Français et européen. Emmanuel Macron aura joué sur les deux tableaux pour son deuxième déplacement en Chine, du 4 au 6 novembre, et gagné : des contrats pour environ 15 milliards d’euros (Md EUR), un accord politique pour la protection de 100 identifications géographiques (IG) européennes et 100 IG chinoises, et le lancement par la Chine à Paris, le 6 novembre, de sa première émission obligataire souveraine en euro (voir fichier joint en pdf).
Autant d’annonces qui ont ponctué une visite dense, commencée par un discours fort attendu par des chefs d’entreprise français et allemands participant à la Foire des importations de Shanghai, dont la France était l’invitée d’honneur.
Le président de la République française s’est efforcé tout au long de son voyage de placer l’Union européenne (UE) au centre des débats, comme il l’avait fait au printemps en conviant la chancelière allemande Angela Merkel et le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker à l’Élysée pour accueillir Xi Jinping. D’où la présence en Chine à ses côtés de la ministre allemande de l’Éducation, Anja Karliczek, et du commissaire européen à l’Agriculture, Phil Hogan, successeur désigné de Cecilia Malmström au Commerce dans le futur exécutif présidé par Ursula von der Leyen.
E. Macron a rejeté « la loi du plus fort »
Ce positionnement européen d’Emmanuel Macron a fortement marqué, d’autant qu’il tranchait avec l’attitude d’Angela Merkel, qui s’était rendue en Chine en septembre avec une délégation 100 % allemande. Lors de son discours à la Foire des importations, le chef d’État français a parlé de l’UE comme seule force capable de peser entre les deux grandes puissances économiques en lutte pour la suprématie mondiale.
Le président fraçais s’est inquiété de la déstabilisation planétaire que fait courir le bras de fer entre Washington et Pékin et a appelé les deux capitales à trouver un accord. Rappelant sa défense d’une OMC (Organisation mondiale du commerce) réformée et rejetant « la loi du plus fort », qui ne serait ni le choix de la France, ni celui de l’Europe, il a déploré une guerre qui pèse sur l’ensemble des partenaires, « à commencer par l’Union européenne ».
« La guerre commerciale ne fait que des perdants », a encore assuré le président de la République, qui n’a eu de cesse de marquer sa différence : avec Donald Trump, dont il a condamné la politique isolationniste ; avec Xi Jinping, en demandant à Pékin un « traitement égal dans l’accès aux subventions et aux marchés publics », des « voies de recours » en matière juridique et le « respect de la propriété intellectuelle ».
Emmanuel Macron a appelé la Chine à « consolider » l’ouverture de son marché aux sociétés étrangères. Il est vrai que la France a tout intérêt à un accès simplifié sur le territoire du géant asiatique. L’ex-Empire du Milieu est à l’origine de son principal déficit commercial, avec -29,5 Md EUR en 2018 et -20 Md EUR sur les huit premiers mois de 2019, devant l’Allemagne, avec respectivement -16 Md EUR et -9,9 Md EUR.
Art et culture, « soft power » du président français
Le président français, depuis plusieurs mois, plaide pour un accord Chine-UE sur l’investissement en 2020, alors qu’un Sommet entre les deux puissances est annoncé en septembre prochain. Un rêve ou un pari ? Emmanuel Macron aime les défis. A voir encore comment ce projet peut être accepté par Xi Jinping, qui a initié en 2013 sa grande initiative des Routes de la soie.
En matière de coopération, l’année 2021 doit marquer l’envol du tourisme culturel entre les deux pays. Les Routes de la soie doivent être évoquées dans le prochain film de Guillaume Canet consacré à Astérix. Le réalisateur et acteur français a prévu d’en tourner une partie en Chine. Guillaume Canet, comme Jean-Michel Jarre, dont un concert est prévu en 2021, l’architecte Jean Nouvel ou encore le vigneron Gérard Bertrand, figuraient dans la délégation accompagnant Emmanuel Macron.
Une bouteille de romanée-conti et des tableaux de Fernand Léger et Sonia Delaunay ont été remis par le président français à son homologue chinois, alors qu’Emmanuel Macron a inauguré à Shanghai la première implantation à l’étranger du centre Pompidou. L’occasion pour le chef de l’État de célébrer « l’amitié franco-chinoise ». Georges Pompidou fut le premier président français à effectuer une visite officielle en Chine en 1973, soit neuf ans après la reconnaissance de la Chine par la France.
François Pargny