Les États-Unis vont taxer les exportations de certains produits des États-membres de l’Union européenne (UE) à partir du 18 octobre. Mais plus modérément qu’ils auraient pu le faire. Fort d’un jugement de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui lui est favorable, condamnant Airbus pour subventions illégales à ses avions gros porteurs (A380 et A350), la patrie de Donald Trump va appliquer un droit de douane supplémentaire de 10 % sur les exportations du constructeur aéronautique européen et de 25 % sur toute une série de produits agricoles et industriels importés du Vieux Continent.
La liste publiée par le représentant au Commerce (USTR) comprend 15 sections, chacune d’entre elles visant un certain nombre de pays et de produits déterminés. En particulier, la section 1 sur l’aéronautique mentionne les appareils touchés, à savoir des avions civils et aéronefs neufs d’un poids à vide supérieur à 30 000 kg. Ceux-ci sont fabriqués par quatre pays : France, Allemagne, Espagne et Royaume-Uni.
S’agissant des autres sections, la France est concernée par trois d’entre elles. Ainsi, ses olives et ses vins vont être taxés à 25 % ad valorem (section 7), ainsi que ses fromages et des produits laitiers, à l’exception du roquefort (sections 13 et 27).
Pour autant, c’est l’ensemble des Vingt-huit qui vont faire les frais des pénalités annoncées par Washington. Au total, 150 catégories de produits sont concernés, du whisky écossais et des vins espagnols au stilton et au parmesan, en passant par les produits textiles britanniques (sweaters, anoraks, couvertures…) et de l’industrie allemande (haches, tournevis, couteaux, lames, machines, micro-ondes…).
La pluie avant la tempête ?
Si l’on considère que l’OMC avait autorisé Washington à taxer à 100 % chaque année jusqu’à 7,5 milliards de dollars d’importations européennes, ont peut considérer que les Américains font preuve d’une certaine modération. De même, alors que Donald Trump n’a eu de cesse depuis son investiture de dénoncer l’OMC, les États-Unis ont décidé de faire valider leur liste par l’institution internationale, lors d’une réunion prévue le 14 octobre.
Il y a de la part des États-Unis un certain attentisme. Est-ce juste une pause avant la décision attendue le 13 novembre d’imposer ou non des surtaxes à l’importation de voitures et pièces détachées européennes ? Est-ce que l’Administration américaine craint aussi le jugement de l’OMC sur les subventions des États-Unis à Boeing, attendu début 2020, qui devrait cette fois donner raison à Bruxelles ?
Ce que remarque l’ensemble des observateurs en matière d’aéronautique, c’est qu’Américains et Européens ont toujours voulu éviter l’escalade, même si, en l’occurrence, Boeing réclamait que la taxation de 100 % soit automatiquement appliquée. Les clients américains d’Airbus, comme United Airlines, JetBlue Airways, American Airlines et Delta Air Lines, qui y étaient opposés, semblent pour le moment avoir obtenu gain de cause.
L’UE prête à en découdre, Paris aussi
De son côté, Bruxelles, qui a vainement tenté de pousser une solution de compromis, a mis en garde Washington.
Dans une déclaration du 30 septembre, la commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström, a rappelé que « l’organe de règlement des différends de l’OMC a reconnu que tant l’Union européenne que les États-Unis étaient coupables d’avoir continué à accorder certaines subventions illégales à leurs constructeurs d’aéronefs » et que l’UE, qui a publié en avril dernier une liste préliminaire de produits américains concernés, « aura également, dans quelques mois, le droit d’imposer des contre-mesures à l’encontre des États-Unis en raison du non-respect persistant des règles de l’OMC ».
Dans l’intérêt commun, Cecilia Malmström a appelé à « trouver une solution équitable et équilibrée » pour les deux industries aéronautiques. Elle regrettait ainsi que Washington n’ait pas répondu aux propositions des Européens de juillet dernier pour élaborer un « nouveau régime en matière de subventions aux aéronefs » et « une solution concernant les obligations de conformité présentes de part et d’autre de l’Atlantique ».
A Paris, lors de son point de presse du 2 octobre, le porte-parole du Quai d’Orsay a aussi estimé que « l’escalade des tensions commerciales » avec les États-Unis « n’est pas souhaitable ». Conformément à la déclaration de la commissaire au Commerce, il a indiqué que « l’Union européenne souhaite privilégier une résolution amiable et élaborer de nouvelles disciplines communes pour encadrer les soutiens publics aux entreprises de l’aéronautique ». Une main tendue que Washington ne semble, pourtant, pas encore toute à fait prêt à saisir.
François Pargny