« J’exhorte les gouvernements à faire preuve de retenue et à régler leurs différends par le dialogue et un engagement résolu » : le message délivré le 12 avril par le directeur général de l’OMC, Roberto Azevêdo, à l’occasion de la publication des dernières prévisions de cette organisation en matière de commerce mondial, résume à lui seul le climat d’inquiétude qui règne actuellement dans le monde face au risque d’une guerre commerciale sans merci entre les Etats-Unis de Donald Trump et le reste de la planète.
Montée en flèche des inquiétudes
Son homologue au FMI, la française Christine Lagarde, ne manque plus une occasion, elle non plus, de mettre en garde contre une guerre commerciale qui ne ferait, selon elle, que des perdants. Le sujet sera sans nul doute bien placé à l’ordre du jour des prochaines réunions de printemps du FMI et de la Banque mondiale, prévues du 16 au 22 avril prochain à Washington.
Les inquiétudes sont montées en flèche depuis que le président américain à lancé ses premières attaques, fin mars, en annonçant unilatéralement l’instauration de taxes de 25 % sur l’acier et de 10 % sur l’aluminium. Depuis, Washington a réajusté le tir en visant plus particulièrement la Chine, entraînant une riposte immédiate de Pékin : depuis début avril, les deux gouvernements se menacent mutuellement de taxes sur 50 milliards de dollars d’importations de produits ciblés en provenance de l’autre -soja américain contre circuits imprimés chinois…-, négociant en coulisse.
« Un cycle de représailles est la dernière chose dont l’économie mondiale ait besoin, a insisté le responsable brésilien. L’action collective est le meilleur moyen de régler les problèmes commerciaux urgents auxquels sont confrontés les Membres de l’OMC » a encore insisté Roberto Azevêdo. Car cette fièvre protectionniste venue d’Outre-Atlantique, si elle n’est pas une surprise compte-tenu des positions affichées par Donald Trump avant et après son élection, intervient au plus mauvais moment pour le commerce mondial, qui reprend des couleurs après une période de fort ralentissement grâce aux bons chiffres de croissance économiques tirés par les pays développés.
Augmentation de 4,4 % en volume du commerce mondial en 2018
L’OMC a ainsi revu à la hausse ses prévisions, tablant sur une augmentation de 4,4 % en volume du commerce mondial de marchandises en 2018 (avec une fourchette allant de 3,1% à 5,5 %), contre + 3,2 % prévu précédemment, avant une stabilisation autour de + 4 % en 2019. La reprise de la croissance de l’économie mondiale cette année, prévue par l’OMC à + 3,2 % à taux de change du marché, devrait accompagner cette progression. En 6 ans, c’est la plus forte hausse du commerce mondial enregistrée.
En 2017, la progression du commerce mondial de marchandises avait été de 4,7 %, pour atteindre 17 198 milliards de dollars d’exportations totales et celui des services commerciaux de 7 % (5072 milliards de dollars d’exportations totale).
Toujours d’après les prévisions actuelle de l’OMC, en 2018, la croissance des échanges seraient plus forte pour les pays en développement tant pour les exportations (5,4%) que pour les importations (4,8%). Les pays développés devraient également connaître une croissance assez forte tant des exportations (3,8%) que des importations (4,1%). L’Asie serait à l’origine de la plus forte croissance des échanges. A noter que si l’OMC publie dans le détail les statistiques d’échanges de services en 2017, elle n’établit pas de prévisions spécifiques pour 2018 et 2019 les concernant.
Des importations en hausse de plus de 4 % en 2018
Pour 2018, les prévisions de croissance des importations de marchandises par grandes zones géographiques, tendances qui intéressent particulièrement nos exportateurs, tablent sur une progression plus forte pour les pays en développement (+ 4,8 %) que les pays développés (+ 4,1 %). La hiérarchie serait la suivante :
– Asie : + 5,9 %
– Amérique du nord : +5,7 %
– Amérique du sud, centrale et Caraïbes : + 3,9 %
– Europe : + 3,5 %
– Autres Régions (dont Afrique et Moyen Orient) : + 0,4 %
A l’exportation, cette hiérarchie serait modifiée par la remontée des « autres régions », où l’on trouve de gros exportateurs de matières premières et d’hydrocarbures :
– Asie : + 5,7 %
– Autres Régions (dont Afrique et Moyen Orient) : + 4,7 %
– Amérique du nord : +4,5 %
– Europe : + 3,6 %
– Amérique du sud, centrale et Caraïbes : + 2,8 %
Sauf qu’une guerre commerciale à grande échelle donnerait un coup d’arrêt à cette conjoncture plutôt favorable. « Le recours accru à des mesures commerciales restrictives et l’incertitude qu’elles suscitent chez les entreprises et les consommateur pourrait engendrer des cycles de représailles qui pèseraient lourdement sur le commerce et la production au niveau mondial » avertit l’OMC. On est prévenu.
Christine Gilguy
*Pour le détail des statistiques et analyses de l’OMC, consulter le document Pdf attaché à cet article.
Pour prolonger :
-Commerce mondial : des opportunités à prendre au top 20 des importateurs mondiaux
–États-Unis / Commerce : forces et limites de la politique de D. Trump
–France / Industrie : les défis du protectionnisme et de la compétitivité
–Conjoncture / Export : les ETI naviguent entre optimisme et crainte du protectionnisme
–Etats-Unis / Protectionnisme : l’UE peine à définir une stratégie face aux menaces de D. Trump