La décision a été annoncée la semaine passée par Ottawa et Bruxelles. L’Accord économique et commercial global (AECG, ou CETA pour son acronyme anglais) s’appliquera de façon provisoire dès le 21 septembre prochain, en attendant une pleine entrée en vigueur du texte une fois que tous les parlements des pays membres de l’Union européenne (UE) l’auront également ratifié. Le choix de septembre doit permettre « de prendre d’ici là toutes les mesures nécessaires à sa mise en œuvre », indique le communiqué commun.
Certains détails restent en effet à régler, notamment la répartition des types de fromage dans le total du quota notifié à l’accord. Une question particulièrement sensible pour la France, « Sur le CETA, nous défendons nos intérêts, et tant qu’on n’a pas réglé le problème des quotas de fromage, nous n’appliquerons pas l’accord », a rappelé le 12 juillet le ministre de l’Économie Bruno Le Maire devant la commission des Finances. Mais la date butoir fixée par l’UE et le Canada pose un autre problème au gouvernement français. Elle laisse en effet peu de marge de manœuvre à la commission d’évaluation, mise en place le 5 juillet dernier, pour étudier l’impact du CETA sur l’environnement et la santé et de faire des recommandations sur les aménagements éventuels à apporter au CETA, et plus largement aux accords commerciaux de nouvelle génération négociés par l’UE.
Quelle est l’utilité du comité d’évaluation de la France sur le CETA ?
Composé d’experts de l’environnement, de la santé, mais aussi des juristes en droit international, le comité dispose donc de très peu de temps pour rendre ses conclusions, d’ici le 7 septembre. « Emmanuel Macron lui-même, lors de la campagne présidentielle, avait pris en compte ces inquiétudes en promettant non seulement la mise en œuvre d’une commission consultative d’experts mais aussi de renégocier les points litigieux de l’accord après avis de cette commission. Quel sera le rôle de ce comité à peine installé si le CETA entre en vigueur ? », déplore Yannick Jadot, eurodéputé du groupe des Verts et vice-président de la commission ‘Commerce international’ (INTA), au Parlement européen. Des inquiétudes également relayées par les ONG qui s’étaient mobilisées contre le pacte commercial. « On sent qu’il y a un risque que les recommandations de la commission soient prises en compte pour les accords commerciaux futurs de l’UE, mais pas pour le CETA », regrette Karine Jacquemart, directrice générale de Foodwatch.
Déjà échaudée par la fronde du parlement wallon qui avait retardé la signature de l’accord en octobre dernier, la Commission européenne préfère ne pas intervenir dans ce débat « franco-français ». « Ce n’est pas une commission d’évaluation nationale qui pourra, du jour au lendemain, mettre un terme à la dynamique politique entre l’UE et le Canada et à ce cadre juridique de coopération économique », reconnait Franck Proust, eurodéputé du Parti populaire européen (PPE), également membre de la Commission INTA. Et à Bruxelles comme à Ottawa, personne ne veut retarder encore la mise en œuvre de l’accord.
Le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, avait en personne recommandé au président de la Commission, Jean-Claude Juncker, l’application provisoire « le plus tôt possible » du pacte commercial. Dès le 21 septembre, 98 % du CETA pourra entrer en vigueur, soit tous les éléments qui relèvent de la compétence exclusive de l’UE. Négocié pendant sept ans, l’accord doit, selon la Commission, supprimer plus de 99 % des droits de douane avec le Canada, 12e partenaire commercial de l’UE, et faire progresser de 25 % les échanges entre les deux blocs.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
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