Après une mauvaise année 2016 en Afrique, 2017 aura été celle de la reprise. « La croissance y reprend de façon modeste. On a une région qui est dans une période positive, mais qui ne retrouvera pas en 2018 et 2019 le rythme très rapide d’avant », commentait Thierry Apoteker, président-fondateur du cabinet Tac Economics (notre photo), en introduction du 7e Forum Afrique Moci / Cian, le 2 février, sur le thème « enjeux climatiques : quand le risque devient opportunité ».
En outre, poursuivait-il, devant un parterre de quelque 1 000 entrepreneurs accueillis à la Chambre de commerce et d’industrie de Paris Ile-de-France, « il y a des situations extraordinairement différentes. La croissance africaine n’existe pas, il y a des croissances ». Preuve en est les prévisions, parfois très divergentes d’un pays à l’autre, cette année.
Si l’on prend les extrêmes, le Ghana sera le plus performant avec un produit intérieur brut (PIB) prévu à + 8,9 % en 2018, et la Guinée Équatoriale aura l’évolution de son PIB la plus calamiteuse, avec – 7,8 %. On peut citer encore l’Éthiopie et la Côte d’Ivoire, avec respectivement + 8,5 % et + 7,3 %, et à l’autre bout, le Burundi avec seulement + 0,1 % et le Soudan du Sud, avec – 3,4 %.
Des pays avec un risque élevé et une forte croissance et vice-versa
La croissance économique est un indicateur à prendre en compte quand on chasse des affaires. Tout comme les risques divers et variés selon les pays, en matière de taux change, conditions de paiement, de climat politique ou encore d’environnement des affaires. Plus ceux-ci seront élevés, plus le coût à payer par l’entreprise pour opérer dans un pays sera élevé. Pour compenser par rapport à d’autres nations où le risque global est moins élevé, la société devra exiger un supplément de rendement, ce qu’on appelle la prime de risque.
En croisant les perspectives de croissance moyenne de l’économie en 2018 et 2019 et la prime de risque nécessaire par pays, Tac Economics est parvenu ainsi à dégager quelques enseignements en Afrique. Le fait le plus marquant est un groupe de 14 pays, offrant tous une croissance économique supérieure à 3 % et demandant une prime de risque inférieure à 600 points de base par rapport à un pays industriel comme la France. Il s’agit de Maurice et du Maroc, mais aussi de la Tunisie et du Ghana, de l’Ouganda, Madagascar, la Tanzanie, du Sénégal, du Burkina Faso, du Togo, du Mali, de la Guinée Bissau, du Bénin et de la Côte d’Ivoire.
On pourrait s’étonner de ne pas trouver dans ce groupe le Kenya et l’Éthiopie, dont on loue le dynamisme économique et le volontarisme industriel. Le premier, en fait, est tout proche – la prime de risque est, cependant, supérieure à 600 points de base. En revanche, elle est beaucoup plus élevée, de 800 points de base, pour l’Éthiopie.
De même, dans ce groupe on ne trouve ni l’Afrique du Sud, ni l’Angola, ni l’Algérie, des pays où, pourtant, la prime de risque est relativement raisonnable : 300 points de base pour le premier, moins de 500 points de base pour les deux autres. Mais les trois ont en commun une prévision de croissance de l’économie au mieux de 1,5 % pour l’Angola. Donc inférieure aux 3 %
S. Sorieul : au Nigeria, « des investissements sont de nouveau envisagés »
Certains États, enfin, présentent une situation catastrophique, comme le Congo (croissance économique sous la barre des 1 % et prime de risque de près de 950 points de base) et le Soudan (croissance économique, certes, d’environ 4 %, mais prime de risque de près de 1 000 points de base). « Le fait que le coût du risque dans un pays soit élevé ne signifie pas qu’il n’y a pas d’opportunités pour les entreprises. En revanche, elles doivent en tenir compte quand elles font affaire », a précisé Thierry Apoteker.
Le Nigeria est sans doute dans ce cas. Il ne figure pas dans le groupe des 14, parce la prévision de la sa croissance économique est inférieure à 3 % et la prime de risque y est évaluée à plus de 500 points de base. Pour autant, ce pays est en phase de redémarrage, après avoir souffert de la chute des cours des hydrocarbures. « Et des investissements sont de nouveau envisagés par les opérateurs français dans ce pays », constatait Sandrine Sorieul, directrice du Conseil français des investisseurs en Afrique (Cian), en commentant le baromètre annuel de cet organisme sur l’environnement des affaires et l’activité des entreprises françaises en 2017 et 2018 (*).
A fin 2017, la note d’appréciation du climat d’affaires au Nigeria était de 2,3 sur 5, soit 0.1 point de moins que la moyenne du continent (2,4). Sur 34 États classés, 18 se situent sous la moyenne, en particulier la RDC (1,4). 16 sont au dessus de cette barre. On y retrouve en tête le Maroc et Maurice, avec des notes de 3,4 et 3,2, suivis de près de l’Afrique du Sud, avec 3,1, l’Algérie, l’Éthiopie et l’Ouganda, avec 3, et le Ghana, avec 2,9.
Les exportateurs et investisseurs français s’entendent souvent dire que le risque est particulièrement élevé en Afrique pour aussitôt s’entendre dire également en complément que les opportunités et la rentabilité sont à la mesure du risque. D’après l’enquête du Cian, les nations avec la plus forte rentabilité attendue en 2018 seront au nombre de trois au sud et à l’est : Maurice, Madagascar, Éthiopie. Au Nord, ils seraient également trois : Tunisie, Égypte, Algérie. Et à l’ouest, quatre : Mali, Ghana, Guinée, Sénégal.
François Pargny
* Tous les résultats du baromètre 2017 du Cian sur l’environnement des affaires et l’activité des entreprises françaises en Afrique sont dans le« Rapport 2018 Les entreprises internationales en Afrique », édité par Le Moci.
Pour prolonger :
– Afrique / Export : quand l’AFD allie développement et appui aux sociétés françaises
–France / Afrique : Europe, jeunesse, diplomatie économique, trois priorités d’E. Macron
– France / Afrique : E. Macron et R. Kaboré inaugurent la plus grande centrale solaire ouest-africaine
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– Développement / Entreprises : le groupe AFD-Proparco confirme sa lune de miel avec le secteur privé
Et aussi
– Le Guide Moci « Où exporter en 2018 ? » avec plusieurs pays africains : Maroc, Égypte, Nigeria, Sénégal