La Banque mondiale (BM) vient de revoir à la baisse ses prévisions de croissance de l’économie mondiale de 2,9 à 2,4 %. En cause : « les taux de croissance anémiques enregistrés dans les économies avancées, la faiblesse persistante des prix des produits de base, l’atonie du commerce mondial et la diminution des flux de capitaux » souligne l’institution financière internationale dans un communiqué diffusé à l’occasion de la publication de son rapport de printemps sur les Perspectives de l’économie mondiale*.
Mais la moitié de cette baisse est attribuée aux contrecoups de la chute des prix matières premières dans les pays émergents et en développement exportateurs de ces produits de base, qui « ont du mal à s’adapter à la faiblesse des cours du pétrole et d’autres produits essentiels » explique le communiqué. Parmi les BRICS, le taux de récession a ainsi été revu à la hausse pour le Brésil (à -4 %) et la Russie (à -1,2 %), le retour à la croissance n’étant attendu qu’en 2017.
La Chine ralentit, l’Inde accélère
Ce qui inquiète les instances dirigeantes de la BM : « Ce ralentissement démontre l’importante nécessité pour les pays d’appliquer des politiques qui favorisent la croissance économique et améliorent les conditions de vie des personnes vivant dans une pauvreté extrême, avertit le président de la Banque Jim Yong Kim. La croissance reste le principal déterminant de la réduction de la pauvreté, et c’est la raison pour laquelle nous sommes très inquiets de la voir ralentir brusquement dans les pays en développement exportateurs de produits de base en raison de la faiblesse des prix dans ce secteur ».
Un bémol toutefois à cette vision pessimiste : les pays émergents et en développement importateurs de ces produits –à l’instar de la Chine (qui ralentit à +6,7 % en 2016 au lieu de 6,9 %) et de l’Inde (qui doit accélérer à +7,6 %)- sont « plus résilients », même si « les effets positifs de la baisse des prix des produits énergétiques et d’autres tardent à se matérialiser ».
A condition que l’endettement privé reste maîtrisé. Pour Kaushik Basu, économiste en chef et premier vice-président de la BM « l’accumulation rapide de créances privées dans bon nombre d’économies émergentes et de pays en développement incite à la prudence. Dans le sillage d’une envolée des emprunts, il n’est pas inhabituel de voir les prêts bancaires improductifs quadrupler en pourcentage des prêts bruts. »
L’Amérique du sud chute, l’Afrique ralentit, Asie tient bon, le Moyen Orient résiste
Dans tous les cas, il faudra donc attendre 2017 pour que les pays en récession renouent avec des taux de croissance positifs et que ceux en phase de ralentissement se remettent à accélérer.
Voici, zone par zone, les prévisions de croissance pour une sélection de pays émergents et en développement (il s’agit de taux de croissance du PIB aux prix du marché, en dollars, base 2010) :
-Afrique sub-saharienne : composée de nombreux pays producteurs de matières premières touchées par la chute des prix, la croissance de cette zone ralentit, avec une prévision ramenée à 2,5 % cette année, contre 3 % précédemment. En cause, le maintien des prix des produits de base à des niveaux bas. Mais de fortes divergences de prévisions apparaissent entre pays producteurs et pays importateurs d’énergie, notamment. Pour les principaux pays les prévisions de croissance 2016 sont : Afrique du sud 0,6 % ; Angola 0,9 % ; Bénin 5,5 % ; Burkina Faso 5,2 % ; Cameroun 6 % ; République démocratique du Congo 6,3 % ; Congo 3,8 % ; Côte d’Ivoire 8,5 % ; Ethiopie 7,1 % ; Gabon 3,9 % ; Ghana 5,2 % ; Guinée 4 % ; Kenya 5,9 % ; Madagascar 3,7 % ; Mali 5,3 % ; Mauritanie 4,2 % ; Mozambique 5,8 % ; Nigeria 0,8 % ; Ouganda 5 % ; Rwanda 6,8 % ; Sénégal 6,6 % ; Soudan 3,3 % ; Sud Soudan 3,5 % ; Tanzanie 7,2 % ; Tchad -0,4 % ; Togo 5,6 %.
-Amérique latine et Caraïbes : en plus de 30 ans, c’est la première fois, souligne la BM, que cette zone est en récession globale deux années de suite avec -1,3 % en 2016, après -0,7 % en 2015, une reprise progressive de la croissance étant attendue à partir de 2017. La prévision pour l’Amérique du sud, qui tire la tendance, est de -2,8 %, alors que la croissance reste positive dans le reste de cette sous-région au Mexique (2,7 % prévu), en Amérique centrale (2,6 %) et dans les Caraïbes. Pour les principaux pays les prévisions de croissance 2016 sont : Argentine -0,5 % ; Brésil -4 % ; Chili 1,9 % ; Colombie 2,5 % ; Costa Rica 3,3 % ; République dominicaine 5% ; Honduras 3,4 % ; Jamaïque 1,5 % ; Mexique 2,7 % ; Nicaragua 4,4 % ; Panama 6 % ; Paraguay 3% ; Pérou 3,5 % ; Uruguay 0,7 % ; Venezuela -10,1 %.
-Asie de l’Est et Pacifique : cette zone est relativement résiliente, la prévision de croissance est maintenue à 6,3 % pour 2016 (et 4,8 % hors Chine) en raison du ralentissement de la Chine (à 6,7 %). Pour les principaux pays les prévisions de croissance 2016 sont : Indonésie 5,1 % ; Malaisie 4,4 % ; Mongolie 0,7 % ; Myanmar 7,8 % ; Philippines 6,4 % ; Thaïlande 2,5 % ; et Vietnam 6,2 %.
-Asie du sud : cette région, à l’instar de l’Inde qui en est la première puissance économique, qui profite à plein de la baisse des prix de l’énergie et caracole en tête des taux de croissance les plus élevés, tirés par la consommation. Pour les principaux pays les prévisions de croissance 2016 sont : Afghanistan 1,9 % ; Bangladesh 6,6 % ; Inde 7,5 % ; Sri Lanka 5,3 %. Le Pakistan est sur un rythme de l’ordre de 4,5 % sur l’année fiscale 2016/2017.
-Europe et Asie centrale : plombée par la Russie et les effets de la chute des prix des produits pétroliers et gaziers, la croissance économique de cette zone est prévue désormais à 1,2 % en 2016 par la BM, soit 0,4 points de pourcentage en mois par rapport aux prévisions de janvier. Pour les principaux pays les prévisions de croissance 2016 sont : Azerbaïdjan 1,9 % ; Biélorussie -3 % ; Bulgarie 2,2 % ; Croatie 1,9 % ; Géorgie 3 % ; Hongrie 2,6 % ; Kazakhstan 0,1 % ; Pologne 3,7 % ; Roumanie 4 %, Russie -1,2 % ; Serbie 1,8 % ; Tadjikistan 4 % ; Turquie 3,5 % ; Turkménistan 5 % ; Ukraine 1 % ; Ouzbékistan 7,3 %.
-Moyen Orient et Afrique du Nord : la prévision de croissance de la BM est ramenée à 2,9 % pour 2016, au lieu de 4 % en janvier, avec un prix moyen du baril de brut qui restera bas, à 41 dollar selon la BM, le rebond n’étant pas attendue avant 2017, à la faveur d’une remontée des cours. Pour les principaux pays les prévisions de croissance 2016 sont : Algérie 3,4 % ; Arabie Saoudite 1,9 % ; Bahreïn 2,2 % ; Djibouti 2,2 % ; Egypte 3,8 % ; Emirats arabes unis 2 % ; Iran 4,4 % ; Irak 7,2 % ; Jordanie 3 % ; Koweït 1,3 % ; Liban 1,8 % ; Maroc 1,7 % ; Oman 1,6 % ; Qatar 3,3 % ; Tunisie 1,8 %.
C.G
*Global Economic Prospects: Divergences and Risks, June 2016. Plus d’infos sur le site de la Banque mondiale : www.worldbank.org/en/publication/global-economic-prospects