La maîtrise des accords de libre-échange (ALE) « est un facteur de compétitivité essentiel », a lancé Nicole Bricq, ministre du Commerce extérieur, à l’ouverture d’une journée Douane-Entreprises destinée à informer les entreprises sur les opportunités de ces ALE et la maîtrise des règles d’origine des produits qui leur sont étroitement liées, ainsi que les aides possibles de la part des pouvoirs publics. Cette journée a rassemblé près de 300 professionnels et responsables de services douanes d’entreprises à Bercy.
Nicole Bricq plaide pour le statut d’exportateur agréé
La ministre, qui a tenu à assister à la totalité de la première table ronde, consacrée aux opportunités d’affaires liées aux ALE, a insisté sur la nécessité, pour les entreprises françaises, de s’y intéresser beaucoup plus. Elle a aussi insisté sur l’utilité des agréments européens qui en accentuent les avantages pour les facilitations des procédures douanières. Nicole Bricq s’est notamment arrêtée sur le statut d’exportateur agréé, qui devait faire l’objet d’une présentation détaillée dans la matinée.
Ce statut, encore insuffisamment adopté en France, permet a l’entreprise qui le détient de bénéficier pleinement d’un ALE comme celui signé avec la Corée du Sud. Car les Sud-Coréens ont réservé un énorme avantage aux exportateurs agréés : elles n’ont plus besoin d’apporter les preuves de l’origine européenne des produits qu’elles veulent exporter en Corée du Sud, une simple déclaration d’origine sur facture suffit . « Non seulement il faut maîtriser les règles d’origine, mais ils faut aussi se simplifier les démarches administratives et sécuriser les transactions », a plaidé la ministre, avant d’inciter les entreprises à utiliser d’avantage les outils de la douane, « qui est au cœur de la compétitivité des entreprises ».
L’Union européenne a déjà signé 29 ALE et en négocie 16 autres
Des encouragements qui viennent à point nommé. Face au blocage du cycle de négociations multilatérales lancé par l’OMC en 2001 à Doha, les ALE bilatéraux ou régionaux ont proliféré ces dernières années : 132 accords bilatéraux sont entrés en vigueur dans le monde depuis 2005, portant à 248 le nombre d’ALE « actifs » aujourd’hui. Si l’Asie est très active, l’Union européenne n’est pas en reste qui a déjà signé 29 accords de ce type et est en train d’en négocier 16 autres. Selon des estimations de la Commission européenne, les 29 ALE déjà conclus, qui concernent 56 pays, couvrent 25 % des exportations communautaires, et avec les 16 autres, cette part serait portée à 50 %.
L’ALE UE/Corée du Sud est en vigueur depuis 2011, plusieurs autres ALE ont été signés depuis, dont certains ratifiés par la France, d’autres sont sur le point de l’être – Colombie, Pérou, Singapour, Moldavie, Biélorussie, Nicaragua, Honduras. Sont attendus pour début octobre Costa Rica et Salvador… Sans compter qu’à partir du 28 novembre, la Commission lancera les négociations pour des ALE « complets et approfondis » avec plusieurs pays ayant déjà des accords tels que Géorgie, Moldavie ou Ukraine.
« Dans les objectifs de l’UE aujourd’hui, il y a bien sûr l’élimination de tous les pics tarifaires sur des périodes allant de 2 à 7 ans. Mais il y a surtout, de plus en plus, un volet non tarifaire qui revient à négocier une reconnaissance mutuelle de nos normes dans de nombreux domaines », a rappelé Étienne Oudot de Dainville, sous-directeur de la politique commerciale et de l’investissement à la DG Trésor. Et d’égrener les nouveaux domaines que Bruxelles inclut désormais dans les négociations ALE : normes sanitaires et phytosanitaires, accès aux marchés publics, reconnaissance des indications géographiques, protection de la propriété intellectuelle…
Ce que les entreprises peuvent attendre des pouvoirs publics
Concrètement, que peuvent attendre les entreprises du ministère et de l’administration dans ce domaine ?
Pour Nicole Bricq, le volet politique : il se passe à Bruxelles, où elle essaye de peser sur les orientations de la Commission européenne et veille à la transparence des négociations que celle-ci mène dans le cadre des mandats qui lui sont confiés par le Conseil. Son souci, a-t-elle rappelé, c’est de veiller aux respect des intérêts offensifs et défensifs de la France, mais aussi d’ obtenir un « cadre équilibré », c’est à dire faisant respecter la réciprocité des engagements des parties.
D’où le lancement de consultations publiques sur les accords particulièrement importants comme avec les États-Unis ou le Japon, car « à ce niveau, les enjeux sont démocratiques », a indiqué la ministre. Le 8 octobre, elle lancera officiellement le comité de suivi du mandat de la Commission européenne sur le TTIP. En France, Nicole Bricq œuvre aussi pour appuyer les efforts de la Douane pour se rapprocher encore des entreprises et leur simplifier la vie : elle a notamment intégré la promotion du statut d’exportateur agréé dans le train de réformes visant à simplifier les démarches des entreprises.
Mais « au quotidien », c’est la DG Trésor qui assure le suivi de ces négociations et la veille sur l’application effective des accords -un sujet tout aussi crucial que leur négociation -. C’est à elle aussi que revient la mission de faire remonter les problèmes, lorsqu’ils se posent. Quant à la Douane, non seulement c’est elle qui délivre les agréments douaniers communautaires comme celui d’Exportateur agréé, mais elle peut, sur le terrain, fournir conseils et accompagnements aux entreprises. A commencer par le classement tarifaire des marchandises et la délivrance de « renseignements contraignant sur l’origine (RCO) » des produits, deux « outils gratuits », a rappelé Jean-Michel Thillier, sous-directeur du Commerce international à la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI). Et deux bases essentielles pour lancer un produit à l’international et optimiser droits de douane et procédures, à l’export comme à l’import…
Christine Gilguy