La Commission européenne a proposé en février 2009 des mesures afin d’améliorer la coopération entre les autorités fiscales et douanières pour lutter contre la fraude fiscale. Sans attendre les nouvelles directives qui devaient en découler, certains États, dont la France, ont mis en application les instructions de la Commission.
I/ Le contexte
Le contexte de la mondialisation poussait à des aménagements de la coopération entre les autorités fiscales et douanières des États membres de l’Union européenne.?Il est évident que les fraudeurs tirent avantage des différents obstacles que rencontrent les administrations fiscales et douanières nationales. Il était donc essentiel que ces dernières coopèrent de manière efficace et se prêtent mutuellement assistance afin de mieux combattre la fraude fiscale. Dans ce cadre, il était crucial d’accroître la transparence grâce à des mécanismes d’échange d’informations à la fois simples et rapides. Il était notamment inacceptable que le secret bancaire en vigueur dans un État membre puisse constituer un obstacle à l’établissement correct par les autorités fiscales d’un autre État membre du montant des taxes et impôts dus par l’un des contribuables résident de ce dernier.
C’est ainsi que, dans le cadre de sa stratégie de lutte contre l’évasion et la fraude fiscales (document IP/06/697), la Commission européenne a adopté en février 2009 deux propositions de nouvelles directives : l’une pour améliorer la coopération en matière de fixation du montant des impôts et taxes, l’autre pour accroître l’assistance mutuelle entre les autorités fiscales et douanières des États membres. La publication des deux directives était prévue pour 2010.
Sans attendre, l’administration des douanes françaises a mis en application cette instruction dans son contrat pluriannuel de performance 2009-2011 (engagement 2).
Bon à savoir
Les propositions de la commission en ligne
• Pour accéder aux textes des propositions : http://ec.europa.eu/taxation_customs/index_fr.htm
• Pour de plus amples informations sur la stratégie d’amélioration des mesures de lutte contre la fraude :
http://ec.europe.eu/taxationcustoms/taxation/tax_cooperation/gen_overview/index_frhtm
II/ La proposition en matière de coopération administrative pour l’établissement du montant des taxes et impôts
L’une des nouveautés de la proposition communautaire visant à améliorer la coopération administrative pour l’établissement du montant des taxes et impôts est son champ d’application élargi : il couvre l’ensemble des taxes et impôts, à l’exception de ceux faisant l’objet d’une réglementation communautaire spécifique, comme la TVA et les droits d’accises.
Dans cet objectif :
• elle prévoit des règles de coopération plus claires et plus précises. Elle fixe notamment des règles de procédure communes, ainsi que des formulaires, des formats et des canaux communs pour les échanges d’informations ;
• elle permet aux fonctionnaires de l’administration fiscale et douanière d’un État membre de se rendre sur le territoire d’un autre État membre et de participer activement – avec les mêmes pouvoirs d’inspection – aux enquêtes administratives qui y sont menées.
Autre nouveauté : la question du secret bancaire invoqué pour refuser la coopération transfrontalière est l’un des problèmes principaux traités dans le nouveau projet de directive. Fondée sur le modèle de convention de l’OCDE, la proposition dispose qu’un État membre ne peut refuser de fournir des informations concernant un contribuable de l’État membre requérant au seul motif que cette information est détenue par une banque ou une institution financière. Ainsi, la proposition abolit le secret bancaire dans les relations entre autorités fiscales et douanières lorsqu’un État membre requérant contrôle la situation fiscale d’un de ses contribuables résidents.
Cette proposition introduit un autre élément crucial puisqu’elle oblige les États membres à accorder le même niveau de coopération à leurs partenaires européens que celui consenti à tout autre pays tiers, ce qui souligne la dimension spécifiquement européenne.
III/ La proposition d’assistance mutuelle en matière de recouvrement de créances fiscales
Le régime actuel d’assistance mutuelle date de 1977 pour ce qui concerne l’établissement du montant des taxes et impôts (directive 77/799/CEE du Conseil) et de 1976 (directives 76/308/CEE du Conseil) pour ce qui concerne le recouvrement des créances fiscales. À l’époque, la mobilité des personnes et des capitaux n’avait rien de comparable avec celle d’aujourd’hui. De nos jours, les fraudeurs profitent de la limitation territoriale des compétences des autorités fiscales et douanières nationales pour dissimuler des revenus obtenus dans d’autres pays ou organiser leur insolvabilité dans les pays où ils ont des dettes fiscales. La proposition visant à améliorer l’assistance mutuelle en matière de recouvrement de créances fiscales a pour objet de renforcer et d’améliorer l’assistance au recouvrement entre les États membres, ce qui devrait permettre d’améliorer le taux de recouvrement, qui ne représente actuellement que 5 % environ des montants pour lesquels une assistance est demandée.
La Commission propose notamment de :
• couvrir l’ensemble des taxes, impôts et droits perçus par les États membres et leurs subdivisions administratives, de même que les contributions sociales obligatoires ;
• mettre en place un système obligatoire d’échange spontané d’informations concernant les remboursements de taxes et d’impôts effectués par les autorités fiscales et douanières nationales en faveur de non-résidents ;
• permettre aux fonctionnaires d’un pays de participer activement à des enquêtes administratives sur le territoire d’un autre pays ;
• permettre qu’une assistance puisse être demandée au début du processus de recouvrement si la probabilité de recouvrement s’en trouve améliorée ;
• simplifier et rationaliser les procédures utilisées pour demander ou fournir une assistance mutuelle.
Bon à savoir
Fraude : 2 à 2,5 % du PIB
Les économistes considèrent en général que la fraude fiscale représente entre 2 et 2,5 % environ du PIB, soit 200 à 250 milliards d’euros. La fraude à la TVA de type « carrousel » constitue l’un des aspects les plus préoccupants, mais la contrebande et la contrefaçon d’alcools et de tabac (fraude aux droits d’Accises) et la fraude en matière de fiscalité directe sont également importants.
IV/ Application au niveau national
En France, la DGDDI (Direction générale des douanes et des droits indirects) et la DGI (Direction générale des impôts) travaillent en collaboration pour lutter contre la fraude fiscale et les enjeux fiscaux au même titre que la lutte contre la criminalité (les stupéfiants, les contrefaçons et le tabac) et le grand terrorisme.
La douane, dans le cadre de son plan CAP 2012, a pris des engagements pour intensifier la coopération nationale et internationale.
• Au plan national : la DGDDI collabore avec la Direction générale des finances publiques (DGFIP). Elles disposent d’informations relatives aux échanges internationaux, aux mouvements financiers, à l’activité des entreprises et aux réseaux de fraude dont la mutualisation s’impose afin d’améliorer l’efficacité de chacune de ces administrations, en termes d’analyse de risque et de lutte contre la fraude. Un protocole d’accord définissant les domaines et modalités pratiques d’une coopération renforcée doit être conclu entre les deux parties. Il sera accompagné d’un comité opérationnel national et de comités opérationnels locaux chargés de définir des thèmes de coopération et d’évaluer périodiquement les résultats obtenus.
• Au plan international : la douane (Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières – DNRED – et Service national de douane judiciaire – SNDJ) procède à l’intensification de sa coopération avec la cellule Tracfin (Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins, service relevant du ministère de l’Économie, des finances et de l’industrie) en concentrant son action sur la grande fraude, le démantèlement de filières organisées et l’identification de flux financiers irréguliers. Elle a aussi pris l’engagement de signer ou d’actualiser des conventions d’assistance administrative mutuelle internationale (AAMI).
Par ailleurs, la DGDDI est garante, pour les droits et taxes qu’elle recouvre, de la protection des intérêts financiers et budgétaires de l’État, des collectivités territoriales, de l’Union européenne. Elle assure non seulement la juste perception des droits et taxes, mais également une correcte application des régimes d’exonération. La lutte contre la fraude fiscale constitue ainsi le prolongement de la mission fiscale de la DGDDI.
Dans le cadre de cette action, elle doit :
• Optimiser et coordonner l’action des organismes de contrôle dans l’objectif d’une efficacité maximale : opérations menées par les bureaux spécialisés ou les pôles fiscalité et contributions indirectes des bureaux de douane ; enquêtes fiscales réalisées par les services régionaux d’enquêtes (SRE) ou la Direction des enquêtes douanières (DED) ;
• Créer des structures d’échanges en institutionnalisant des groupes de réflexion entre services, en mutualisant les bonnes pratiques, en créant des forums internes dédiés à la fiscalité.
Bernard Parent, expert