Le dispositif de contrôle export des biens à double usage a été simplifié, via une réforme entrée en vigueur le 1er avril 2010. Le Moci a suivi régulièrement cette actualité dans ses colonnes (1). Manquait une fiche pratique. La voici.
Le contrôle des exportations de biens et technologies à double usage est un outil pour lutter contre la dissémination des armes conventionnelles et la prolifération des armes de destruction massive. Il s’exerce principalement sur le fondement d’une réglementation européenne.
Il est apparu utile d’élaborer une fiche destinée à répondre aux préoccupations concrètes des entreprises soumises à ce contrôle afin de faciliter leurs formalités d’exportation dans ce domaine.
Bon à savoir
Qu’est-ce qu’un bien à double usage ?
On entend par bien à double usage les produits, les logiciels et les technologies (y compris la transmission de logiciels ou de technologies, par voie électronique, par télécopieur ou par téléphone vers une destination située en dehors de l’Union européenne) susceptibles d’avoir une utilisation tant civile que militaire. Ils sont repris dans une liste annexée au règlement communautaire n° 1334/2000 qui définit le cadre juridique applicable en la matière.
Des biens qui ne figurent pas dans les listes du règlement communautaire n° 1334/2000 peuvent toutefois être soumis à un contrôle s’ils risquent de contribuer à la prolifération des armes chimiques, biologiques ou nucléaires. En cas de doute, l’industriel doit se rapprocher de l’administration qui décidera de l’opportunité de soumettre l’exportation concernée à autorisation (clause attrape-tout).
I/ Le cadre général
Les premiers instruments de lutte contre la prolifération des armes remontent à la création, en 1949, du Cocom (Coordinating Comittee for Multilateral Strategic Export Control) par les membres de l’Otan (Organisation du traité de l’Atlantique Nord) afin d’éviter les ventes de produits stratégiques vers les pays du Pacte de Varsovie. L’Arrangement de Wassenaar lui succède en 1955.
Aujourd’hui, il existe plusieurs régimes de non-prolifération et/ou groupes internationaux de contrôle des exportations, en fonction des grandes catégories de menaces :
• le NSG (Nuclear Supplier Group) contre la prolifération des biens et technologies nucléaires ;
• le Groupe Australie contre la prolifération des biens et technologies chimiques et biologiques ;
• le MTCR (Missile Technology Control Regime) contre la prolifération des missiles et de la technologie balistique ;
• la Convention d’interdiction des armes chimiques (Ciac) contre la prolifération des armes chimiques ;
• l’Arrangement de Wassenaar dont le contrôle porte essentiellement sur les transferts de biens industriels et cryptologiques avancés pouvant entrer dans différents programmes militaires. Il couvre également les armes conventionnelles qui n’entrent pas dans le cadre de cet article.
1/ La réglementation communautaire
Les listes établies dans les régimes précités sont intégrées dans le règlement (CE) n° 1334/2000 du Conseil du 22 juin 2000 modifié, qui institue un régime communautaire de contrôles des exportations de biens et technologies à double usage (JO/CE n° L 159 du 30 juin 2000).
2/ La réglementation française
• Décret n° 2001-1192 du 13 décembre 2001 relatif au contrôle à l’exportation, à l’importation et au transfert de biens et technologies à double usage (JO/RF du 15 décembre 2001).
• Arrêté du 13 décembre 2001 relatif au contrôle à l’exportation vers les pays tiers et au transfert vers les Etats membres de l’Union européenne de biens et technologies à double usage (JO/RF du 15 décembre 2001).
• Arrêté du 13 décembre 2001 relatif à la délivrance d’un certificat international d’importation et d’un certificat de vérification de livraison pour l’importation de biens et technologies à double usage (JO/RF du 15 décembre 2001).
• Arrêtés du 18 juillet 2002 (JO/RF du 20 juillet 2002) modifiés par les arrêtés du 21 juin 2004 définissant les licences générales « biens industriels », « produits chimiques » et « graphite » (JO/RF du 31 juillet 2004).
• Arrêté du 14 mai 2007 relatif à la licence générale « produits biologiques » pour l’exportation de certains éléments génétiques et organismes génétiquement modifiés (JO/RF du 17 mai 2007).
• Bulletin officiel des douanes (BOD) n° 6590 du 26 janvier 2004, « Marchandises stratégiques », réglementation relative aux biens et technologies à double usage.
II/ Les réformes de 2010 et leur impact
1/ Le contexte
Le règlement (CE) n° 428/2009 du Conseil du 5 mai 2009 a remplacé le règlement de base (CE) n° 1334/2000 sur le régime communautaire de contrôles des exportations, des transferts, du courtage et du transit des biens à double usage.
La Commission précise dans ce règlement que la mise en œuvre du régime communautaire est laissée à l’initiative de chaque État membre. La réforme communautaire se double aujourd’hui d’une réforme du dispositif français du contrôle à l’exportation.
Cette réforme française, entrée en vigueur le 1er avril 2010, se manifeste essentiellement par :
• un transfert de compétences en matière de délivrance des autorisations de l’administration des douanes à l’industrie (direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services). Ce transfert n’affecte pas la compétence des douanes en matière de contrôle et, à fortiori, de sanctions ;
• le remplacement de l’ancien Setice (service des titres du commerce extérieur), dépendant des Douanes, par un dispositif à deux niveaux, le service des biens à double usage (SBDU) qui dépend de la Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services au ministère de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi, et la Commission interministérielle des biens à double usage (CIBDU). Ce dispositif semble devoir améliorer la transparence du régime vis-à-vis des entreprises concernées ;
• la mise en place très attendue d’un système d’avis de classement des produits concernés dans la nomenclature BDU. Les textes prévoient une notification aux exportateurs des avis ainsi rendus.
2/ Base légale de la réforme
• Décret n° 2010-292 du 18 mars 2010 relatif aux procédures d’autorisation d’exportation, de transfert, de courtage et de transit de biens et technologies à double usage et portant transfert de compétences de la direction générale des douanes et des droits indirects à la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services.
• Décret n° 2010-293 du 18 mars 2010 modifiant le décret n° 2009-37 du 12 janvier 2009 relatif à la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services ;
• Décret n° 2010-294 du 18 mars 2010 portant création d’une commission interministérielle des biens à double usage ;
• Arrêté du 18 mars 2010 modifiant l’arrêté du 26 janvier 2009 portant organisation de la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services ;
• Arrêté du 18 mars 2010 portant création d’un service à compétence nationale dénommé « service des biens à double usage » (SBDU) ;
• Arrêté du 18 mars 2010 relatif aux autorisations d’exportation, d’importation et de transfert de biens et technologies à double usage.
Bon à savoir
La nouvelle administration compétente
En matière d’autorisations d’exportation, de courtage, de transit, la réforme a consisté en un transfert de compétence des douanes à l’industrie.
La Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services, via le SBDU, est désormais chargée :
• du suivi des questions relatives aux biens et technologies à double usage ;
• de la coordination entre les ministères intéressés par chaque demande d’autorisation.
3/ Deux nouvelles entités
A/ Service des biens à double usage (SBDU)
Le SBDU est un service à compétence nationale créé au sein du Ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.
Il assure les tâches suivantes :
• reçoit les demandes relatives aux autorisations d’exportation ;
• contribue à la concertation interministérielle des travaux relatifs aux biens à double usage ;
• gère les relations avec les organes étrangers de contrôle à l’exportation des biens et technologies, ainsi qu’avec la Commission Européenne ;
• suit la préparation et la conduite des négociations européennes et internationales relatives au contrôle des exportations des biens et technologies à double usage ;
• développe une expertise et une analyse prospective des biens et technologies à double usage ; et
• conduit les actions d’information et de sensibilisation des entreprises, en relation avec les ministères.
Pour les biens de cryptologie, le SBDU s’appuie sur l’expertise de l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information.
B/ Commission interministérielle des biens à double usage (CIBDU)
Le décret n° 2010-294 précité a créé la Commission interministérielle des biens à double usage rattachée au ministère des Affaires étrangères et européennes.
La CIBDU est informée de chaque demande d’autorisation d’exportation, de transit et de courtage de biens et technologies à double usage dont le SBDU est saisi et des suites qui y sont réservées.
La CIBDU peut être saisie par :
• Le ministère de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi ;
• l’un de ses membres.
4/ Renforcement de la sécurité juridique offerte aux exportateurs
Les décrets prévoient la possibilité, « à la demande des administrations ou des entreprises concernées, et en cas de difficultés d’interprétation du règlement de base du 5 mai 2009 », de différents types d’avis de classement :
• des avis de classement en application de l’article 6 concernant les exportations de produits et équipements censés figurer dans la liste des biens à double usage parue en annexe du règlement communautaire de base ;
• des avis de classement sur la soumission d’un bien à l’autorisation pour des raisons liées à l’application des dispositions de l’article 4 (clause « catch all » ou « attrape-tout ») du règlement de base, à la sécurité publique ou à la sauvegarde des droits de l’homme de l’article 8 du même règlement de base, ou aux mesures restrictives à l’encontre de l’Iran prévues au règlement (CE) n° 423/2007 du Conseil du 19 avril 2007.
Ces avis sont notifiés aux exportateurs. Il conviendra de suivre attentivement la mise en œuvre de ces nouvelles dispositions.
Bernard Parent, expert
1) L’export en 10 étapes, Le Moci n° 1878 du 25 novembre 2010.