L’Import Control System (ICS) est la concrétisation du programme européen « e-customs » lancé en 2005 pour sécuriser les échanges de marchandises sans freiner leur circulation. Un bilan s’impose.
I/ Le contexte
Une préconisation de l’OMD
Depuis plus de 10 ans, l’Organisation mondiale des douanes (OMD) préconise une série de mesures importantes visant à sécuriser les échanges commerciaux sans entraver la circulation des marchandises. Il s’agit du cadre des normes « SAFE », dont les éléments clés sont les suivants :
• un jeu de données exigibles par voie électronique auprès de l’exportateur, du transporteur, du commissionnaire de transport et/ou de l’importateur ;
• le recours à une analyse de risque ;
• des contrôles de sûreté et de sécurité effectués au pays d’exportation avec des moyens intrusifs ;
• la mise en place d’un partenariat avec le commerce légitime et sûr qui bénéficie de contreparties en matière de formalités et de contrôles (opérateurs économiques agrées).
L’amendement « sûreté-sécurité » du code des douanes communautaire :
Dans l’Union européenne, la mise en œuvre des préconisations de l’OMD s’est traduite par le développement de l’Import Control System (ICS). Il s’inscrit dans le programme communautaire e-customs, et a été mis en place par le règlement (CE) n° 648/2005 du Parlement européen et du Conseil ainsi que le règlement (CE) n° 1875/2006 de la Commission dit « amendement sûreté » modifiant le code des douanes communautaire et ses dispositions d’application, constituent la première mesure douanière prise en matière de sûreté/sécurité.
Ces règlements mettent en place un système de gestion des risques communs dans l’UE, dans lequel les contrôles douaniers reposent sur une analyse de risque sûreté/sécurité utilisant les procédés informatiques. Les données exigibles à des fins de sûreté et de sécurité, préalablement à l’entrée des marchandises dans le territoire douanier, font l’objet d’une déclaration appelée déclaration sommaire d’entrée. Pour des raisons d’harmonisation, le choix a été fait de conserver l’appellation communautaire, Entry Summary Declaration à savoir ENS.
Ces échanges permettront aux administrations douanières de prendre ou non la décision de faire contrôler les marchandises :
• au premier point d’entrée dans l’UE ;
• ou dans l’État membre de destination finale. La transmission des risques entre États membres s’effectuera via le réseau privé communautaire CCN. Si cette partie du dispositif relève du domaine communautaire, en revanche, la transmission de la déclaration sommaire d’entrée (ENS) ainsi que l’analyse de risque elle-même relèvent des applications nationales.
Il en résulte que :
• chaque État membre dispose de son propre système informatique pour la réception de l’ENS (28 États membres donc 28 applications différentes) ;
• la déclaration devant être envoyée au premier point d’entrée de l’Union européenne, les opérateurs redevables de cette formalité doivent préalablement : déterminer l’État membre où sera envoyée la déclaration ENS et prévoir le développement d’autant d’interfaces que de pays touchés.
Bon à savoir
À l’arrivée, une déclaration sommaire de dépôt temporaire n’est pas requise dans le cas où les marchandises font l’objet du dépôt d’une déclaration de placement sous un régime douanier au moment de leur présentation en Douane.
II/ L’application concrète de la procédure
La procédure s’applique en 2 temps :
• Avant l’arrivée du moyen de transport au premier point touché de la Communauté, l’opérateur doit télé-transmettre l’ENS portant sur l’ensemble des marchandises non communautaires transportées, au système douanier de l’état du premier point touché. Cet état lui délivre des numéros d’enregistrement communautaire (MRN) pour chaque ENS et effectue l’analyse de risque sûreté communautaire.
• À l’arrivée du moyen de transport au premier bureau d’entrée, l’opérateur doit transmettre aux autorités douanières une notification d’arrivée du moyen de transport, contenant les numéros de référence des ENS déposées pour l’ensemble de la cargaison. Dès leur arrivée au bureau de douane, les marchandises devant être déchargées doivent être présentées aux autorités douanières, et faire l’objet du dépôt d’une déclaration sommaire de dépôt temporaire, comportant les numéros de référence des ENS ainsi que les données exigibles pour cette déclaration.
III/ Les deux télé-services ICS en France
En France, l’ICS se décline en deux téléservices :
1/ L’automate de sûreté traite :
• la déclaration sommaire d’entrée (ENS) lorsque la France est le premier point d’entrée de l’UE ;
• la déclaration sommaire de dépôt temporaire anticipée (DSDT anticipée) lorsque la France est pays subséquent (la DSDT anticipée, nouvelle déclaration FR sera obligatoire au 15 septembre 2015).
2/ Le télé-service Delt@P (présentation en douane) traite :
• la notification d’arrivée du moyen de transport lorsque la France est le premier point d’entrée de l’UE ;
• la notification de déchargement des marchandises en France. Compte tenu des volumes de déclarations attendus, la transmission par mode EDI (Echange de Données Informatisé) est privilégiée. Pour mémoire, grâce à l’EDI, la communication entre votre logiciel de gestion commerciale et le site pro.douane.gouv.fr est automatique. Ce mode est particulièrement adapté à un gros volume de documents et nécessite soit d’avoir recours aux services d’un prestataire EDI, soit d’utiliser un format de message signé numériquement avec le certificat fourni par un organisme agréé.
IV/ Bilan et perspectives
Quatre ans après l’entrée en vigueur de l’ICS en Europe, le bilan est mitigé. Dans la perspective du nouveau Code des douanes de l’Union (CDU) d’ici mai 2016, la Douane française a fait le constat d’une faiblesse actuel s’agissant :
• d’une part de la qualité insuffisante des données pour une gestion efficace des risques ;
• et d’autre part de l’insuffisance des règles fonctionnelles (les 28 applications ICS dans les différents États membres ont pour conséquences que ces règles ne sont pas suffisamment harmonisées). L’enjeu devient donc, pour la Douane, de multiplier les données et leur fiabilité en tenant compte des contraintes des opérateurs.
Les solutions initiées concernent différents niveaux :
• Au niveau international
À la suite des événements du Yémen de 2010 (pour mémoire, des colis piégés avaient été envoyés par avion depuis ce pays vers l’UE), un groupe de travail d’experts techniques a été constitué sous l’égide de l’OMD en 2011 en vue de renforcer la sécurisation du fret aérien. Il s’agit pour lui de définir les éléments ayant trait aux données à transmettre, la manière dont ils devront être recueillis, partagés, évalués et utilisés sur le plan opérationnel en vue de la transmission d’un message « Do not load » (DNL) avant le chargement des envois express, des colis postaux et du fret cargo classique au vu d’une menace identifiée en matière de sûreté. Trois initiatives sont signalées réalisant des tests pilotes : les projets ACAS et AMAS américains et le projet Air cargo security européen, manifestement un renforcement en 2012 de la coopération entre l’OACI, l’OMD et l’UPU. Cela doit aboutir à une révision du cadre SAFE en 2015. La France a été associée à ces travaux depuis 2012.
Bon à savoir
Ces dispositions se trouvent reprises dans le BOD n° 7052 du 04/02 /2015 sous le titre : « Mise en œuvre nationale de l’amendement sûreté-sécurité » du Code des douanes communautaire (CDC). Le système de contrôle des importations : Import Control System (ICS). Pour en savoir plus suivez ce lien : www.douane. gouv.fr/articles/a12330-tout-savoir-sur-le-systeme-de-controle-des-importations-import-control-system-ics
• Au niveau de l’UE
Fin août 2014, une nouvelle communication sur la stratégie de gestion des risques en matière douanière à l’importation dans l’UE a été effectuée (COM 2014/527 : http://eur-lex.europa.eu), ainsi qu’un plan d’action dans le cadre de la mise en œuvre de CDU.
Les principales modifications législatives au CDU concernent :
• le DNL pour la sûreté des envois en aérien ;
• la fin des exemptions pour le fret postal et les envois de valeur négligeable (ou EVN) qui jusque-là étaient dispensés d’ENS ;
• la mise en place du « multiple filling » pour les modes maritime et aérien (chaque acteur étant responsable du message qu’il envoie).
Pour l’aérien, sont prévus :
• la fourniture de données brutes (annexe B des actes délégués du CDU) avant chargement à des fins de sûreté (DNL) ;
• un ENS « Full » (ou en morceaux « dual filling ») avant l’arrivée de l’aéronef ou un ENS « full pré-loading » à des fins de sûreté (DNL) et sécurité ;
Pour le maritime, sont prévus :
• un ENS Full et un ENS partiel (en morceaux) avec les mêmes délais applicables pour tous les messages (24 heures avant le chargement pour les conteneurs de longue distance, etc.). En ce qui concerne l’état d’avancement des travaux, l’objectif d’une « gestion coordonnée des frontières » est acté par une décision de décembre 2014 des États membres et de la Commission européenne. Il existe un accord pour restructurer le système ICS autour d’une base centrale européenne de collecte des données. Mais des interrogations demeurent s’agissant de la « réconciliation des données en provenance de plusieurs acteurs de la chaîne », de la protection des données, et de la coopération entre les 28 États membres en matière d’analyse de risques. Les travaux en cours, qui doivent peu à peu définir les méthodes à appliquer, vont courir de 2016 à 2020 ; les résultats de ces travaux sont attendus pour la fin 2020. La décision administrative de 2010 a été abrogée, révisée et remplacée par une nouvelle circulaire qui prend en compte la FAQ existante, l’identification des OEA tiers et, enfin, la déclaration sommaire de dépôt temporaire anticipée (DSDT) au niveau national à des fins de sécurité (Circ. min. 15 février 2015, NOR:FCPD1428917C, BOD n° 7052 du 4 février 2015)
Bernard Parent – Expert
(Sources : Europa et la Douane française)
Les chargeurs mis à contribution
Jusqu’à présent les chargeurs n’avaient rien à faire hormis payer, par leurs factures transitaires, une ligne ICS sur les données sûreté transmises par ces derniers à la Douane. Les mesures en gestation risquent de lourdement peser sur les épaules des chargeurs (données supplémentaires à la douane, connaître le numéro de connaissement avant expédition, relation avec le transporteur du fournisseur, etc.) si nous y ajoutons des informations spécifiques, comme l’identité des vendeurs et des acheteurs qui peuvent être différents des expéditeurs/destinataires !
Pour retrouver les 97 fiches douane précédentes cliquer ici