livres et places de spectacle (théâtre) est, elle, légèrement réduite, passant à 6 % contre 6,5 %.
Avec ces nouveaux taux, le gouvernement grec espère des recettes supplémentaires annuelles de 795 millions d’euros cette année et de 2,4 milliards d’euros à partir de 2016, soit 1,3 % du produit intérieur brut.
– Réforme du marché intérieur
Cette réforme comprend notamment l’ouverture des magasins de dimanche, l’allongement des périodes de soldes, des modifications du régime des pharmacies, des changements des marchés du lait et de la boulangerie, l’élargissement de l’accès aux professions protégées, notamment le transport en ferry.
– Un programme de privatisation de 50 milliards d’euros
Dans le cadre des réformes qu’Athènes doit mettre en place, figure un ambitieux programme de privatisation destiné à générer l’équivalent de 50 milliards d’euros d’actifs. Une fois isolée, la somme sera transférée à ce fonds indépendant basé en Grèce. La première moitié (25 milliards d’euros) de ce fonds de privatisation de 50 milliards d’euros servira à la recapitalisation des banques, l’autre moitié sera destinée au service de la dette et aux investissements.
Au sein de la liste des actifs destinés à la privatisation figurent les aéroports du pays, les ports, les autoroutes ou encore les entreprises de transport.
La relance de la privatisation des deux principaux ports du pays, celui du Pirée –dont un terminal est d’ores et déjà dans le giron de la Chine– et de Thessalonique est concernée. À noter qu’APM Terminals, la filiale portuaire du groupe maritime danois Maersk, s’est d’ores et déjà positionnée.
Pour les aéroports, la situation est plus floue. Un appel d’offres avait été lancé en octobre 2014 pour la privatisation de la gestion et la modernisation de 14 aéroports grecs dans le cadre d’une concession d’une durée de 40 ans et, remporté a priori par l’opérateur allemand Fraport –pour un montant de 1,2 milliard d’euros–, qui annonçait un investissement de 330 millions d’euros. Mais les autorités grecques avaient annoncé, après les élections de janvier et l’arrivée au pouvoir d’une coalition menée par le Premier ministre de la gauche radicale Alexis Tsipras, le réexamen de cet accord. Du coup, le groupe français de BTP Vinci
s’est repositionné sur ce programme.
Le secteur de l’électricité (transport, distribution) figure également au chapitre privatisation.
Elles vont être précisées dans le cadre des négociations qui vont se poursuivre entre la Grèce et ses créanciers pour mettre en place le troisième plan de sauvetage sur 3 ans. Font partie de ces réformes en négociation, la réforme du système des retraites (avec notamment un allongement de la durée de cotisation et une réforme des pré-retraites), la mise en place d’une garantie de l’indépendance des agences statistiques du pays ainsi que l’introduction d’une loi qui assurerait des « coupes budgétaires quasi automatiques » si le gouvernement n’atteint pas ses objectifs d’excédent budgétaire. Une réforme du marché du travail (révision des conventions collectives, du droit de grève et des règles des licenciements collectifs) est également à l’ordre du jour.
– Assouplissement des restrictions bancaires
C’est le côté positif immédiat, pour les Grecs, de l’accord conclu entre leur gouvernement et ses créanciers le 13 juillet. Après trois semaines de fermeture –les banques avaient été fermées le 28 juin pour contrer la fuite des capitaux et éviter les retraits massifs–, signe le plus distinctif de la crise Grecque, les banques de la République hellénique ont rouvert leurs guichets le 20 juillet. Elle a été décidée par un décret du 18 juillet. La Bourse d’Athènes, en revanche, restera fermée jusqu’à nouvel ordre.
Mais il ne s’agit que d’un assouplissement, les contrôles ont été maintenues. Depuis le 28 juin, les retraits autorisés aux distributeurs étaient limités à 60 euros par jour et par carte bancaire émise en Grèce. Cette restriction a été modifiée pour instaurer un plafond limité à 420 euros par semaine qui permettra d’éviter les files d’attente aux distributeurs. Rappelons que cette limitation de montant ne concerne pas les cartes bancaires émises à l’étranger, donc les touristes et autres visiteurs étrangers.
Pour les transactions par virement, celles de l’étranger vers les banques grecques s’effectuent normalement. Les virements interbancaires domestiques restent sous contrôle et soumis à des mesures de restriction, de même que les transactions bancaires depuis la Grèce vers l’étranger. Peu de détails sont actuellement disponibles. Nous conseillons d’aller se renseigner régulièrement sur le site de la Banque centrale grecque*, plus ou moins à jour, ainsi que sur le site de la Fédération bancaire française (FBF)**, qui avait publié une note explicative sur les implications concrètes de la fermeture des banques grecques le 28 juin.
Venice Affre
*Site de la Banque centrale de Grèce (en anglais), qui est toutefois plus ou moins accessible selon les moments de la journée : www.bankofgreece.gr.
**Site de la FBF – rubrique Actualités : http://fbf.fr/fr/secteur-bancaire-francais/actualites/_864LHZ&Count=8#