Il y a un contexte diplomatique tendu en raison de l’annexion de la Crimée en 2014, avec des sanctions économiques européennes ciblées qui frappent la Russie et, en retour, des restrictions russes à l’importation qui frappent certains produits alimentaires européens. Sans compter les sanctions économiques américaines, qui viennent d’être aggravées par le Congrès américain. Mais pour Bruno Le Maire, « nous avons besoin d’être réalistes, et de continuer à développer et approfondir nos relations dans les domaines où nous le pouvons. Et il y en a beaucoup. Economie, culture, innovation, recherche- nous pouvons continuer à améliorer la situation ».
C’est ainsi que le ministre français de l’Economie et des finances, a expliqué, dans un discours prononcé en anglais devant les étudiants de l’Ecole supérieure d’économie russe, à Moscou, la volonté de son gouvernement de relancer la coopération économique et les échanges bilatéraux entre la France et la Fédération de Russie.
Le patron de Bercy s’est rendu à Moscou les 19 et 20 décembre pour marquer cette volonté de réchauffement et assurer la co-présidence, avec son homologue russe Maxime Orechkine, ministre du Développement économique, de la 23ème réunion du CEFIC (Conseil économique financier, industriel et commercial franco-russe). Le CEFIC est la principale instance bilatérale de dialogue économique sur de multiples secteurs de coopération : une réunion s’était déjà déroulée à Paris début 2017, juste avant l’élection présidentielle et le changement de majorité en France. De quoi préparer, aussi, la prochaine visite d’Emmanuel Macron, la participation du président français étant annoncée au Forum économique international de Saint Petersburg –le « Davos » russe-, en mai 2018.
Porter la part de marché de la France à plus de 5 %
La visite de Bruno Le Maire, qui était accompagné d’une délégation comprenant notamment des entreprises, plutôt PME et ETI, ainsi que de hauts cadres de Business France et de Bpifrance, a, à cet égard, été placée sous le sceau de la diplomatie économique. Devant les étudiants russes, il a vanté la politique de redressement engagée par Emmanuel Macron en France mais il a aussi rappelé la nécessité d’œuvrer à « une coopération bien équilibrée et mutuellement bénéfique » et demandé la « réciprocité » dans le traitement des entreprises françaises en Russie, qui emploient 170 000 personnes localement.
Lors de la plénière du CEFIC, selon le Courrier de Russie, non seulement le ministre français a redit que le contexte des sanctions « n’empêche pas de progresser sur des dossiers très concrets qui permettent de faire avancer la relation économique franco-russe » mais il aurait aussi afficher l’ambition française de « dépasser la barre des 5 % de parts de marché » en Russie sous le quinquennat.
Les exportations françaises en Russie se redressent après avoir lourdement chuté de plus de 33,2 % entre 2014 et 2015 (de 6,754 à 4,5 milliards d’euros). Elles ont progressé de 8,3 % en 2016, pour atteindre 4,885 milliards et, sur les dix premiers mois de l’année 2017, elles étaient en progression de 11,7 %, faisant gagner deux places à la Russie dans le classement des pays clients, au 15ème rang (source : IHS Markit Global Trade Atlas).
Un « Arrangement administratif » et une déclaration d’intention
C’est sur les PME et l’innovation que les deux pays ont marqué, à l’occasion de la réunion du CEFIC, leur volonté de mettre l’accent, la Russie étant actuellement engagée dans une stratégie de modernisation de son économie et de diversification de sa production.
Un « Arrangement administratif » a ainsi été signé par les deux ministres pour faciliter le « développement de la coopération dans l’innovation ». Cet accord, qui ne relève pas du droit international des traités, a pour objectif « d’encourager le développement de la coopération bilatérale » en matière « d’innovation, de transition numérique, de compétitivité et de soutien aux nouvelles entreprises technologiques (start-up) ». Il marque l’engagement des deux parties à coopérer dans un nombre varié de domaine comme la politique d’innovation, le soutien à l’exportation, les infrastructures innovante, les projets conjoints d’instituts de développement, l’entrepreneuriat, la promotion des investissements ou encore les outils financiers.
Une « déclaration d’intention » a par ailleurs été signée par les deux ministres sur «l’approfondissement de la coopération bilatérale en matière d’accompagnement et de promotion des petites et moyennes entreprises (PME)».
CDC IC et le RDIF vont investir dans les projets de PME
Plusieurs autres accords et initiatives ont par ailleurs été concrétisés en faveur des PME. Le plus important est sans doute l’accord-cadre signé entre le fonds souverain français CDC-IC (Caisse des dépôts International Capital) et le fonds souverain russe RDIF (Russian Direct Investment Fund, en français Fonds russe des investissements directs/FRID) pour permettre d’investir en fonds propres sur des « tickets » inférieurs à 20 millions d’euros. Ces deux fonds gèrent une enveloppe commune de 300 millions d’euros destinée à soutenir les investissements directs des entreprises françaises et russes dans les deux pays : le nouvel accord-cadre les autorise à utiliser 25 % de cette enveloppe pour ces petits investissements plus adaptés au financement de projets de PME.
La première application n’a d’ailleurs pas tardé : un accord a été signé le même jour pour le soutien à un plan d’investissement de 15 millions d’euros que la société bretonne Olmix, spécialiste des solutions et produits alimentaires à base d’algues, met en œuvre dans son site de Saint-Pétersbourg. Il s’agit d’agrandir l’usine pour pouvoir proposer en Russie et dans toute la CEI (Communauté des Etats indépendants) toute la gamme de ses produits. Olmix, qui va aussi bénéficier pour ce projet d’un crédit export de Bpifrance, veut porter sont chiffre d’affaires en Russie à plus de 50 millions d’euros d’ici 2022.
Plusieurs autres contrats de PME ou ETI ont par ailleurs été signés en marge du CEFIC : le groupe d’ingénierie de la Haute Saône Gaussin, spécialiste de la conception de systèmes de portage sur roues pour charges lourdes, va ainsi livrer des équipements de manutention à l’opérateur portuaire russe Sea Fishing Port, à Saint Petersburg. De son côté Poma, spécialiste des systèmes de télésièges et téléphériques basé en Isère, va créer avec l’entité les Stations balnéaires du Caucase du Nord une co-entreprise dont l’objectif sera de construire des téléphériques pour les stations de ski.
Desk Moci
Pour en savoir plus :
Lire le relevé officiel de conclusions du 23ème CEFIC dans le document Pdf attaché à cet article.
Pour prolonger :
–France / Russie : B. Le Maire à Moscou en décembre, E. Macron à Saint-Pétersbourg en mai
–Russie / Logistique : comment l’ETI française FM Logistic devient numéro un
–États-Unis / UE : un texte du Sénat américain menace les intérêts européens dans l’énergie en Russie