Forte du traité d’adhésion cosigné à Bruxelles le 9 décembre 2011 (1), la Croatie s’apprête à faire son entrée dans l’Union européenne (UE). Cette adhésion prenant effet le 1er juillet 2013, il paraît utile de découvrir dès à présent quelques aspects fondamentaux de l’adaptation croate à l’acquis communautaire, au plan des échanges commerciaux et de la libre circulation des marchandises.
Ce pays de près de cinq millions d’habitants bénéficie depuis le 1er janvier 2002 d’un accord de libre-échange avec l’Union européenne (2), en vertu duquel les échanges de produits originaires entre les parties profitent déjà d’une libéralisation quasi totale. Seuls certains produits agricoles restent soumis à des droits de douane, éventuellement réduits dans le cadre de contingents tarifaires.
L’acte joint au traité définit les conditions de l’adhésion et apporte les adaptations nécessaires au traité sur l’Union européenne (TUE), au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et au traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA ou Euratom). Le nouvel Etat membre sera, à la date effective de l’adhésion, lié par les dispositions de ces traités originaires.
A cette date, la Croatie intégrera pleinement l’Union européenne, son union douanière et son espace fiscal. Les échanges de marchandises en libre pratique entre les 27 et ce pays ne donneront donc plus lieu à l’établissement d’une déclaration en douane ni à la perception de droits de douane. Les déclarations d’échanges de biens (DEB) ou d’échanges de services (DES) devront par contre être établies comme c’est le cas dans les actuels échanges intracommunautaires.
Simultanément, la Croatie adoptera la politique extérieure commune de l’Union et le tarif extérieur commun (TEC). Elle se retirera ainsi de tout accord de libre-échange précédemment conclu par elle-même avec des pays tiers, comme l’accord de libre-échange de l’Europe centrale (CEFTA), et abrogera toute disposition prévue par d’autres accords qui ne serait pas compatible avec les conditions de l’adhésion. En outre, le nouvel Etat membre participera pleinement au système du transit communautaire dans sa version dématérialisée (NSTI) (3).
Le futur Etat membre intégrera l’Union économique et monétaire dès l’adhésion sous réserve de la dérogation relative à l’euro prévue par l’article 139 du TFUE (4), et adhérera aux accords commerciaux ou de partenariat conclus par l’Union avec les pays tiers. Il s’engage aussi à devenir partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), mais cette intégration ne sera effective qu’au terme d’un processus d’adhésion à l’EEE de quelques mois, tel que défini à l’article 128 de l’accord correspondant.
En termes de marché intérieur et sous réserve de quelques mesures transitoires évoquées in fine, l’acquis communautaire sera appliqué intégralement par la Croatie dès le 1er juillet 2013, l’annexe III de l’acte apportant à cet effet les adaptations nécessaires aux actes adoptés par les institutions.
Les articles 37 et 38 de l’acte prévoient les conditions dans lesquelles la Croatie ou un Etat membre peuvent solliciter l’application de mesures de sauvegarde en cas de difficultés graves dans un secteur de l’activité économique ou de dysfonctionnement sérieux du marché intérieur qui seraient imputables à l’adhésion. Mais ce recours ne pourra plus être exercé au-delà d’une période de trois ans suivant l’adhésion.
Les articles 41 et 42 de l’acte prévoient quant à eux la possibilité pour la Commission européenne d’adopter, pendant la période définie ci-dessus, toute mesure transitoire qui s’avérerait nécessaire lors de la mise en œuvre par la Croatie de la politique agricole commune (PAC) et des règles vétérinaires, phytosanitaires ou de sécurité alimentaire de l’Union. La Commission européenne devrait publier prochainement à ce titre, un règlement destiné à pallier les risques de détournement de trafic dans le cadre de la PAC. Il s’agit d’éviter notamment que des produits agricoles qui ont bénéficié de restitutions agricoles à l’exportation de l’Union avant le 1er juillet 2013 ne puissent bénéficier à nouveau de cet avantage au titre d’une exportation réalisée après l’adhésion.
Au moment de l’élargissement, les marchandises échangées entre l’Union à 27 et la Croatie, déclarées pour la mise en libre pratique alors qu’elles se trouvent en dépôt provisoire, sous un régime douanier suspensif ou simplement en cours de transport, ne bénéficieront de la franchise de droits de douane et d’autres mesures douanières que si elles respectent les conditions transitoires décrites à l’annexe IV partie 5 de l’acte. Toute preuve adéquate de l’origine préférentielle (certificats EUR 1, EUR-MED, ATR) ou du statut communautaire des marchandises, ou un carnet ATA délivré dans un Etat membre actuel ou en Croatie avant l’adhésion, sera à produire pour bénéficier de cette franchise.
Enfin, l’annexe V de l’acte détaille certaines mesures transitoires ou dérogatoires concédées à la Croatie dans les conditions qui y sont définies. Elles concernent notamment :
– la mise sur le marché croate à titre temporaire de médicaments autorisés selon les anciennes règles nationales (ces médicaments ne pourront bénéficier de la reconnaissance mutuelle dans les autres Etats membres);
– l’utilisation à titre temporaire pour les productions agricoles croates (y compris vitivinicoles) de certaines indications géographiques et appellations d’origine nationales;
– les dérogations temporaires au plan réglementaire pour certains établissements des secteurs de l’agroalimentaire (poules pondeuses, viandes, lait, poissons et sous-produits animaux) et des semences agricoles;
– les dérogations aux conditions d’organisation des contrôles vétérinaires pour les produits des pays tiers introduits dans la Communauté par la Croatie et transitant sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine (pays tiers à l’Union) via le corridor de Neum
– les dérogations temporaires dans le domaine fiscal : droits d’accise sur les tabacs et certaines conditions de déduction ou d’exonération de la TVA.
Claude Fabre
Responsable de collection « Actualités Réglementaires »
(1) Voir le JOUE L 112 du 24 avril 2012.
(2) Voir le n° 4-0330 de l’ouvrage Actualités Réglementaires
(3) NSTI : Nouveau système de transit informatisé. A noter : suite à sa récente adhésion à la convention de 1987 sur le transit commun, la Croatie participe depuis le 1er juillet 2012 à ce dernier régime (voir la décision 2012/379/UE parue au JOUE L 182 du 13 juillet 2012).
(4) Sans préjudice de l’adoption ultérieure de l’euro par la Croatie, le kuna restera donc la monnaie officielle croate au-delà du 1er juillet 2013.