La Douane française est confrontée à deux enjeux : d’une part, apporter sa contribution à la compétitivité des entreprises et de leur chaîne logistique, d’autre part, mettre en œuvre l’agenda douanier européen sur la dématérialisation des procédures et l’agrément d’opérateur économique agréé (OEA). Jérôme Fournel, directeur général de cette administration de régulation des échanges, s’explique.
Le Moci. Où en sont les entreprises françaises sur l’agrément OEA par rapport à leurs voisines allemandes ou néerlandaises ? Beaucoup n’en percevaient pas les avantages au regard des contraintes imposées par cet agrément. La situation a-t-elle évolué ?
Jérôme Fournel. Les entreprises françaises ne sont pas à la traîne. Nous enregistrons un nombre croissant de demandes de statut OEA (plus de 550 à ce jour), même si nous sommes encore loin de l’Allemagne, qui a cependant trois fois plus d’entreprises exportatrices que la France. En 2011, nous allons intensifier notre action à destination des entreprises concernées par le statut d’OEA et les aider dans leurs démarches.
Le Moci. Le statut d’OEA est la traduction concrète, en Europe, des nouvelles exigences de sécurisation de la chaîne logistique au niveau mondial. Elle s’accompagne de nouvelles procédures communautaires liées à la sécurité-sûreté : l’ICS (Import Control System) et l’ECS (Export Control System), qui ont été mises en œuvre le 1er janvier 2011. Elles impliquent que la Douane fasse des analyses de risque préalables à l’octroi des autorisations d’entrée ou de sortie du territoire communautaire. Comment votre administration aide-t-elle les entreprises à s’y préparer ?
J. F. Le statut d’OEA va bien au-delà des nouvelles exigences de sécurisation de la chaîne logistique. C’est aussi, voire surtout, un label de fiabilité et de confiance décerné par les Douanes qui permet aux entreprises de bénéficier de procédures douanières simplifiées et de contrôles douaniers allégés. La douane française a préparé très activement les entreprises à ces nouvelles exigences, gage d’une meilleure compétitivité économique. Pendant presque deux ans, et tout au long de l’année 2010, la douane en a informé sans relâche les entreprises en France mais aussi dans les DOM et à l’étranger (Suisse, Tunisie, Maroc).
Elle a participé à de nombreux groupes de travail avec les fédérations professionnelles et les grandes plateformes logistiques (Roissy, Le Havre, Marseille) afin de prévenir les difficultés, de répondre aux questions des professionnels et de sécuriser leurs flux en tenant compte de leurs contraintes. La publication de la circulaire administrative ICS fin 2010 et d’un complément sous forme de foire aux questions début 2011 ont reçu un accueil très favorable auprès des professionnels.
Quant à la technique de l’analyse de risque, elle fait partie des outils utilisés tous les jours par les douaniers afin de cibler les contrôles sur les opérations les plus à risque, tout en permettant à plus de 95 % des opérations d’import et d’export de se dérouler en moins de 7 minutes (6 min 19 s très exactement).
Depuis le 1er janvier 2011, date d’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, les efforts consentis par la douane française et par les opérateurs ont porté. La France est en tête des États membres avec environ 120-130 000 déclarations hebdomadaires de sûreté-sécurité (ENS) déposées tout en contribuant à la fluidité des opérations de dédouanement.
Le Moci. La Douane française a opéré une mutation dans ses relations avec les entreprises. Elle se pose en administration à leur service plus qu’en administration de contrôle, et essaye de promouvoir une démarche de partenariat avec elles. Pour quelles raisons ? Reconquérir des « parts de marché » perdues ?
J. F. La Douane française est acteur de l’attractivité des plates-formes logistiques françaises et de la compétitivité de nos entreprises. Elle a depuis longtemps adapté les procédures douanières aux besoins des entreprises et créé des structures spécifiques : Pôles d’action économique, Mission grandes entreprises,
Mission TPE, cellules conseils, services d’audit, etc. Mais il est nécessaire d’aller plus loin pour trois raisons :
• améliorer la compétitivité logistique française, c’est renforcer la performance des entreprises, et
l’attractivité du pays ;
• devenir concurrentiel, c’est poursuivre la reconquête des envois destinés à notre pays et qui sont encore dédouanés dans d’autres États membres ;
• saisir l’opportunité du statut d’OEA, c’est distinguer les entreprises les plus fiables dans une démarche de partenariat renforcé. Ce mouvement s’accompagne d’une démarche qualité systématique : la démarche « 3 S » (simplicité, sécurité, service) lancée en concertation avec les entreprises.
Notre action est aujourd’hui reconnue dans certains classements internationaux : la douane française a ainsi progressé de 7 places dans le dernier classement du World Global Forum, soit la progression la plus importante des douanes des États membres.
Cette capacité de réguler les échanges, tout en apportant un service optimal aux opérateurs, s’appuie sur une approche globale de l’entreprise où la fluidité et la sécurité des opérations découlent d’une analyse systématique de ses forces et faiblesses et des risques qu’elle encourt. Le contrôle douanier, mieux ciblé et plus performant, est désormais un élément de sécurité de la chaîne logistique et s’intègre dans des logiques de traitement des risques élaborées en liaison étroite avec les responsables d’entreprises.
Le Moci. Comment aidez-vous les PME et les entreprises à réaliser de façon plus efficace leurs opérations de dédouanement ?
J. F. Tout d’abord, en mettant à leur disposition des outils leur permettant de sécuriser leur dédouanement : je pense notamment aux renseignements tarifaires contraignants (je rappelle que nous sommes la seule administration douanière disposant d’une certification de qualité en la matière) ou au statut d’opérateur économique agréé sur lequel nous allons particulièrement accentuer notre effort de promotion en 2011. C’est une véritable facilité pour l’opérateur qui en est bénéficiaire et c’est, de notre point de vue, la meilleure manière de le préparer au développement international inéluctable de la déclaration d’origine sur facture et de l’auto-certification de l’origine qui commencent à apparaître dans les accords de libre-échange.
En améliorant l’information disponible : nous avons revu notre site Internet en créant une rubrique dédiée
aux TPE-PME.
Enfin en allant au contact des PME. Chacun de nos pôles d’action économique s’est vu fixer un objectif de contacts personnalisés à atteindre (1 500 en 2010, 2 000 en 2011). La méthode de travail a déjà fait ses preuves puisque nous reprenons en l’adaptant la méthodologie développée par la Mission grandes entreprises.
Le Moci. Qu’en est-il du guichet unique ?
J. F. Les formalités liées aux opérations du commerce extérieur peuvent présenter aujourd’hui un caractère de complexité pour les entreprises. Pas moins d’une vingtaine d’administrations, organismes et agences délivrent au total 34 documents dits « d’ordre public » (DOP) au titre des réglementations que chacun est chargé d’appliquer et obligatoirement produits à l’appui de la déclaration en Douane. Alors que la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) a entièrement dématérialisé et automatisé son dédouanement via les télé-
procédures Delta, la suppression des
formalités manuelles ou papier doit
permettre de renforcer la compétitivité des entreprises. Projet interministériel confié à la Douane et lancé en juin 2010, le guichet unique national des formalités du commerce extérieur apporte une réponse adaptée à
travers deux chantiers :
• la simplification des réglementations applicables aux opérations d’importation et d’exportation. La DGDDI offrira en outre un accès facilité vers les sites d’information, les formulaires et les télé-services des
administrations partenaires ;
• l’interconnexion des systèmes informatiques des différentes administrations. Celle-ci permettra de dispenser l’opérateur de produire systématiquement son document d’accompagnement à l’appui de la déclaration en douane et permettra d’automatiser les contrôles documentaires. Elle sécurise le dédouanement tout en fluidifiant les flux de marchandises et constitue un outil efficace de régulation des échanges.
Les premières réalisations concrètes sont attendues en 2011 après les progrès déjà enregistrés dans le domaine vétérinaire (connexion Traces-Delta). La DGDDI travaille notamment à un interfaçage de Delta avec les systèmes d’information de la Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN) et de France Agrimer pour les certificats CITES destinés aux espèces protégées à l’importation et les certificats d’exportation de produits agricoles. D’autres réglementations et secteurs suivront, bien entendu. Je suis très attaché au développement de ce projet, qui est un vrai enjeu de performance pour la France.
Propos recueillis par G. N.