La situation au Brésil, République fédérale composée de 26 États et d’un district fédéral, n’est pas uniforme. Si le président Bolsonaro a refusé d’imposer un confinement total aux 210 millions de Brésiliens face à l’expansion de la pandémie de Covid-19, les États fédérés, voire les municipalités ont pris des mesures de confinement partiel, désorganisant la production.
Fin mars, Renault annonçait ainsi la fermeture de ses usines en Amérique latine, dont ses quatre sites à Curitiba, capitale de l’État de Paraná.
La situation est évolutive : alors que l’État de São Paulo serait le plus touché par la pandémie, sous la pression des petits entrepreneurs et des travailleurs du secteur informel qui vivent au jour le jour, la municipalité de São Paulo vient d’annoncer un déconfinement autour de la mi-mai. Une nouvelle qui a surpris alors que l’épidémie gagne du terrain.
D’après l’Université Johns Hopkins, référence mondiale en matière de suivi des victimes de la pandémie, au 30 avril, le Covid-19 avait officiellement fait 5 513 victimes au Brésil, pour 79 685 cas confirmés.
Pour faire le point sur la circulation des marchandises, Le Moci a fait appel à trois experts : Mélanie Lacuire, attachée douanière à l’ambassade de France au Brésil ; Joël Glusman, président de la commission Overseas du Syndicat des commissionnaires de transport (TLF) et du spécialiste du transport international Crystal Group ; et Celia Pinho, directrice générale d’ILS Cargo Group, entreprise de logistique basée à Sao Paulo qui a créé une joint-venture avec Qualitair&Sea, filiale de Crystal Group.
1/ Les capacités de transport international : sous tension
Les ports brésiliens fonctionnent pratiquement normalement, avec un nombre quasi-nul de ralentissements ou blocages, tant à l’exportation qu’à l’importation. « Dans le transport maritime, constate Melanie Lacuire, certaines filières export comme l’automobile ou encore la filière bois sont à l’arrêt, mais les armateurs, CMA CGM notamment, se sont adaptés en proposant à leurs clients des routes plus longues ou des possibilités d’entreposage spéciales pour limiter les coûts ».
En revanche, selon elle, « le fret aérien subit une forte pression sur l’offre avec des délais importants et une augmentation des prix ».
Aujourd’hui, moins de 10 % des vols d’Air France KLM sont assurés vers la France et la quasi-fermeture des vols de passagers – qui permettent le transport de colis légers en temps normal- freine l’approvisionnement de certains produits légers.
Joël Glusman expose : « Aujourd’hui, notre principal problème, pour notre activité aérienne, c’est de trouver une compagnie aérienne pour le Brésil. Ainsi, la capacité a chuté drastiquement de cinq vols par jour à un ou deux par semaine pour le Brésil, si bien que nous devons trouver de nouvelles routes, via le Luxembourg, via encore le Qatar et Dubaï, et que les prix ont été multipliés par trois, voire par cinq. Pour illustrer cette augmentation des prix, il y a quelques semaines, nous avons organisé une opération à destination d’Auckland en Nouvelle-Zélande et le prix en temps normal de 2,25 euros par kilo était passé à 9 euros ».
2/ Le commerce extérieur est-il à l’arrêt ?
Globalement, le commerce extérieur du Brésil n’a pas fondu, bien au contraire.
D’après la base de données GTA (groupe IHS Markit) spécialisée dans le commerce extérieur, au premier trimestre 2020, les exportations sont restées stables et les importations ont augmenté de 7,48 % par rapport à la période correspondante de 2019. Avec des fortunes diverses selon les secteurs.
En particulier, si les importations brésiliennes ont baissé de 11 % dans les combustibles et de 15 % dans l’automobile, le matériel électrique a gagné 4 % et, surtout, la mécanique a bondi de 50 %.
S’agissant des exportations brésiliennes, la mécanique, l’automobile, la pâte de bois ou encore la navigation aérienne ont perdu entre 13 et 29 %, alors que les minerais se sont maintenus et que les combustibles, les graines-fruits-oléagineux et les viandes et abats ont progressé de 12 à 33 %.
Autre phénomène, le boom de l’e-commerce d’environ 40 % depuis le début de la crise sanitaire. « Un phénomène durable », selon Celia Pinho, qui « doit nous amener à réfléchir à l’avenir », ajoute la directrice générale d’ILS Cargo.
3/ Les principaux points d’entrée
Pour toutes les demandes de matières premières destinées aux industries lourdes, c’est la voie maritime qui est empruntée. Et en l’occurrence, le Brésil ne manque pas de ports, pas seulement Santos dans l’État de São Paulo, mais aussi tous ceux de la côte ouest, allant de Salvador dans le Nordeste à Rio Grande dans le Rio Grande do Sul, en passant par Rio de Janeiro.
Pour la pharmacie, la cosmétique ou encore l’industrie aéronautique et spatiale, les principaux aéroports sont São Paulo-Guarulhos International (GRU) et Rio de Janeiro Galeao Antonio Carlos Jobim (GIG).
4/ Les conditions de dédouanement
Aujourd’hui, le dédouanement au Brésil, pour toute expédition aérienne et tout produit, est d’environ 6 heures après l’entrée en douane, maximum 12 heures après l’arrivée du vol.
« Cela dépend beaucoup plus de l’importateur que des douanes », affirme Celia Pinho, qui précise qu’ILS Cargo a été cité pour la troisième année consécutive pour le dédouanement le plus performant, réalisé en six heures à l’aéroport GIG. L’entreprise brésilienne dédouane des parfums, pièces détachées pour les industries lourdes, l’aéronautique et l’automobile.
Les droits de douane doivent être acquittés avant que la cargaison ne soit libérée. Selon Celia Pinho, « les retards, la paperasserie, c’est du passé et les procédures de dédouanement s’améliorent tous les ans, avec l’intégration de nouveaux dispositifs informatiques ». Posséder une signature électronique est possible.
Important : pour les produits et équipements médicaux liés à la lutte contre le Covid-19, le dédouanement à l’arrivée de la marchandise fait l’objet de facilités douanières que nous avons détaillées dans une précédente fiche. Il est prévu que tous les biens fassent l’objet à l’avenir d’un dédouanement anticipé.
Certaines importations sont encore retardées, en raison de l’indisponibilité de personnel, mais les dédouanements peuvent être aussi, à l’occasion, accélérés. Les produits de base peuvent notamment en profiter.
4/ Le transport domestique
Le transport routier est très largement utilisé au Brésil, le camion représentant 90 % du trafic intérieur. Et à l’inverse du transport de passagers, très perturbé, la circulation des marchandises est normale. Le ralentissement global de l’activité économique poussant, toutefois, la demande à la baisse, les prix du fret peuvent reculer.
Le transport aérien, à l’international comme sur le marché domestique, a fortement reculé du fait de la forte réduction des dessertes et des capacités. Du coup, les prix du fret aérien se sont envolés : d’après une compagnie brésilienne, les prix dans ce mode de transport ont été multipliés par huit.
Pour plus d’informations :
– Contact de l’attachée douanière à l’ambassade de France au Brésil : [email protected]
– Site de Crystal Group : https://crystalgroup.fr/
– Site d’Ils Cargo : https://www.ilscargo.com/en