L’Union européenne (UE) et la Chine ont enfin conclu avec succès, juste avant le nouvel an, les négociations lancées en 2014 pour aboutir à un accord global sur les investissements (AGI) permettant une plus grande ouverture réciproque – et surtout côté chinois – aux investissements originaires des deux blocs.
Selon un communiqué de la Commission européenne publié le 4 janvier, il s’agit pour le moment d’un accord « sur le principe », scellé lors d’une réunion le 30 décembre entre le président chinois Xi Jinping, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, le président du Conseil européen Charles Michel, la présidente en exercice du conseil de l’UE Angela Merkel et le président français Emmanuel Macron.
La conclusion de cet accord était une des priorités de la présidence allemande de l’UE, avant de passer le relais au Portugal. Les Européens tiennent particulièrement à un tel accord pour permettre un rééquilibrage des relations commerciales et économiques entre les deux blocs.
D’après les statistiques européennes, entre 2000 et fin septembre 2020, les investissements directs cumulés des Européens en Chine ont atteint 181 milliards de dollars (Md USD) pour l’UE-27 auxquels il faut ajouter 31 Md USD pour le Royaume-Uni. Quant aux investissements chinois, ils ont atteint sur la même période un montant cumulé de 138 Md USD dans l’UE-27, auxquels il faut ajouter 59 Md USD au Royaume-Uni.
Dans les grandes lignes, la Chine a pris des engagements dans deux grands domaines : un meilleur accès au marché grâce à l’ouverture de nouveaux secteurs et une concurrence plus loyale reposant notamment sur le respect de normes environnementales et sociales.
Accès au marché : ouverture sur l’industrie et les services
Concernant l’accès au marché, la Chine s’est engagée à garantir un niveau d’accès plus élevé en ouvrant d’avantage le secteur manufacturier, un secteur clé pour les Européens qui y concentrent la moitié de leurs investissements en Chine (dont 28 % pour le secteur automobile et 22 % pour les matériaux de base).
Sont concernés par cette nouvelle ouverture sont la production de voitures électriques, de produits chimiques, d’équipements de télécommunications et d’équipements médicaux.
La Chine a également pris des engagements concernant les investissements européens dans divers secteurs de services, tels que les services en nuage (cloud), les services financiers, les soins de santé privés, les services environnementaux, le transport maritime international et les services liés au transport aérien.
Traitement plus équitable, concurrence plus loyale
Concernant la concurrence, Pékin s’est engagée à garantir un traitement équitable pour les entreprises de l’UE afin qu’elles puissent affronter la concurrence locale dans des conditions plus équilibrées.
Cet engagement couvre la promesse de mise en œuvre d’une meilleure discipline par les entreprises publiques chinoises, et notamment qu’elles ne prennent leurs décisions « que sur la base de considérations commerciales », et qu’elles ne discriminent pas les entreprises européennes auxquelles elles achètent des biens et services disciplines pour les entreprises publiques. A cet égard, la Chine s’est engagée à partager ses informations avec l’UE et à organiser des consultations si le comportement d’une entreprise publique affecte les investisseurs européens.
La Chine s’est également engagée à appliquer plus de transparence dans les subventions publiques octroyées dans le secteur des services et, comme précédemment, à partager ses informations et participer à des consultations si certaines subventions ont un impact négatif sur les investissements européens.
Par ailleurs, Pékin s’est engagé à prohiber tout transfert de technologie forcée, à ne pas faire d’interférence en matière de liberté contractuelle pour l’octroi de licence technologique, et enfin à protéger les informations commerciales confidentielles.
En matière de normalisation, la Chine assurera une égalité d’accès aux organismes de normalisation et améliorera la prévisibilité des autorisations. Elle s’est aussi engagée à améliorer la sécurité juridique des entreprises européennes grâce à l’application de règles de transparence pour les mesures administratives et règlementaires.
Enfin, the last but not the least, et pour la première fois, selon la Commission européenne, la Chine a accepté des dispositions ambitieuses en matière de développement durable. Concrètement, elle s’est engagée à ratifier et respecter les conventions fondamentales pertinentes de l’OIT (Organisation internationale du travail), notamment sur le travail forcé.
La Chine a également pris l’engagement de mettre en œuvre l’accord de Paris sur le climat.
Enfin, l’accord prévoit une procédure de règlement des différents transparente par la mise en place d’un groupe d’expert dédié et avec la participation de la société civile.
« Un accès sans précédent au marché chinois »
Côté européen, cet accord est considéré comme une avancée majeure dans la stratégie de rééquilibrage des relations économiques et commerciales bilatérales.
« L’accord conclu aujourd’hui est un jalon important dans nos relations avec la Chine et pour notre programme commercial fondé sur des valeurs, a résumé Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. Il offrira aux investisseurs européens un accès sans précédent au marché chinois, ce qui permettra à nos entreprises de se développer et de créer des emplois. Il engagera également la Chine à respecter des principes ambitieux en matière de durabilité, de transparence et de non-discrimination. L’accord permettra de rééquilibrer nos relations économiques avec la Chine. »
De son côté, Valdis Dombrovskis, vice-président exécutif et commissaire au commerce a notamment souligné que « cet accord donnera un coup de fouet aux entreprises européennes sur l’un des marchés les plus importants et les plus dynamiques au monde, en les aidant à être actives et compétitives en Chine.»
Les prochaines étapes
Quel vont être les prochaines étapes du calendrier pour la mise en œuvre effective de l’AGI ?
Selon la Commission européenne, qui ne donne aucune nouvelle date précise, le texte de l’accord va être finalisé par les deux parties puis faire l’objet d’un examen juridique et être traduit des deux côtés. Ensuite, côté UE, il sera soumis à l’approbation du Conseil de l’UE et du Parlement européen. Un processus qui devrait durer plusieurs mois.
Du reste, les négociations vont se poursuivre sur le cadre juridique des investissements et le mécanisme de règlement des différends. Ainsi, l’accord global prévoit que les deux parties s’engagent à essayer de mener à terme, dans un délai de deux ans à compter de sa signature, les négociations sur la protection des investissements et sur le règlement des différends en matière d’investissements.
L’objectif commun est, selon la Commission européenne, « d’œuvrer à la modernisation des normes de protection et à l’établissement d’un système de règlement des différends qui tienne compte des travaux entrepris dans le cadre de la CNUDCI (Commission des Nations unies sur le droit commercial international) sur un tribunal multilatéral des investissements ». Dans ce domaine, l’objectif de l’UE reste de moderniser et de remplacer les traités bilatéraux d’investissement conclus par les États membres avec la Chine.
A suivre…
C.G
Plus de détails sur les éléments clés de l’AGI sur le site de la Commission européenne : cliquez ICI