Après des négociations tendues qui ont duré plus d’un an, les États-Unis et le Mexique sont donc parvenus à conclure un accord commercial devant se substituer à l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena ou NAFTA pour le sigle anglais) en vigueur depuis le 1er janvier 1994. Certains observateurs y voient d’ailleurs la fin de cet accord trilatéral, associant également le Canada.
L’annonce de la conclusion de l’accord a été faite à Washington le 27 août par le président américain, Donald Trump. Pour l’instant « bilatéral », en attendant de voir la position du Canada, signataire de l’Alena, qui a rejoint cette semaine la table des négociations après deux mois de suspension, le nouvel accord vise à promouvoir des échanges réciproques plus équitables et mutuellement bénéfiques pour les États-Unis et le Mexique.
Cet accord comporte plusieurs volets et touche différents secteurs industriels et agricoles qui impactent les entreprises locales et étrangères qui ont investi dans ces secteurs, notamment au Mexique. Quels sont les objectifs et les détails de l’accord ?
Le président américain veut un simple ‘accord commercial États-Unis-Mexique’
Côté américain, ce nouvel accord commercial vise surtout à « mettre à jour » avec « des dispositions modernes représentant un accord de haut niveau du XXIe siècle » l’Alena, un traité signé il y a 24 ans, et que le président américain a toujours qualifié « de pire accord de l’histoire » pour son pays. Deux jours seulement après son investiture, le 20 janvier 2017, le nouveau locataire de la Maison Blanche annonçait ainsi son intention de renégocier cet accord de libre-échange estimant qu’il encourageait les délocalisations des emplois manufacturiers américains au Mexique, pays qui a fait le choix des salaires bas.
Le président Trump, partisan d’une politique commerciale bilatérale, souhaite rebaptiser ce “deal” ‘accord commercial États-Unis-Mexique’, et n’envisage pas pour l’heure d’en faire un accord trilatéral en y intégrant le Canada. Il devra contribuer à une croissance économique robuste en Amérique du Nord.
Automobile : 75 % du contenu des automobiles devra être fabriqué aux États-Unis et au Mexique
Pour l’industrie, le secteur automobile est particulièrement visé. Cet accord vise à encourager l’industrie manufacturière américaine « en exigeant que 75 % du contenu automobile soit fabriqué aux États-Unis et au Mexique » pour bénéficier de droits nuls à l’import, contre 62,5 % actuellement, selon les textes rendus publics le 27 août par le Bureau du représentant américain au commerce.
À cet égard, les États-Unis et le Mexique ont mené des discussions de fond sur les nouvelles règles d’origine et les procédures d’origine, y compris les règles spécifiques aux produits pour les voitures de tourisme, les camions légers et les pièces automobiles. Cette mise à jour des règles d’origine doit notamment aider à préserver et à relocaliser la production de véhicules et de pièces détachées aux États-Unis. Elle vise également à « combler les lacunes de l’accord actuel sur l’Alena qui a encouragé les bas salaires dans la production d’automobiles et de pièces », précise le texte.
Pour soutenir les emplois nord-américains, l’accord exige par ailleurs que les nouvelles règles d’origine commerciales entraînent des salaires plus élevés « en exigeant que 40 à 45 % du contenu automobile soit généré par des travailleurs gagnant au moins 16 USD par heure », précise encore le texte de l’accord.
Agriculture : maintien de droits de douane nuls
Le projet d’accord se veut également en faveur des agriculteurs, des éleveurs et des acteurs de l’industrie agroalimentaires américains. Dans le nouvel accord « d’importantes améliorations » devraient ainsi être apportées à l’Alena pour permettre un commerce plus équitable des produits alimentaires et agricoles selon le Bureau du représentant au commerce.
Néanmoins, dans le cadre de l’accord modernisé, les droits de douane sur les produits agricoles échangés entre les États-Unis et le Mexique resteront à zéro. Surtout, les deux pays ont accepté plusieurs dispositions visant à réduire le recours aux politiques ayant des effets de distorsion des échanges. L’accord stipule ainsi que les deux pays ne devront pas utiliser les subventions à l’exportation ou les garanties agricoles spéciales de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour les produits exportés sur leur marché respectif.
Autre nouveauté, les deux partenaires ont convenu de normes d’indication géographique (IG) qui améliorent la transparence des procédures d’opposition et de radiation pour les indications géographiques, une première. Ils ont également convenu pour la première fois de ne pas restreindre l’accès au marché mexicain pour les fromages américains étiquetés avec certains noms.
Quid de la position canadienne ?
Reste désormais à savoir si le Canada, premier client à l’export des États-Unis (250 milliards de dollars d’importations américaines en 2017, selon les données de la base de statistiques GTA-IHS Markit), va intégrer cet accord commercial.
Le Mexique souhaite en effet que le Canada soit signataire de ce nouvel accord comme du temps de l’Alena. Le président mexicain Enrique Peña Nieto qui s’est entretenu par téléphone avec Donald Trump le jour même de l’annonce de la conclusion de l’accord, lui a ainsi rappelé son souhait d’intégrer le Canada à l’accord conclu entre leur deux pays. Un scénario auquel n’est pas totalement fermé le locataire de la Maison Blanche à condition toutefois que le Canada négocie « équitablement ».
Le Canada impose des droits d’importation élevés pour les produits laitiers qui demeurent un point de blocage dans les négociations avec Washington. « Ils ont (le Canada) des droits de douane de près de 300 % sur certains de nos produits laitiers (…) Nous n’allons pas défendre cela », a affirmé le président Trump à Enrique Peña Nieto.
À l’annonce de cet accord conclu entre les États-Unis et le Mexique, Ottawa a dépêché dans la capitale américaine sa ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, qui a annulé une visite en Ukraine et en France, le 28-29 août, pour se rendre à Washington, où elle a rencontré le représentant américain au Commerce Robert Lighthizer et l’équipe mexicaine de négociateurs. Le Premier ministre canadien Justin Trudeau a évoqué le 29 août la « possibilité » d’un accord d’ici demain 31 août sur la révision du traité de libre-échange nord-américain, informe une dépêche de l’AFP. « Mais c’est seulement une possibilité car cela dépendra s’il s’agit ou non d’un bon accord pour le Canada », a indiqué le dirigeant canadien.
Venice Affre